Comment reconnaît-on qu'un problème est philosophique ?
Publié le 19/08/2005
Extrait du document
Analyse du sujet : Un sujet qui porte sur le problème, défini comme toute difficulté théorique ou pratique dont la solution est incertaine, et, plus précisément, sur les risques permettant de reconnaître sa spécificité en philosophie (par rapport à une compréhension générale de l'homme et du monde). Conseils pratiques : Le problème philosophique se distingue d'une question à résoudre par des méthodes scientifiques. Il faut réfléchir sur la méthode propre à la philosophie et sur le type d'interrogation qui lui est lié. Bibliographie : DELEUZE: Différence et répétition (pp. 169-sq.), PUF. GRENIER, La connaissance philosophique (pp. 120-sq.) Difficulté du sujet : ***
Nature du sujet : À la fois classique et pointu.
«
dialogues de Platon nous en fournissent un exemple magistral : Socrate ne cherche pas tant à enseigner quelquechose qu'à poser des problèmes, qu'à éveiller les consciences à l'existence des problèmes.
II.
Le problème philosophique est un problème qui doit se maintenir jusque dans sa résolution.
1.
Le problème philosophique se caractérise par la contradiction de deux thèses également vraies.— La philosophie doit pousser tout problème jusqu'au point où il livre sa signification ultime, mais à quoi reconnaît-onqu'on est parvenu à cette signification ultime?— Le problème existe d'abord comme un fait : il est un obstacle qui se trouve là, sur mon chemin.
Comprendre leproblème, et comprendre pourquoi il est là, c'est comprendre pourquoi il ne pouvait pas ne pas être là.
Le problèmecesse d'être contingent pour devenir nécessaire : le problème est pleinement constitué quand on comprend qu'il netient pas à moi, à ma manière particulière de regarder les choses ou d'agir, mais qu'il est inscrit dans la nature mêmedes choses.Exemple : l'apparence.
Je bute sur un obstacle : certaines apparences trompent.
Le problème ne devient vraimentphilosophique que lorsque je comprends que cela est lié à l'essence même de l'apparence.
Le problème particulier,contingent (il y a des apparences qui trompent), devient une contradiction interne à toute apparence : il est dansla nature de l'apparence de révéler l'être et de le cacher.— Le problème atteint donc sa nécessité quand on peut le mettre sous la forme d'une contradiction entre deuxthèses également vraies :• l'apparence révèle l'être,• l'apparence cache l'être.Les deux thèses — ce qu'on continue à appeler la thèse et l'antithèse — ne sont pas artificiellement rapprochées,mais elles s'impliquent l'une l'autre.
Elles sont les deux faces inséparables d'une même réalité : si je sais quel'apparence trompe, c'est parce qu'en même temps elle me révèle l'être, et seule cette révélation de l'être parl'apparence peut m'apprendre que l'apparence trompe.
2.
La contradiction appelle une résolution.— Le problème philosophique se caractérise donc par une contradiction.
Cette contradiction ne montre-t-elle pasalors l'inanité du problème? Pourquoi faire de la contradiction le sommet de la philosophie, alors qu'habituellement,quand nous entendons quelqu'un tenir des propos contradictoires, nous concluons, à juste titre, qu'il ne sait pas cequ'il dit?— L'existence d'une contradiction paraît conduire tout droit au scepticisme.
Si je peux dire à la fois une chose etson contraire, c'est tout simplement que la vérité n'existe pas.
Le problème n'existe que parce qu'on admet l'idéequ'il existe une vérité : s'il n'y a qu'une vérité, l'existence de deux thèses contradictoires est certes un problème.Mais pourquoi ne pas admettre plus simplement qu'il y a plusieurs vérités, ou, ce qui revient au même, qu'il n'y en apas?— Ce faisant, le sceptique se met dans une position intenable.
Il affirme qu'on ne peut rien affirmer.
Il dit qu'il estvrai qu'il n'y a pas de vérité.— Le scepticisme est donc un passage obligé, mais ce n'est pas une position durable.
Dire que tout problèmephilosophique se caractérise par deux thèses contradictoires, c'est dire qu'il y a un moment de scepticisme danstoute philosophie.
Mais, parce qu'on ne peut renoncer à l'idée d'une vérité unique, parce que par essence le vrai estunique, le scepticisme doit être dépassé : la contradiction doit être résolue.
3.
La résolution doit maintenir le problème.— Un nouveau danger menace alors le problème philosophique.
Pour sortir du scepticisme, nous devons chercherune solution au problème.
Mais alors n'en revient-on pas à l'attitude pré-philosophique qui n'examine le problème quepour le supprimer, le résoudre?— On peut certes dire que toute solution en philosophie est provisoire, au sens où à son tour elle doit êtreéprouvée, problématisée, que les problèmes se déplacent, s'approfondissent, mais ne se dissipent jamais.— Cependant, si la solution n'est destinée qu'à faire surgir un nouveau problème, on peut craindre de ne jamais venirà bout du scepticisme.
Pour vaincre le scepticisme, il faut avoir l'espoir d'une solution qui ferme le problème.— Nous sommes donc pris dans une contradiction redoutable :• pour vaincre le scepticisme, le problème doit être résolu ;• mais si la solution supprime le problème, alors le problème philosophique n'est qu'un problème comme un autre,destiné à disparaître avec la découverte de la solution.Nous devons donc comprendre en quoi le problème philosophique se maintient dans la solution qui le résout.
III.
Comment le problème philosophique peut-il se maintenir dans sa solution ?
1.
Les deux thèses contradictoires sont l'expression d'une même vérité...
— Toute résolution de problème paraît impliquer que l'on choisisse entre les thèses contradictoires : l'une est vraie ;l'autre fausse.
Dès lors, la résolution du problème est aussi sa dissolution : si l'une des thèses en présence estfausse, le problème lui-même est inconsistant.
II part en fumée, il n'est qu'un faux problème.— Pour résoudre le problème, on devra donc montrer l'unité des deux thèses contradictoires.
En s'élevant à un point.
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