Celui qui exerce un pouvoir s'en trouve-t-il changé ?
Publié le 02/08/2005
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Il est courant de dire que l’exercice d’un pouvoir, notamment politique, requiert des qualités précises : la capacité à commander, la stabilité et la solidité du caractère, alliées au réalisme et à la souplesse. Il semble que cette idée ne témoigne pas seulement de la crainte d’un pouvoir mal exercé, mais aussi de celle d’un pouvoir dangereux, d’un abus de pouvoir, de l’apparition d’une « ivresse du pouvoir « chez celui qui l’exerce. Doit-on alors penser que ce risque repose sur une évolution du dirigeant sous l’effet du pouvoir lui-même, et non seulement sur un caractère qui ne serait pas adapté à cette fonction ? Se demander en quoi le pouvoir change celui qui l’exerce amène à se demander en quoi le pouvoir, qui est une fonction, peut transformer, par une dynamique qui lui serait propre, la nature même de celui qui l’exerce. Cette question dépend alors à la fois de la conception de la nature humaine et de la conception du pouvoir que l’on adopte: en quoi la nature humaine nous rend-t-elle malléable à l’exercice du pouvoir, et tout exercice d’un pouvoir amène-t-il les mêmes effets ? Nous verrons dans un premier temps que l’exercice du pouvoir tend inéluctablement à transformer la nature de celui qui l’exerce en âme de tyran, avant de se demander si le pouvoir ne peut pas constituer un apprentissage positif qui fait d’un homme un dirigeant réaliste et capable. On pourra alors se demander dans quelle mesure penser le pouvoir non plus comme le pouvoir d’un seul, mais de tous, change la nature de chaque homme devenu citoyen.
«
1.
PREMIER MOMENT: CONTENU EXPLICITE DE L'ÉNONCÉ
La formulation de l'énoncé ne va pas de soi.
Le sens et la portée de ce qui est en question ne sautent pas auxyeux.
Car, il s'agit du sens du pouvoir (notion complexe) et de son impact sur celui qui l'exerce (question difficile).
Ilconvient, de prime abord, d'interpréter la question dans un sens descriptif et explicatif (le pouvoir change-t-ileffectivement celui qui l'exerce ?) et non point dans un sens prescriptif et normatif (le pouvoir doit-il ou nonchanger celui qui l'exerce?).
On évitera donc de confondre les genres.
Dire comment le vit ou le subit celui quil'exerce et non comment il doit le vivre ou le subir.
Il faut saisir le pouvoir et non le juger.Première difficulté manifesteQu'est-ce que le pouvoir?Nul ne peut éluder et pas plus à propos du pouvoir que de toute autre chose, l'interrogation philosophique sur lesens.
Car s'il est peut être vrai (il faudrait l'établir) que la recherche métaphysique d'une essence universelle etéternelle du pouvoir, et donc d'une valeur en soi du pouvoir, soit une recherche mystifiée ou vouée à l'échec, celane ruine pas mais au contraire impose une recherche « des sens » multiples du pouvoir ; recherche proprementphilosophique que Nietzsche, par exemple, proposait de substituer partout à la quête métaphysique de l'essence.En général : le pouvoir est la capacité effective de faire quelque chose.Au sens abstrait : c'est la faculté de commander et d'exiger quelque chose souspeine de sanction.
Pouvoir = pression et répression.Au sens concret : le pouvoir est identifié au détenteur de l'autorité.
En guise d'une délimitation inspirée deMachiavel, on peut dire que : le pouvoir est l'art et la manière d'imposer sa volonté aux autres, en profitant si c'estnécessaire de leur faiblesse ou en triomphant si c'est possible de leur résistance.
Deuxième difficulté manifeste
Sur quoi repose le pouvoir? Qu'est-ce qui le rend possible'! L'argument de la force est nécessaire mais non suffisantpour comprendre le pouvoir.
Rousseau a démystifié le prétendu « droit du plus fort » en mettant en évidence lacontradiction interne d'une telle prétention : « le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il netransforme sa force en droit, et l'obéissance en devoir».En effet, la force est toujours «étayée par des capacités».
A l'argument de la force, il faut rajouter l'argument de lacompétence, celle qui définit, par exemple, le pouvoir politique de la technocratie « c'est un régime politique danslequel la couche sociale dominante et dirigeante, celle qui détient le pouvoir effectif de décision et decommandement au niveau de la société globale, est celle qui possède le privilège de la compétence dans lestechniques les plus modernes de production et de gestion » (J.
W.
Lapierre - Le pouvoir politique - P.U.F.).
Ouencore l'argument traditionnel de la science ou sagesse : pour Socrate par exemple, la force doit être complétée parla sagesse.
Mais comme dit Napoléon « la force dévore la pensée » et les hommes ne sont pas toujours capablesd'entendre raison ou d'entrevoir le vrai.
Afin de les inciter à obéir, il est moins nécessaire d'agir sur leur intelligenceou de s'adresser à leur bon sens que de savoir comment agir sur leur cœur ou leur imagination.
Ceci nous conduitauprès de Machiavel, qui estime à son tour que la puissance sans la ruse est condamnée à l'impuissance toutcomme la ruse dans la puissance est condamnée à la ruine.
Celui qui exerce le pouvoir doit être tour à tour un lionqui s'impose par sa force et un renard qui déjoue d'autres forces.Enfin, l'argument juridique tient le pouvoir pour une force qualifiée par le droit,soumise à un ordre légal ou à la loi.Qu'est-ce qui fonde le pouvoir de celui qui l'exerce ?Le sociologue allemand Max Weber distingue :— Le pouvoir comme force imposée par la tradition « c'est-à-dire celle des coutumes sacrifiées par leur validitéimmémoriale et par l'habitude enracinée en l'homme de les respecter.
Tel est le « pouvoir traditionnel » que lepatriarche ou le seigneur terrien exerçaient autrefois » Max Weber.— Le pouvoir comme force personnalisée incarnée par le détenteur du pouvoir et « fondé sur la grâce personnelle etextraordinaire d'un individu (charisme) » il se caractérise «par le dévouement tout personnel des sujets à la caused'un homme et par leur confiance en sa seule personne en tant qu'elle se singularise par des qualités prodigieusespar l'héroïsme ou d'autres particularités exemplaires qui font le chef.
C'est là le pouvoir charismatique que leprophète exerçait ou — dans le domaine politique — le chef de guerre élu, le souverain plébiscité, le granddémagogue ou le chef d'un parti politique.
»— Le pouvoir comme force impersonnelle : c'est le pouvoir qui disparaît derrière la loi ou derrière la fonction.
Il «s'impose en vertu de la « légalité », en vertu de la croyance en la validité d'un statut légal et d'une « compétence »positive fondée sur des règles établies rationnellement ».
Weber - Le savant et le politique - Pion.
Troisième difficulté manifeste
Le mot « pouvoir » est utilisé sans nuances pour caractériser pêle-mêle la puissance et l'autorité.Machiavel distingue Puissance (ou force) et pouvoir : « celui qui possède le com-mandement mais auquel manque laforce, est condamné à la ruine».
Max Weber distingue la puissance (Macht) de l'autorité ou pouvoir légitime(Herrschaft) comme on peut distinguer une situation de fait d'une situation d'obligation.a) Déterminations : plus précisément on peut déterminer :le pouvoir = comme force ou puissance (le pouvoir de fait)le pouvoir = comme force qualifiée (le pouvoir de droit)le pouvoir = comme force légale et légitime (l'autorité ou le pouvoir moral).b) Implications :.
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