Comment bien user du doute ? Comment bien douter ?
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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Jugement aussi sévère que classique, mais fort contestable : en • vérité, il est un bon usage du doute sceptique, qui représente une magnifique expérience de la liberté de la pensée.
En dévoilant l'inessentialité de ce qui sembleavoir une validité, le doute sceptique dissout tout dans la conscience de soi.
Parce qu'il est la dissolution de tout cequi prétend se poser avec stabilité en regard de la conscience de soi, le doute sceptique désigne un exercice élevé de la réflexion libre.
La pratique du doute sceptique est donc une tâche méritant l'estime, comme l'a bien montréHegel : « Dans le changement et les vicissitudes de tout ce qui veut se consolider pour elle, la conscience de soi sceptique fait donc l'expérience de sa propre liberté.
(Hegel, La phénoménologie de l'Esprit, tome 1, p. 174, Aubier).
Comme forme méthodique ou même sceptique, le doute remplit donc une excellente fonction.
Douter, c'est dissoudreles idées ou représentations, contre cette puissance de croire qui est si formidable en chacun de nous.
Dès lors, douter, c'est manifester sa liberté, que la suspension du jugement soit provisoire ou permanente.
L'exercice dudoute semble donc judicieux, à travers ses divers modes.
Expérience de la dissolution universelle, le doute sceptique lui-même s'identifie à la liberté de l'esprit.
Mais, au-delà du doute méthodique ou sceptique, n'existe-t-il pas une forme du doute, encore plus décisive, dont lebon usage est évident, doute lié à la négativité même de la pensée ? C'est probablement sur cette négativité de lapensée qu'il nous faut maintenant réfléchir, pour dégager un autre exercice judicieux du doute.
C) Le doute et la négativité de la conscience.
Le doute sceptique peut nous apparaître encore artificiel.
Même si son usage est judicieux, ne faut-il pas lui opposer une forme du doute encore plus universelle et certainement plus réelle ?
Quand la conscience s'éduque, progressivement, quand elle se développe et renonce, par étapes, à ses convictionspremières, quand elle apprend à remettre en question ce qu'elle tenait antérieurement pour vrai, il y a bien là uneexpérience concrète du doute, irréductible à la mise en question générale du philosophe, qui prend la résolution de douter.
Tout individu, engagé dans l'expérience, passe, à partir des certitudes immédiates, à d'autres éléments de conscience, qu'il nie et dépasse, qu'il intègre : telle est la « négativité » dégagée par Hegel et conçue comme cette activité de l'esprit niant ses premières déterminations.
Ainsi, bien souvent, l'adolescent abandonne sesconvictions issues de l'enfance et passe à d'autres convictions.
À un doute général (comme celui de Descartes) ou très abstrait (comme celui des sceptiques) opposons donc le chemin effectivement réel de la conscience humaine, qui est doute, envisagé comme négativité, mise en question des premières représentations.
Le chemin de la conscience parcourant la série de ses formations s'identifie au doute, désignant alors une progression vers d'autresformes du savoir.
Ce doute ne peut que relever d'un bon usage, puisqu'il s'identifie à la marche même de l'espritprogressant vers sa vérité mobile.
Qu'est le doute, dans ce dernier cas, sinon le pouvoir de « négativité » de l'esprit,marchant vers d'autres formations ou étapes ? Nulle formation spirituelle et nul progrès sans lui.
Il est bien le « sel de l'esprit », lui aussi.
Quel que soit l'angle pris en considération, le doute relève d'un bon usage et d'un exercice quasi moral : nous permettre deprogresser.
Conclusion
La vérité, nous le voyons, s'avère mobile et le doute est l'application de l'esprit à cette réalité dynamique et nonpoint figée, à ce fruit de l'esprit humain, fruit en perpétuelle rectification, comme nous le signale l'exemple de lavérité scientifique..
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