Cioran, Histoire et utopie: La sagesse, que rien ne fascine, recommande le bonheur donné, existant; l'homme le refuse, et ce refus seul en fait un animal historique, j'entends un amateur de bonheur imaginé.
Publié le 02/10/2013
Extrait du document
Le rêve d'amour qui est le sien n'est pas seulement le rêve d'un bonheur personnel; il peut s'élargir au reste de la société. Il a alors la dimension d'une utopie. Elle imagine ainsi, avec Astrov qu'elle aime, une société où les hommes, réconciliés avec la nature, sont « ouverts «, où « leurs paroles ont de l'élégance, leurs gestes, de la grâce« (p. 26), où l'on cultive les sciences, les arts et la philosophie. En ce sens, n'était la paresse qui y règne, le domaine de Sérébriakov pourrait être un modèle d'utopie, à l'image du jardin de la fin de Candide. Téléguine en parle d'ailleurs ainsi : « Nous vivons tous dans la concorde et dans la paix. «
«
ne résulte pas d'un « donné » qu'il s'agirait de retrouver dans la réalité
vécue, mais
d'une aventure, d'une quête à laquelle seule l'imagination
peut donner un contenu.
2 Confrontation aux œuvres
La réflexion s'appuiera essentiellement, pour Sénèque, sur La Briè
veté
de la vie, qui développe l'idée du bonheur par rapport à la notion
de temps, plus spécialement par rapport au présent.
Si le passé nous ap
partient définitivement, affirme l'auteur, le futur est toujours incertain.
L'un est irrémédiablement achevé, et il ne sert à rien de le regretter, alors
que
l'autre est hypothétique, et l'on ne peut rien fonder sur lui.
Seul le
présent, en tant que temps de l'action, est donc susceptible de servir de
cadre à la recherche du bonheur.
Mais il est insaisissable et fuyant.
Il
faut donc
le rendre consistant pour l'utiliser au mieux, comme les sages,
en le remplissant
quand il est vide (du fait de la paresse ou de l'oisiveté)
et en l'allégeant quand il est trop rempli (c'est-à-dire si l'occupation ab
sorbe
trop).
La solution que propose Sénèque à Paulinus est celle d'une
retraite et d'un loisir solitaires, uniquement consacrés à la lecture des
grands philosophes.
La pièce de Tchekhov manifeste ce que peut avoir de désespérant le
sort de l'homme confronté à un passé qui ne lui laisse que des regrets, et à
une absence de perspective d'avenir.
La plupart des personnages, comme
Marina, sont
en effet nostalgiques du bon vieux temps, quand l'ordre
régnait dans le domaine et que leur jeunesse leur permettait encore bien
des espoirs.
Mais ce passé ne laisse
que des remords et Voïnitski déplore
amèrement de ne pas être tombé amoureux d'Éléna.
En même temps,
à
part Astrov et Sonia qui ratiocinent sur la protection de la nature et
le bonheur futur de l'humanité, les hôtes du domaine ne voient aucun
avenir heureux et ne font rien, sinon parler, pour échapper à un malheur
plus grand que celui qu'ils connaissent.
Leur conception du bonheur,
d'un pessimisme radical, n'est pas sans rappeler celle de Schopenhauer,
pour qui le bonheur n'est qu'une illusion, au mieux un simple évitement
du malheur.
Au contraire, Alexis, dans Le Chercheur d'or, malgré ses nom
breux malheurs et ses échecs, ne cesse d'agir, d'aller toujours de l'avant.
Et, lorsqu'il revient sur ses pas, à Rodrigues d'abord, au Boucan ensuite,
il
constate avec joie qu'il y a été somme toute heureux et que l'expérience
qu'il y a acquise lui a donné une sagesse qui lui permet d'envisager, pour
l'avenir, une retraite heureuse, sans histoire, dans la nature sauvage du.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Je pose en principe un fait peu contestable: que l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie... l'homme parallèlement se nie lui- même, il s'éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l'animal n'apportait pas de réserve. G. bataille, L'Érotisme, Minuit, page 238. Commentez cette citation.
- HISTOIRE ET UTOPIE, 1960. Emil Michel Cioran
- LA SIGNIFICATION DE L'HISTOIRE : Peut-on envisager le devenir historique entièrement tracé d'avance et une fois pour toutes, ou bien alors comme le simple fait du hasard, ou bien encore dépend-il du libre choix de l'homme ?
- L'Empire, c'est d'abord l'empereur, un homme qui à trente-cinq ans, refuse la place de Dieu parce que c'est " un cul de sac ", un homme qui travaille douze, quinze, dix-huit heures par jour, un homme qui dialogue avec l'histoire, avec Alexandre le Grand, César et Charlemagne.
- l'homme n'est-il qu'un animal qui refuse de l'etre ?