Comment vous expliquez-vous que le thème de l'amour et celui de la mort occupent une place capitale dans la littérature et y soient si souvent mêlés l'un à l'autre ?
Publié le 02/04/2009
Extrait du document
N.-B. : A première vue le sujet est plutôt philosophique. Il vous appartiendra de puiser dans votre culture personnelle suffisamment d'exemples pour lui donner une couleur littéraire. Dans l'Introduction, rappeler la présence et l'importance de ces deux thèmes dans toutes les littératures et à toutes les époques. Penser, par exemple, à : Sapho, Narcisse, Céladon, Roméo et Juliette, Atala, Chatterton, Emma Bovary.
-
I. - MOTIFS DE L'IMPORTANCE DE CES DEUX THÈMES
1°) Amour et mort sont l'incarnation de la nature même de l'être humain, Ambiguïté fondamentale de l'homme : chair et esprit dans l'amour (cf. Nouvelle Héloïse, Contemplations), corps et âme dans la mort (cf. Bossuet). 2°) Amour et mort sont l'incarnation des deux tendances fondamentales de l'être humain : le désir (amour) et l'angoisse (mort), expressions de l'attitude contradictoire de l'homme à l'égard de l'avenir. 3°) Amour et mort sont deux mystères que l'homme ne parvient pas à percer. On ne comprend pas ceux qui s'aiment (cristallisation amoureuse, étudiée par Stendhal), on s'interroge sur la mort ou on la craint (Bossuet, Chénier). 4°) Amour et mort sont deux moyens de donner un sens à la vie, soit qu'on vive pour et à travers quelqu'un (ce qui compte dans l'amour, c'est l'autre), soit qu'on perde la vie pour quelqu'un ou pour quelque chose (cf. La Condition Humaine de Malraux).
«
12
Quel
rôle l'amour et la mor t -----------,
jouen t-ils dans la tragédie ?
Depuis l'Antiquité, Éros et Thanatos s'affr ontent dans les mythes et les tragé dies.
L'histoire des amants de Vérone repose sur la haine, antithèse de l'amour, auxiliaire
de la mort.
À travers des personnages qui deviendront des archétypes de la passion,
l' amour et la mort ne sont-ils pas les véritables protagonistes du drame ?
1.
De s fig ures mythologi ques à l'ori gine d'une rhétorique
Cupidon et Vénus
Shakespeare prête à Roméo avant l'entrée en scène de Juliette une rhétorique
venue de Pétrarque qui, faute de sentiment authentique, tend au cliché.
Roméo évoque
la flèche de Cupidon qui ne saurait toucher Rosaline ; de la flèche d'amour, naît la
métaphore des yeux aux « œillades meurtrières » (I, 1, v.
209).
Cette même image
qualifie les yeux de Julie tte dans lesquels il y a plus de danger «que dans vingt de
leurs épées » (II, 1, v.
115).
Pour contrebalancer le caractère hyperbolique de l'él oge,
Mercutio joue de la parodie en substituant au noble le familier -«m a marraine
Vénus »-et en mélangeant sources antiques et bibl iques, « Abraham Cupidon» (II, 1,
v.
12 et 14).
La mythologie devient un exercice de virtuosité.
Du nocher Charon au mons tre dévor ateur
Moins développée, l'image mythique de Charon, le nautonier des Enfers, est par
deux fois employée par Roméo.
L'apostrophe qu'illui adresse avant de boire le poison
semble préfigurer l'invocation baudelairienne qui clôt « Le Voyage » (Les Fleurs du
mal, 1857) : «ô Mort, vieux capitaine, il est temps, levons l'ancre.
» Souvent person
nif iée, la mort est assimilée à quelque monstre dévorate ur, tel le Minotaure.
Juliette
est effrayée par« ce caveau dont la gueule puante n'aspire jamais d'air pur » (IV, 3,
v.
32-33).
Avant de péné trer dans le tombeau, Roméo associe la mort à un monst re
insatiable : «Ô détestable panse, ô ventre de la mort » (V, 3, v.
45).
La mort absorbe
la chair vouée à la putréf action.
Cette morbidité entre hyperr éalisme et imaginaire
fa scinait le public élisabéthain.
La mythologie enrichit la poétique.
Il.
Des forces adverses qui entrent en conflit
La mort, vérita ble rival de Roméo
Même si Pâris est désigné comme le futur gendre de Capulet, même si au
cime tière Roméo met à mort ce prétendant, ce noble seigneur parent du Prince n'a
pas la stature d'un rival, au point que Roméo doute des rumeurs que son valet lui a
rapportées.
La haine précipite le malheur des amants, puisqu'en tuant Tybalt, Roméo
est mis au ban de la société, mais Frère Laurent a la sagesse d'atténuer son désarro i.
Dans cette confrontation avec le destin, l'adversaire semble être la mort.
Plusieurs
images la décrivent comme l'ultime amant de Juliette.
Capulet déplore: «L a Mort
est mon gendre » (IV , 5, v.
38 ), tandis que Roméo fantasme : « [ ...
] l' odieux monstre
décharné te garde/[ ..
.
] pour être ton amant » (V, 3, v.
104- 105).
Le subte rfuge de la w
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