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Ce qui dépasse la raison est-il nécessairement irrationnel ?

Publié le 29/03/2005

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Aussi est-il possible de penser au-delà de l'expérience par l'entremise de la raison, mais impossible de connaître : autrement dit, on peut penser mais jamais connaître rationnellement les idées de la raison que sont l'âme, Dieu et le monde. Dans notre perspective, cela ne signifie pas que quelque chose dépasserait la raison : nous pouvons toujours penser Dieu par exemple. Ce qui en revanche est certain, c'est que jamais nous n'aurons de connaissance rationnelle de Dieu. La raison est limitée non par ces objets, mais par le fait qu'une connaissance rationnelle suppose qu'un matériau de l'expérience soit donné. Cela signifie encore que nous n'avons pas besoin de rechercher ce qui excède la raison pour nous heurter à la limite du rationnel : nous le rencontrons au sein même de la raison, lorsque celle-ci tourne pour ainsi dire à vide, c'est-à-dire, sans matière de l'expérience.     II - Tout ne peut-il pas être rationalisé ?   La perspective kantienne nous permet de renvoyer toutes les idées métaphysiques de la raison dans le domaine de l'irrationnel, ce qui constitue une première délimitation. Si maintenant nous demeurons au sein même de ce dont on peut faire l'expérience, nous rencontrons une autre limite : tout n'est pas pour l'instant rationnel, loin de là. En témoigne le progrès continuel des sciences. La question est alors de savoir si une rationalisation totale est envisageable ou non.

« Les limites de la raison.

Dans le domaine de l'étude scientifique des phénomènes, rien ne saurait remplacer la raison et on peut même allerjusqu'à affirmer que « l'inexplicable » n'est qu'un provisoirement inexpliqué.

Mais comme Kant l'a montré, la raison est impuissante à rendre compte de l'Etre lui-même.

Nous ne pouvons connaître la réalité qu'à travers les formes « a priori » de la sensibilité (espace & temps), sortes des structures mentales qui sont la condition de notre perception des choses, et les formes « a priori » de l'entendement (« catégories »).

C'est pourquoi, seuls les phénomènes (l'apparaître) nous sont accessibles.

Au-delà du savoir, il y a donc un monde des noumènes (choses en soi) qui nouséchappe.

Lorsque la raison tente de dépasser l'apparence pour essayer d'atteindre l'absolu, elle tombe dansd'inévitables contradictions, antinomies et paralogismes.

Une métaphysique est impossible comme science.

Enparticulier, la raison ne saurait prouver la liberté de notre volonté, l'immortalité de l'âme, l'existence de Dieu . Avec le grand rationalisme classique inauguré par Descartes , la raison apparaissait comme l'instrument infaillible d'une critique des illusions, généralement imputées aux sens ou à l'imagination.Or, avec Kant , l'illusion est portée au cœur même de la raison.

Le rationalisme fait place au criticisme, cad à une critique permanente des moyens de la connaissance, et à un incessant procès de la raison contre elle-même et sesprétentions abusives.

C'est le sens de l'illusion transcendantale : la raison prétend connaître au-delà des limites del'expérience et déterminer des choses en soi, cad des objets qui ne sont pas donnés dans un phénomène sensible(le Moi, le monde, Dieu).L'illusion n'est plus seulement un déchet à éliminer ( Platon , Descartes ), mais elle est consubstantielle à l'instrument lui-même, la raison, qui se trouve empêtrée dans ses propres contradictions (antinomies : opposition d'une thèse etde son antithèse).

La « Dialectique transcendantale » est donc cette partie de la « Critique de la raison pure » où Kant examine comment la raison se contredit elle-même lorsqu'elle veut connaître au-delà de l'expérience. Et il est bien question ici d'illusion, et non d'erreur, car l'illusion transcendantale est inévitable, incorrigible, àl'inverse de l'erreur.

L'illusion transcendantale est un besoin structurel de la raison pure, et aucun effort d'attentionne peut y remédier.La connaissance est unification.

Pas de connaissance sans données sensibles ; mais les formes a priori de lasensibilité (espace et temps) unifient déjà les données de l'expérience.

Puis cette expérience sensible est unifiéesous les catégories de l ‘entendement.

La raison, enfin, a pour destination d'unifier toute la connaissance en unsystème sous des idées, le moi, le monde et Dieu.

Ces idées ne sont donc que des formes organisatrices, ou des« principes régulateurs ».

Il y a illusion dès lors que la raison nous induit, par son essence même, à prêter à ces idées une valeur objective, et à vouloir faire de la psychologie et de la théologie des sciences à part entière, alorsque nous n'avons aucune expérience sensible de ces objets, et ne pouvons en aucune façon en avoir.La dialectique a pour tâche de nous prémunir contre cette apparence trompeuse qui consiste à prêter une valeurobjective à ces pures formes de la raison.L'illusion de la psychologie rationnelle (ou paralogisme) consiste à transformer le « je pense », forme a priori d'unification de mes connaissances, en un être substantiel, à faire du pur sujet de la pensée un objet de la pensée.L'illusion peut alors se développer en une pseudo-science de la nature, de l'origine et de l'immortalité du moi.L'illusion cosmologique objectivise l'idée du monde comme unité suprême de l'expérience externe.

L'illusion se révèleà travers les quatre antinomies qui permettent, concernant quatre « propriétés » du monde, de soutenir à la fois la thèse et l'antithèse.¨ Première antinomie : le monde a un commencement dans le temps et il est limité dans l'espace/ le monde n'a pas de commencement dans le temps et n'est pas limité dans l'espace. ¨ Seconde antinomie : tout ce qui existe est composé d'éléments simples / il n'existe rien de simple dans le monde (divisibilité à l'infini). ¨ Troisième antinomie : tout n'est pas soumis au déterminisme, il existe une causalité libre / il n'existe pas de causalité libre. ¨ Quatrième antinomie : il existe un être nécessaire, comme partie ou cause du monde / il n'existe pas d'être nécessaire, ni dans le monde, ni en dehors. En l'absence du critère de l'expérience, la raison démontre aussi bien le pour que le contre.

Surgit alors le fantômedu scepticisme.

Mais Kant pense échapper au scepticisme justement en mettant à nu le sophisme, qui fait glisser d'une idée de la raison à son existence comme chose en soi objective.

La raison est à elle-même son propreremède : c'est la démarche critique.Il en va de même, enfin, concernant la théologie rationnelle qui entretient l'illusion de preuves de l'existence de Dieu,preuves que Kant démonte une à une, montrant leur valeur purement spéculative. Avant Kant , Hume avait déjà soumis ces trois idées, le moi, le monde, Dieu, à une critique définitive en en montrant la connaissance illusoire.

Mais Hume , en sceptique, concluait à l'inutilité, voire au caractère néfaste de ces idées pour la science, Kant , au contraire, malgré leur charge d'illusion, leur accorde un rôle positif suprême comme pôle d'unification systématique de la connaissance humaine.Les idées de la raison n'ont pas de valeur transcendante (objective), mais uniquement une valeur régulatrice etorganisatrice dans l'interprétation de l'expérience.

Sans elles, pas de système, mais une simple juxtaposition desavoirs locaux (ce qui reproché à l'empirisme).Il reste que l'illusion interne à la raison et l'usage illégitime des facultés qu'elle provoque naissent d'un désirirrépressible, celui de faire connaître les choses en soi au-delà des limites de l'expérience (usage transcendantal), oupire, comme on vient de le voir, de constituer de simples conditions de la connaissance en objets de cetteconnaissance (usage transcendant ou constitutif).D'où vient ce besoin qu'a la raison de franchir les limites de l'expérience et d'engendrer ainsi, non des erreurscontingentes et accidentelles, mais des illusions structurelles, des faux problèmes inéluctables ? Pourquoi l'illusiontranscendantale ne disparaît-elle pas, lors même qu'elle est dévoilée ?. »

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