Comment juger les systèmes politiques ?
Publié le 30/08/2014
Extrait du document
Il n'y a donc pas et il ne saurait y avoir de régime politique absolument préférable à tous les autres, il y a seulement des états de civilisation plus perfectionnés les uns que les autres. Les institutions bonnes à une époque peuvent être et sont même le plus souvent mauvaises à une autre, et réciproquement. Ainsi, par exemple, l'esclavage, qui est aujourd'hui une monstruosité, était certainement, à son origine, une très belle institution, puisqu'elle avait pour objet d'empêcher le fort d'égorger le faible ; c'était un intermédiaire inévitable dans le développement général de la civilisation. De même, en sens inverse, la liberté, qui, dans une proportion raisonnable, est si utile à un individu et à un peuple qui ont atteint un certain degré d'instruction et contracté quelques habitudes de prévoyance, parce qu'elle permet le développement de leurs facultés, est très nuisible à ceux qui n'ont pas encore rempli ces deux conditions, et qui ont indispensablement besoin, pour eux-mêmes autant que pour les autres, d'être tenus en tutelle. Il est donc évident qu'on ne saurait s'entendre sur la question absolue du meilleur gouvernement possible.
AUGUSTE COMTE.
Cet extrait de Comte a sans doute l'intérêt de contester toute entreprise intellectuelle qui prétendrait choisir, au nom de l'humanité tout entière, un régime politique capable d'assurer le bien de tous. Ce « bien « apparaît en effet impossible à définir de manière absolue, dès lors que l'on tient compte des différences existant entre les populations. De ce point de vue, le relativisme ici prôné dénonce à l'avance toute tentative totalitaire. Par contre, sa position risque de mener à une passivité morale, à laquelle il n'est pas très facile d'échapper.
«
CORRIGÉ
[Introduction]
Dans l'histoire de la philosophie, on constate l'existence de nom
breuses tentatives pour définir un régime politique idéal, ou définitive
ment préférable à tous les autres.
De
la République de Platon aux théories
de Hobbes, pour ne pas évoquer des réflexions postérieures à Comte lui
même comme la théorie du communisme marxiste, les modèles de préten
due perfection ne manquent pas.
La position de Comte consiste au
contraire à faire valoir qu'un tel modèle
ne peut pas être défini, dès que
1' on considère 1' ensemble des états de civilisation réalisés dans le monde :
la République
n'a donc de sens que relativement à la Cité grecque, et les
théories de Hobbes dans le contexte d'une réflexion sur la monarchie
absolue.
Mais comment justifier que
l'on doive ainsi avouer notre incapa
cité à définir un régime politique absolument souhaitable
?
[1 -Il n'y a pas, dans l'absolu,
de meilleur gouvernement possible]
Dès la première phrase de son texte, Comte adopte un point de vue
concernant l'ensemble du déroulement historique des sociétés.
Au lieu de
limiter la réflexion sur l'État à la situation actuelle, il envisage une évolu
tion des
«états de civilisation», c'est-à-dire des différents systèmes de
valeurs et de comportements dont on peut constater l'existence
à travers
l'Histoire.
Dans ce contexte, on peut seulement relever l'existence d'une perfec
tion relative des états de civilisation les uns par rapport aux autres.
C'est pourquoi une institution ne peut être qualifiée de bonne absolu
ment : sa valeur dépend de l'époque où elle est instaurée, mais aussi de
l'ensemble (social, économique, moral) dont elle fait partie.
L'institution
n'a pas de valeur en elle-même, car elle participe d'un système global qui
la justifie et lui confère sa portée.
C'est ce que Comte démontre en prenant deux exemples particulière
ment sensibles.
[Il -Raisons du relativisme]
Au XIX' siècle, la condamnation, d'un point de vue moral ou huma
niste, de l'esclavage, commence à faire l'unanimité (même si, dans les
faits, l'esclavage est loin d'avoir disparu, puisqu'il existe toujours, notam
ment aux États-Unis, au moment même où Comte peut
le qualifier de
« monstruosité » ).
Mais, antérieurement, ce même esclavage a sans doute
constitué ce que Comte nomme
- et l'expression en elle-même peut.
»
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