C'est l'office de la philosophie de tout comprendre même la religion
Publié le 20/03/2005
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III.
— LA PHILOSOPHIE ET LA RELIGION OBJECTIVE.
Il semble sans doute plus difficile d'admettre qu'il appartient aussi à la philosophie de faire comprendre la religionobjective, c'est-à-dire une de ces institutions historiques se donnant comme révélées par Dieu lui-même, telles parexemple que la religion chrétienne.
Dieu, en effet, nous dépasse infiniment et le philosophe ne peut prétendrepénétrer sa pensée, découvrir les raisons de ses déterminations et comprendre sa nature.
D'ailleurs l'essentiel ducontenu de la révélation consiste en des mystères qui dépassent les possibilités de notre intelligence.
Comment laphilosophie pourrait-elle avoir pour office de comprendre ce qui est incompréhensible ?
a) Néanmoins, le mot de LACHELIER reste vrai de la religion objective elle-même : la philosophie doit la fairecomprendre.1° D'abord, si la religion objective, par exemple la religion chrétienne, comporte des mystères, tout n'y est pasmystère.
Il est des dogmes, comme l'existence de Dieu, dont les philosophes fournissent une confirmationrationnelle.
Il né manque pas non plus de pratiques dont la psychologie ou même le bon sens peut donner la raison :c'est le cas du culte public et du culte extérieur, de la confession ou de la mortification.
2° Ensuite et surtout, la raison doit intervenir dans le domaine des mystères eux-mêmes et, d'une certaine manière,les faire comprendre.En premier lieu, le croyant qui admet ces mystères ne s'y est pas rallié sans motif.
Si croire n'est pas comprendre,on ne peut pas avoir de foi véritable sans comprendre pourquoi on croit.
Sans doute, la masse des fidèles enregistrece qu'on lui a enseigné et ne cherche pas plus loin; mais le croyant cultivé ne se contente pas de cette foi dusimple : il cherche les raisons des croyances qu'il a reçues de ses parents et ne les retient que s'il les juge fondées.Le philosophe cherche le pourquoi de tout et le pourquoi de sa foi comme de toutes choses.
Aussi les théologiensrépètent-ils avec saint AUGUSTIN : intellige ut credas, comprends pour croire.D'ailleurs, si l'intelligence humaine ne peut pénétrer les mystères, elle peut du moins les délimiter, les poser d'unefaçon précise : comprendre où est le mystère c'est déjà une acquisition précieuse pour l'esprit, et saint AUGUSTINrecommandait, pour avoir une meilleure compréhension des choses, de bien déterminer ce qu'on ne comprend pas :intellige quid non intelligas, ne totum non intelligas, « comprends ce que tu ne comprends pas de peur que tout nete reste incompris ».
Enfin, l'ensemble de la doctrine religieuse tend à s'organiser en un système cohérent dans lequel quelques principescommandent les affirmations particulières et se retrouvent jusque dans les mystères.
La religion catholique nousfournit dans la théologie dite scolastique un type de cette élaboration de la révélation divine.Or, l'instrument essentiel de cette élaboration fut la philosophie et surtout la philosophie d'ARISTOTE.
Lesthéologiens adoptèrent les catégories aristotéliciennes de matière et de forme, de substance et d'accident, depersonne et de nature, etc., tâchant d'y faire rentrer les données de la révélation et de coordonner entre elles lespropositions ainsi obtenues : le mystère d'un Dieu un en même temps que « trine » devient celui d'une, nature entrois personnes; le mystère de l'homme-Dieu s'explique par la présence de deux natures dans la même personne,etc.Ainsi, le théologien qui cherche à comprendre sa religion procède en philosophe : d'abord, parce qu'il présuppose unephilosophie; ensuite, parce que c'est philosopher que de chercher à comprendre.
b) Mais le philosophe n'a pas, à l'égard de la religion et de la théologie, qui en donne un exposé cohérent, la mêmeattitude que le théologien.
Il ne la prend pas, comme celui-ci, pour but dernier de ses recherches et pour explicationdéfinitive du monde.
En tant que philosophe, il ne considère la religion qu'il professe que comme un auxiliaire de laphilosophie, cherchant dans les enseignements de la foi des lumières capables d'éclairer les ombres que laisse laphilosophie.
Il essaie à les penser ensemble, s'efforçant de les comprendre au sens étymologique du mot, afin demieux comprendre les problèmes philosophiques qui restent sa tâche propre.
Saint AUGUSTIN nous invite aussi à ceteffort pour faire collaborer la foi avec la raison : il ne disait pas seulement intellige ut credas, mais : crede utintelligas, intellige ut credas, crois pour comprendre, comprends pour croire.LACHELIER était donc bien autorisé à dire : « C'est l'office de la philosophie de tout comprendre, même la religion ».Jusque dans ce qu'il y a de plus spécifiquement religieux dans la religion, le philosophe ne se trouve pas déplacé.
CONCLUSION.
— LACHELIER n'était pas un de ces penseurs menant une vie double ou multiple : philosophes à certaines heures, à d'autres fonctionnaires soucieux de leur avancement ou bourgeois amoureux de leur bien-être etde leur tranquillité.
On ne voyait en lui que l'homme de ses idées.
En même temps que philosophe, il étaitprofondément religieux, catholique fervent.
Mais cette double profession ne créait pas une dualité en son âme : ilappliquait sa philosophie à l'approfondissement de sa religion à l'approfondissement de sa philosophie..
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