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Comment concilier, dans l'organisation des groupements humains, les exigences de la discipline et le respect dû à la dignité personnelle ?

Publié le 15/06/2009

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Introduction. — Durant des siècles, l'homme a admis sans songer à la discuter l'autorité familiale ou Sociale qui organisait son existence sans lui demander son avis. De même, le jeune enfant ne discute pas le droit de ses parents ou de ses maîtres à lui donner des ordres, à lui imposer un travail. Mais un jour vient où peuples et enfants prennent conscience d'eux-mêmes, se sentent capables de s'organiser sans l'aide ou plutôt sans la contrainte d'une autorité extérieure, et, par suite, considèrent comme attentatoire à leur dignité toute prétention de leur faire observer une discipline. Il y a donc un conflit aigu entre les exigences de la discipline et celles du respect de la personne humaine. N'est-il pas possible de concilier ces exigences ?

« l'observation inintelligente, passive et surtout forcée d'un règlement n'élève pas.

Mais le discipliné n'est pasnécessairement aveugle, et la contrainte n'est pas seule à pouvoir le déterminer à obéir.

Avec un peu de réflexion, ilest facile, dans la plupart des cas, de découvrir la raison de l'article du règlement qui restreint la liberté : son but, leplus souvent, est d'assurer à d'autres leur propre liberté.

Cette raison serait-elle inconnue, il est de la sagesse desupposer qu'elle est réelle : notre point de vue est bien borné et nous ne pouvons prétendre avoir songé à tout.Serait-il évident que les exigences de la discipline sont injustifiées ou même ont un résultat néfaste, il est tout aussiévident qu'il serait encore plus néfaste de ruiner l'autorité : la raison nous dit qu'il faut, même dans ce cas, observerla consigne, pour le principe.Comprenant que la discipline est raisonnable, on l'observe, non par force, par crainte des sanctions, mais par choixdélibéré, par amour de l'ordre, par amour du bien.Ainsi la discipline, au lieu d'abaisser, grandit.

Elle nous fait sortir de notre point de vue étroit, le point de vue de nosintérêts, et nous amène à considérer le point de vue général, celui du bien commun, celui de l'ordre idéal.

Elle nousdétache de nous, du souci égoïste de nos aises et de notre plaisir, et nous oriente vers l'altruisme et vers lestendances supérieures, nous aidant à réaliser plus pleinement en nous l'humaine nature.

Par suite, donner unediscipline à l'homme, ce n'est pas porter atteinte à sa dignité ; c'est l'aider à réaliser l'idéal qui fait toute sa dignité.Il est rare, il faut le reconnaître, que la discipline soit ainsi comprise et voulue par ceux à qui elle est imposée.

Leplus souvent, elle est subie comme un dressage ou du moins acceptée sans aucun enthousiasme.

Rappelons-nousnotre attitude à l'égard des règlements du collège.

Mais, même dans ce cas, la discipline est formatrice pourl'homme.D'abord, beaucoup, sans être capables de la vouloir et de se l'imposer à eux-mêmes, l'acceptent et la bénissentcomme un bienfait : n'arrive-t-il pas qu'un élève se plaigne de la tolérance disciplinaire d'un professeur, tolérancedont il est lui-même le premier à profiter pour satisfaire sa tendance à l'indépendance.

Pour ceux-là, la discipline estcomme une armature qui vient donner de la consistance à des volontés faibles, mettre de l'ordre, rendre humainesdes vies qui se traîneraient au hasard des impressions du moment.Même imposée et sans une acceptation positive de celui à qui elle est imposée, la discipline reste ordinairementsusceptible de former.

Sans doute, elle n'aboutit immédiatement qu'à un dressage, mais le dressage est le préludeou la condition de la formation.

On ne saurait le nier pour l'enfant : si la maman attendait que son garçon soitcapable de comprendre la raison de ce qu'elle exige de lui pour l'éduquer, elle n'aurait plus qu'un animal inéducable ;seule la discipline des premières années nous rend capables d'appliquer notre esprit à la considération générale deschoses et de surmonter les désirs et les impulsions du moment.

S'il s'agit de rééduquer un adolescent dont lapremière éducation a été manquée, on ne peut guère pro-céder autrement : d'abord, l'observation matérielle d'une règle imposée sous peine de sanctions ; un encadrementqui inculque à l'esprit des idées d'ordre et en donne le goût ; ensuite seulement on peut espérer pouvoir se faireentendre à l'homme, en appeler à son bon sens et à sa bonne volonté : c'est la discipline qui permet de faireapparaître ou réapparaître dans l'homme ce qui fait sa dignité.Il reste une difficulté : le cas de l'individu inéducable que la société condamne à une séquestration définitive luienlevant presque totalement l'usage de sa liberté ; à plus forte raison, le cas de celui qu'elle supprime, le fixantdéfinitivement à ce stade de l'homme qui a manqué son but, qui est resté, ou presque, au niveau de la bête.Certes, il est angoissant le cas de conscience de ceux qui ont à décider du sort d'un inculpé.

Oui oserait dire sanshésitation que de l'accusé il n'y a rien à tirer ?Il n'en reste pas moins vrai que si la sentence du juge fixe un individu pour toujours au rang des êtres qui n'ont pasréalisé le type de leur espèce, au rang des monstres, ce n'est pas le juge qui fait les monstres.

La disciplinerépressive n'attente pas à la dignité de l'homme : si elle intervient c'est précisément parce -que l'homme manque dela dignité qui commande le respect. * ** Il n'y a donc pas d'opposition réelle entre les exigences de la discipline et le respect dû à la dignité personnelle.Dans la discipline acceptée, l'homme se grandit ; dans un milieu discipliné, celui qui n'est encore qu'homme enpuissance trouve les conditions nécessaires à l'épanouissement des facultés spécifiquement humaines.

Aussi, touten louant la tendance moderne à humaniser de plus en plus la discipline dans les groupements humains, il fautreconnaître qu'à un relâchement de la vraie discipline tous ne peuvent que perdre, l'individu aussi bien que legroupement.. »

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