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Claude Bernard et la philosophie.

Publié le 12/07/2011

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« Tout en fuyant les systèmes philosophiques« Le dernier paragraphe de l'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale exprime assez clairement l'attitude de l'auteur à l'égard de la philosophie et des philosophes. II est intitulé : « La médecine expérimentale ne répond à aucune doctrine médicale ni à aucun système philosophique. « Les notions de « doctrine « et de « système « précisées, par opposition à « hypothèse « et à « théorie «, l'auteur montrera que si dans la recherche expérimentale en médecine on ne peut pas se passer d'hypothèses et de théories, il faut se défendre des systèmes et des doctrines. Et il ajoute :

Ce que je viens de dire relativement aux systèmes médicaux, je puis l'appliquer aux systèmes philosophiques. La médecine expérimentale (comme d'ailleurs toutes les sciences expérimentales) ne sent le besoin de se rattacher à aucun système philosophique. Le rôle du physiologiste comme celui de tout savant est de chercher la vérité pour elle-même sans vouloir la faire servir de contrôle à tel ou tel système de philosophie. Quand le savant poursuit l'investigation scientifique en prenant pour base un système philosophique quelconque, il s'égare dans des régions trop loin de la réalité, ou bien le système donne à son esprit une sorte d'assurance trompeuse et une inflexibilité qui s'accorde mal avec la liberté et la souplesse que doit toujours garder l'expérimentateur dans ses recherches. Il faut donc éviter avec soin tout espèce de système, et la raison que j'en trouve, c'est que les systèmes ne sont point dans la nature, mais seulement dans l'esprit des hommes. Le positivisme qui, au nom de la science, repousse les systèmes philosophiques, a comme eux le tort d'être un système. Or, pour trouver la vérité, il suffit que le savant se mette en lace de la nature et l'interroge en suivant la médecine expérimentale et à l'aide de moyens d'investigation de plus en plus parfaits. Je pense que, dans ce cas, le meilleur système philosophique consiste à ne pas en avoir. (Introduction, III, IV, § 4, p. 351.)

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« Mais ces trois notions ne sauraient se détruire l'une l'autre : elles s'épurent et se perfectionnent l'une par l'autre (1).

L'homme aura toujours besoin de croire, de raisonner, de prouver et de conclure.

Par le raisonnement ila une croyance réfléchie; par les preuves expérimentales il a une croyance qui prend le caractère de certitude.

(Philosophie, p.

2.) Religion, philosophie, science.

Ces trois choses se développent, mais ne se remplacent pas (Ibid., p.

11.) C'est surtout dans ses annotations à la première leçon du Cours de philosophie positive qu'après avoir accordé qu' « il y a quelque chose de vrai » dans la théorie des trois états, il critique ce qu'il y a de positiviste dans cespages : la prétention d'exclure religion et métaphysique, le projet d'un savant qui serait le spécialiste des généralités et qui remplacerait le philosophe.Dans une lettre à Mme Raffalovich que nous avons citée en exergue, Claude Bernard exprime sans réticence son antipathie à l'égard de la mentalité positiviste : Merci de votre article sur Littré; je vous le porterai demain.

Je vous trouve trop enthousiaste pour ces conceptions étroites et creuses qu'on décore du nom de positivisme.

A part cela vous êtes charmante comme toujours.(Dans Lettres Beaujolaises, p.

180.) « Des hommes ainsi laits par la science sont des monstres moraux.

» « Il vivait au siècle du scientisme, écrit M.

Pierre Mauriac (Libres échanges, p.

139); la science était sur les autels et il incarne le grand prêtre qui manquait à son culte.

» Mais ce rôle que certains peuvent lui prêter, il nel'assume pas; au contraire, il rejette avec force la conception d'une science fermée sur elle-même et prétendant satisfaire toutes les exigences de l'esprit humain.Il avait comme collègue au Collège de France un des tenants les plus illustres et les plus décidés du scientisme, le grand chimiste Marcellin Berthelot, dont Renan, un autre de ses collègues, avait adopté les conceptions.

Orsi Claude Bernard entretenait avec lui des rapports de bon voisinage, il ne communiait pas à sa foi en la science.

Voici par exemple une petite histoire qui nous suggère déjà l'opposition des deux mentalités.Un jour, à Betthelot qui prétendait tout réductible à des équations de chimie banale, il répondait en lui présentant les reliefs d'un modeste repas qu'il venait d'achever au laboratoire en tête-à-tête avec d'Arsonval : « Ehbien ! Monsieur le chimiste, prenez ces restes et, dans vos cornues, faites-en donc de la m...

! » — réponse topique pour différencier la complexe « chimie vivante » de la simple chimie minérale.

(L.

Chauvois, D'Arsonval,p.

93.

Oliven, 1937.)Claude Bernard avait le culte de la science, certes.

Il ne doutait pas que la recherche scientifique, en particulier dans le domaine de la médecine, n'étendît indéfiniment nos connaissances et par là même notre pouvoird'action.

Mais il ne croyait pas, comme l'affirmaient les scientistes, que la science pût jamais répondre à toutes les questions qui se posent à l'homme.

Parlant des savants il déclare : « L'essence des choses nouséchappera toujours.

» (Pathol.

expérim., p.

528.) La science détermine les causes secondes, ou plutôt les conditions immédiates d'existence des phénomènes : les causes que, suivant le point de vue, on appelle premièresou dernières, restent hors de sa portée; c'est pourquoi « la recherche des causes premières n'est pas scientifique » (Le Cahier rouge, p.

75).Mais ne peut-on pas faire abstraction de ces problèmes extra-scientifiques et se contenter des questions auxquelles la science peut répondre ?Il est bien difficile, estime Claude Bernard, d'être fidèle à la résolution de s'en tenir rigoureusement au donné scientifique.

L'homme ne peut se résigner à laisser sans réponse la question capitale de la destinée.

Aussi là oùla science se récuse la foi la supplée.De ce qu'on doit exclure de la science la recherche des causes premières et finales, cela ne veut pas dire qu'on en exclura le sentiment et la nature humaine.

C'est le côté sentimental qui est le côté fondamental del'homme : il ne se détruira jamais heureusement.

C'est ce qu'on appelle la foi, le cœur.Tout doit avoir nécessairement un commencement et une fin.

Or nous ne pouvons concevoir ni le commencement ni la fin.

Nous ne pouvons saisir que le milieu des choses, c'est là le domaine scientifique (...).

Mais celan'empêche pas que le commencement et la fin nous tourmenteront toujours et nous tourmenteront surtout.

C'est pourquoi Lamennais dit au début des Paroles d'un croyant : Jeune homme, d'où viens-tu ? Jeune homme,où vas-tu ?La religion vit sur ces sentiments éternels de l'humanité que nous retrouvons toujours sans être affaiblis depuis l'antiquité jusqu'à nos jours.

La religion de Comte est aussi mystique et plus absurde que les autres.(Philosophie, p.

28-29.)Parviendrait-on a éliminer toute opinion qui ne serait pas rigoureusement scientifique, humainement le résultat serait désastreux : le scientiste s'ampute de toute une partie de lui-même, celle, qui le fait vraiment humain,le sentiment, le cœur : « Chez le savant, la science développe la tête et tue le cœur.(...) l'état positif tel que le comprend Comte sera le règne du rationalisme pur, le règne de la tête et la mort du cœur.

Cela n'est pas possible.

Des hommes ainsi faits par la science sont des monstres moraux.

Ils ontatrophié le cœur aux dépens de la tête.

(Philosophie, p.

26-27.)« L'éducation scientifique amène à ne croire qu'aux sens.

»L'habitude du raisonnement expérimental lui avait rendu presque impossible un autre mode de pensée.

Il le remarque lui-même dans une lettre à Mme Raffalovich : J'aime mieux faire des expériences.

Je remarque à ce propos que l'on prend des habitudes d'esprit en rapport avec la nature des choses qu'on étudie et la manière dont on les étudie.

(Ms.

3655, lettre 3, 1873.) Et ailleurs il note, constatant le fait, sans juger s'il constitue un progrès ou au contraire une régression : L'éducation scientifique amène à ne croire qu'aux sens.

Mais ce n'est point naturel.

Naturellement au contraire, l'homme croit au suprasensible.

On ne peut pas espérer que tous les hommes arrivent à ce degré parce quec'est là une forme de l'esprit acquise et qui ne se transmet pas par hérédité.

(Le Cahier rouge, p.

121-122.) Le développement des sciences expérimentales entraîne donc un recul de la métaphysique : c'est à l'expérience qu'on demande la solution de problèmes traités autrefois suivant les méthodes de la spéculation rationnelle.Mais si nous assistons à la disparition d'une certaine manière de philosopher, les thèses de la métaphysique d'autrefois ne sont pas pour autant périmées.Il en résulte pour le moment une sorte d'éclipsé de la partie métaphysique au profit de la partie physique.

Mais cela ne me semble devoir être que momentané.

Le métaphysique doit finalement dominer le physique, mais àcondition de le représenter exactement.

Les conceptions métaphysiques a priori, fondées sur le sentiment intuitif des choses, ne pouvaient être que provisoires; elles représentaient un principe vrai mais revêtu d'une formefausse.

Les conceptions théoriques, c'est-à-dire métaphysiques a posteriori.

qui se seront élevées en passant par la méthode expérimentale, seront définitives, parce qu'elles sont vraies dans la forme, comme dans leprincipe.

(Principes, p.

189.) « La source unique de nos connaissances est l'expérience.

» (Philosophie, p.

22.). »

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