Ce qu'est un peuple libre (Montesquieu)
Publié le 24/03/2015
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Un peuple libre n'est pas celui qui a une telle ou une telle forme de gouvernement : c'est celui qui jouit de la forme de gouvernement établie par la loi...
[...] La liberté politique concerne les monarchies modérées comme les républiques et n'est pas plus éloignée du trône que d'un sénat ; et tout homme est libre qui a un juste sujet de croire que la fureur d'un seul ou de plusieurs ne lui ôteront pas la vie ou la propriété de ses biens...
La démocratie et l'aristocratie ne sont point des États libres par leur nature. La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans les gouvernements modérés ; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du Pouvoir ; mais c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites.
Pour qu'on ne puisse abuser du Pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Une Constitution peut être telle que personne ne sera contraint de faire les choses auxquelles la loi ne l'oblige pas, et à ne point faire celles que la loi lui permet.
(Pensées, 884 ; E.L., XI, 4)
«
Textes commentés 39
La liberté des citoyens n'est pas le privilège d'un régime politique parmi les
autres.
S'il est clair qu'elle n'existe jamais dans un régime despotique parce
qu'elle est antinomique avec la volonté de puissance et l'arbitraire d'un seul qui
entraînent
« l'obéissance extrême » de tous, s'il est non moins clair qu'elle est
incompatible avec les abus et les détournements de pouvoir qui, toujours
porteurs d'exclusivismes et d'extrémismes, la rendent impossible, on n'en
saurait conclure que tous les régimes non-despotiques sont naturellement le
lieu de la liberté.
Celle-ci n'est possible que selon une manière de gouverner
dont l'enjeu n'est pas la victoire d'une idéologie mais la défense de
l'humanisme.
C'est pourquoi
il appartient à ceux qui exercent le gouvernement
de respecter, selon les lois de l'État, la nature véridique de l'homme, c'est-à
dire de tout ce qui contribue
à sa dignité.
La liberté est à ce prix : il faut
l'instituer ; il faut l'aménager.
Dans son institution comme dans son aménagement, elle
exige la
modération du régime dans lequel elle trouve place.
Mais la liberté est
particulièrement exigeante si bien qu'elle n'existe pas nécessairement lors
même que l'État est modéré.
Il faut toujours compter en effet avec les passions
qui mènent les hommes, et savoir que la tentation d'abuser du pouvoir a de
fortes chances de s'insinuer même chez ceux qui exercent leur office en un
gouvernement modéré.
Il importe que cette tentation doit jugulée
et que
l'exercice du pouvoir se contienne en de raisonnables limites.
Par la disposition
des choses, c'est-à-dire dans les lois organiques du régime de liberté, le
Pouvoir lui-même doit imposer des bornes à l'exercice du pouvoir.
Cette
auto
/imitation
doit être inscrite dans la Constitution.
Elle est la condition sine qua
non
de la liberté des citoyens puisque, aux termes mêmes du texte fondateur de
la politique, nul ne saurait être contraint, d'une manière ou d'une autre, à défier
la loi.
Dans sa conviction légaliste, Montesquieu ne soulève pas le problème de la
loi injuste.
On peut assurément le lui reprocher car il s'agit d'un problème
véritablement problématique.
Toutefois, son dessein est clair et délibéré : il
veut montrer que la liberté politique n'est pas une liberté naturelle et qu'il
appartient à une Constitution bien pensée et aux articles bien pesés d'établir les
conditions de la liberté politique d'un peuple..
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