Comment expliquez-vous que la conscience de notre identité personnelle se maintienne à travers tous les changements auxquels nous sommes soumis ?
Publié le 20/06/2009
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Introduction. — La certitude de notre propre existence est comme le roc sur lequel repose tout d'édifice de notre savoir. Je puis être plus ou moins certain de la réalité des faits que j'affirme, mais de ma propre réalité à moi qui affirme ou qui nie, j'ai une certitude absolue, condition de toute autre certitude. Ce caractère absolu de la certitude de notre propre existence étonne celui qui y réfléchit, car rien ne semble plus inconstant, au contraire, que le sentiment d'être nous-même : c'est d'un même coup d'œil, en effet, que nous saisissons et notre moi et les changements survenus en lui, et il ne nous est pas donné de discerner dans notre être un soubassement immuable à travers les vicissitudes de l'existence; en nous, plus encore, peut-être, que dans le monde de la matière brute, il se produit une évolution ininterrompue à laquelle rien n'échappe. Dès lors, comment expliquer que puisse se maintenir la conscience de notre identité personnelle ? I. La conscience de notre identité personnelle. — Précisons d'abord le fait dont nous devons essayer de fournir l'explication. A. Identité personnelle. — On entend par identité personnelle le fait qu'au cours de notre vie, quelque variées que soient ses vicissitudes, nous restons, non pas absolument le même, mais du moins le même individu, la même personne. Dans le monde réel, en effet, nous ne constatons jamais d'identité absolue. Ainsi, lorsque je reviens en vacances, je crois retrouver les mêmes choses : la maison couverte des mêmes tuiles rouges, la même allée de platanes, le même clocher dominant le village. En réalité, rien n'est exactement le même : d'année en année, les couleurs passent, les arbres grandissent, les murs perdent leur rigoureuse verticalité; il ne reste aux choses qu'un aspect général qui me les fait reconnaître à travers leurs changements.
«
de nous.
Toutefois, quelque bouleversement que subisse notre existence, nous conservons toujours le sentimentfondamental de notre identité parce que nous ne changeons jamais d'organisme.Il semble bien, en effet, que le sentiment de notre identité organique est essentiel à la conscience de l'identitépersonnelle.
Mais il ne faudrait pas réduire l'organisme à un quelconque amas de matière.
Il suppose un principe decohésion et d'unité qui maintient lui aussi, à travers l'incessant circuit vital de l'assimilation et de la désassimilation,le type individuel en même temps que le type spécifique.
Ribot le reconnaît : « Le problème de l'unité du moi est,sous sa forme ultime, un problème biologique.
A la biologie d'expliquer, si elle le peut, la genèse des organismes et lasolidarité de leurs parties ».
« Si elle le peut » : ce partisan résolu de la théorie physiologique de la conscience dumoi nous suggère lui-même que son explication n'aboutit pas.
b) Tout ce qui n'est pas purement organique s'expliquant, d'après elle, par la vie collective, l'école sociologiquerendait compte de la conscience de notre identité personnelle par l'action du milieu humain dans lequel nous vivons.C'est ce milieu qui forme notre moi par un double mouvement d'assimilation et de différenciation.
Il nous assimile à luiet fait de nous, ici un bourgeois, là un prolétaire, ailleurs un paysan.
En même temps, ils nous différencie, nousopposant à ceux avec qui nous vivons et par là accusant les traits de notre caractère ou même nous imposant untype qu'il nous sera difficile de modifier.Notre place dans la société et la figure que nous y faisons est en effet un élément capital de notre personnalitémorale.
Aussi, lorsque nous tombons dans un milieu qui nous est complètement étranger, nous nous sentons commedéracinés et nous avons l'impression d'être des personnages irréels.
Au contraire, dès que nous avons retrouvé nosrelations familières, reparaît le vif sentiment de ce que nous sommes.Mais si la vie en commun et les relations qu'elle entraîne nous font prendre une conscience plus nette de ce quenous sommes et contribuent puissamment à spécifier notre type personnel, elles ne créent pas de rien ce sentimentd'être nous.
D'ailleurs, notre moi social est un moi bien superficiel et, dans une grande mesure, un moi d'emprunt oude convention : au-dessous nous sentons, bien qu'il reste obscur, un moi vraiment nôtre support réel dessuperstructures artificielles dont la vie sociale nous a amenés à le surcharger.
Enfin, comme la théorie physiologique,la théorie sociologique suppose l'existence de ce principe unificateur dont le prétend expliquer la genèse : en effet,les mille événements de l'existence collective qui modèlent peu à peu le comportement de notre personnages'étalent au long de nombreuses années, et il reste à découvrir comment ces innombrables impressions échelonnéesdans le passé parviennent à nous donner le sentiment de notre identité.
c) On répondra tout naturellement en invoquant la mémoire, ce qui constituera une explication psychologique du faitdont nous avons à rendre compte, C'est la mémoire qui relie le passé au présent.
Grâce à elle, nos souvenirsconstituent comme un noyau autour duquel nos expériences successives déposent sans cesse de nouvellescouches.Aussi, lorsque l'édifice mémoriel est désorganisé ou s'effondre, quand il nous devient impossible de revivre par lapensée la vie que nous avons vécue, le sentiment du moi devient incertain ou même s'évanouit.
L'amnésique envient à ne plus savoir qui il est.
C'est donc la mémoire qui explique la conscience de notre identité personnelle àtravers tous les changements auxquels nous sommes soumis.Cette thèse est indiscutable comme la thèse physiologique, mais, comme cette dernière, elle ne rend compte d'unmystère qu'en invoquant un autre mystère.
En effet, il reste à expliquer la mémoire elle-même : comment le souvenirdu passé persiste-t-il en nous ? Il reste aussi à expliquer le caractère personnel que conservent les souvenirs quinous concernent et le sentiment d'appartenance à nous, inséparable des faits qu'ils évoquent.
En définitive, lamémoire n'explique la conscience de notre personnalité que si, par définition, on y inclut le mystérieux pouvoir denous assurer cette conscience.
Le sens commun accepte facilement ce recours à un sens spécial ou à un donnaturel chargé de rendre compte des faits de la vie de l'esprit : le philosophe est plus exigeant.Nous conclurons donc que rien, dans les données de l'expérience, ne nous donne une explication satisfaisante de laconscience de notre identité.
Nous devons donc transcender l'expérience et demander la réponse à lamétaphysique.
B.
Théories métaphysiques.
— La conscience permanente d'un moi identique nous conduit à postuler, au-delà des phénomènes changeants, une réalité permanente.
Mais quelle est la nature de cette réalité ?
a) Les éclectiques imaginaient, au-dessous des données changeantes de l'observation intérieure, une conscience ouun moi permanents et toujours identiques à eux-mêmes.
C'est la conception qu'on a dénommée substantialiste.Mais cette représentation contredit les données de l'expérience.
Le « moi », en effet, n'est jamais atteint que dansdes états ou des actes particuliers avec lesquels il fait corps ou plutôt dans lesquels il s'incarne et se réalise.D'ailleurs, il n'est pas vrai qu'une partie de mon être reste identique à elle-même : j'évolue tout entier et il n'y a rienen moi qui soit complètement soustrait à la mutabilité.
Enfin, contrairement aux suggestions de notre imagination quitransporte dans le domaine de l'esprit les représentations formées au spectacle de la matière, il ne faut pasconcevoir la personne ou le sujet comme une chose ou un objet en soi.La personne ou le sujet peuvent se définir par la conscience de soi, par le sentiment d'être soi.
Or, comme le disaitdéjà Maine de Biran, « avoir conscience c'est exister pour soi, mais être une chose ou une substance en soi, n'estpas exister pour soi-même ou se sentir exister ».
Qu'est-ce donc que le « moi » dont la conscience nous donne lesentiment d'identité qui accompagne toute notre vie psychique ?
b) L'impossibilité de rendre compte de ce sentiment par l'association de phénomènes dont Taine avait empruntél'idée à l'associationiste anglais amena les psychologues à constater qu'il ne nous est jamais donné d'observer lesprétendus éléments psychiques dont l'association aboutirait peu à peu à la construction du complexe édifice mentalde l'adulte.
C'est le complexe qui est primitif, tandis que le simple résulte d'un travail ultérieur d'abstraction.
Tout ce.
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