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Comment passe-t-on de l'opinion à la connaissance ?

Publié le 20/01/2010

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Comment passe-t-on de l'opinion à la connaissance ?

L'opinion, en tant que jugement sans fondement rigoureux, est critiquée dans la mesure où elle se donne les apparences d'un savoir. Sa teneur subjective issue d'impressions, de sentiments, de croyances, la distingue de la connaissance objective, universelle et nécessaire qui peut être identifiée à un savoir vrai sur les choses qu'elle prend pour objet. La question du passage de l'une à l'autre est délicate. Nous pouvons d'ores et déjà souligner que le sujet porte sur la nature des modalités de ce passage et implique donc aussi d'interroger sa possibilité. L'effectivité du passage entre deux états suppose-t-elle l'existence d'une certaine identité, parenté, ressemblance entre eux ? S'ils diffèrent de manière trop considérable, comme cela semble être le cas en ce qui concerne les deux notions en présence, le passage est-il possible ? Ces interrogations exigent d'analyser les différents sens de l'infinitif « passer «. Il signifie le fait d'aller d'une chose à une autre, ce qui pose la question du lien entre ces deux choses. Le passage peut prendre la forme d'une transition continue ou bien celle d'une destruction, l'état antérieur devant être aboli pour permettre l'état postérieur. Si l'opinion est conçue comme point de départ de la connaissance, il peut être question d'un passage de l'une à l'autre. Mais de quelle nature serait ce passage ? Par étapes successives nous aboutirions à la connaissance. Pour autant la différence essentielle entre ces deux notions rend ce type de passage difficile voire impossible. Une définition large du passage nous permet de l'identifier aussi à une destruction. Seule l'abolition de l'opinion nous permettrait d'accéder au processus de connaissance. Cependant si la connaissance est comprise comme étant le terme d'un processus il faut bien pour le scientifique avoir un point de départ, une sorte de connaissance inadéquate qui serait une étape nécessaire, à dépasser par la suite.

 

Nous limitons le champ de nos investigations au domaine scientifique. La connaissance pratique ne sera pas ici abordée dans la mesure où sa relation à l'opinion se problématise d'une manière différente.

 

« Pour ce faire le recours à Descartes s'avère particulièrement utile.

La première Méditation métaphysique débute par la présentation du doute méthodique.

La racine du savoir ne peut être douteuse et incertaine.

C'estpourquoi il nous faut nous débarrasser de nos préjugés antérieurs.

« Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçuque, dès mes premières années, j'avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j'ai depuisfondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain ; de façon qu'il me fallaitentreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j'avais reçues jusques alorsen ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme etde constant dans les sciences.

» La fondation de la science suppose donc la mise en pratique du doute méthodiqueet le rejet de toutes nos opinions en raison de leur caractère contingent et incertain. La raison de cette exclusion des opinions dans le processus de connaissance réside dans l'opposition de leur nature.

L'hypothèse suivant laquelle lors du passage de l'opinion à la connaissance, des éléments de la premièreseraient conservés dans la seconde est erronée à cause de cette différence essentielle.

Platon dans le Timée la met en évidence.

« Or, si l'intellect et l'opinion vraie sont deux genres, alors elles ont une existence absolumentindépendante, ces Formes que nous pouvons percevoir non par nos sens, mais par notre intellect seul.

En revanche,si, comme le croient quelques-uns, l'opinion vraie ne diffère en rien de l'intellect, nous devons plutôt poser que toutce que nous percevons par le moyen de notre corps est ce qu'il y a de plus certain.

Pourtant, il faut évidemmentreconnaître que l'intellect et l'opinion vraie sont bien deux choses différentes, car elles ont une origine distincte etune nature différente.

La première est produite en nous grâce à l'instruction, l'autre par le moyen de la persuasion.

»(51d ).Bien loin d'être adjuvant à la connaissance l'opinion semble être un obstacle à surmonter.

Leur différence essentielle est à l'origine de leur opposition.

Bachelard dans La Formation de l'esprit scientifique présente les obstacles à une connaissance vraie qui sont bien souvent non pris en compte.

L'opinion fait partie de ces écueils àéviter.

« La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion.

S'illui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ;de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort.

L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins de connaissance.

En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître.

On ne peut rien fonder surl'opinion : il faut d'abord la détruire.

Elle est le premier obstacle à surmonter.

» L'opinion se dresse sur le chemin dela connaissance et nous devons pour l'abolir progresser. La nécessité pour le scientifique de détruire les opinions pose la question de savoir si on peut légitimement parler d'une possibilité de passage de l'opinion à la connaissance.

Dans une conception étroite du « passage », quisupposerait une forme de conservation des éléments de l'état antérieur dans l'état postérieur, cette possibilité estniée.

Par contre en adoptant une conception plus large de la notion de « passage » pouvant prendre le sens d'undépassement, cette possibilité est envisageable.

Il nous reste à comprendre dans quelle mesure ce passage estrendu possible ce qui sera l'occasion d'exposer une conception plus fine de la pensée humaine. Troisième partie : Pourquoi, si l'opinion est instable et incertaine, l'homme est-il si souvent confronté à elle ? Cette question exige d'analyser ce qu'est la pensée et dans quelle mesure l'opinion a sa place dans ce processus de connaissance. Pour y répondre nous examinerons la définition platonicienne de la pensée.

Dans le Théétète Socrate la définit en ces termes : « Un discours que l'âme se tient tout au long à elle-même sur les objets qu'elle examine.

[…]ce n'est pas autre chose, pou elle, que dialoguer, s'adresser à elle-même les questions et les réponses, passant del'affirmation à la négation.

Quand elle a, soit dans un mouvement plus ou moins lent, soit même dans un élan rapide,défini son arrêt ; que, dès lors, elle demeure constante en son affirmation et ne doute plus, c'est là ce que nousposons être, chez elle, opinion.

» (189e-190a).

L'opinion serait donc un arrêt de ce dialogue de la pensée avec elle-même.

Quelle est la cause de cet arrêt ? Comment se fait-il que l'homme se satisfasse de l'opinion, s'y arrête ? Est-ce un moyen pour la pensée de se reposer et de trouver un contenu même insatisfaisant ? La science comme l'opinion sont considérées comme des « puissances » par Platon.

( République , 477d). L'âme humaine a la possibilité d'affirmer et de nier quelle que soit la nature de son contenu, celui-ci pouvant doncêtre faux, comme l'atteste l'opinion erronée.

La pensée de l'homme n'étant pas parfaite, elle peut se fourvoyer.Même la pensée dialectique peut s'oublier, s'immobiliser, elle court le risque alors de croire à ses résultats et de lestransformer en opinion vraie.

L'opinion constitue donc une pente naturelle de l'esprit.

Cette caractéristique va depair avec notre définition de l'homme qui est à la fois un sujet connaissant et un sujet passionné, pouvant êtreguidé par des forces irrationnelles.

Nous pouvons être séduits par nos opinions et leur conférer plus de créditqu'elles ne doivent en recevoir.

Or cette possibilité exige donc du savoir qu'il ne cesse de se différencier de l'opinion.

Conclusion L'opinion peut sans conteste être l'occasion d'un processus cognitif, soit par la prise de conscience de sa fausseté soit par celle de son insuffisance (opinion vraie) inclinant l'homme à résoudre cette connaissanceinadéquate.

Elle a bien souvent été l'objet de critique de la part des scientifiques, le doute qui lui est inhérents'opposant à la poursuite du savoir.

Le passage entre l'opinion et la connaissance prend la forme d'un dépassement,l'acquisition de la seconde exigeant l'abolition de la première.

La possibilité de l'opinion réside dans l'essence même. »

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