Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité que leur manquait auparavant.

« ment dotée de toutes les qualités que l'on attribue ordinairement à l'être humain, qui apparaissent ici liées ù la vic sociale.

- De plus, l'état cil'i! (= de citoyen d'un corps politique) détermine un développement intellectuel ct affectif tel que l'être préhumain change effective­ ment de nature pour devenir un homme (transformation du quantitatif en qualitatif, selon ce que Hegel repérera comme un principe fondamental de la dialectique).

- Rousseau ne précise guère ici quels sont les avantages que le préhomme avait dans la nature.

On peut les deviner: indépendance complète (par absence de relation avec l'autre) et capacité à satisfaire immédiatement ses désirs (sans avoir à tenir compte de ceux des autres).

- Le texte ne précise pas non plus la cause du passage de l'état de nature à l'état civil.

Elle peut se déduire des caractères du premier: la solitude signifie la limitation des forces physiques.

La constitution des premières sociétés est donc un moyen d'augmenter les forces pour survivre.

II.

L'entrée dans l'histoire - Tel qu'il est évoqué, l'état de nature est purement répétitif puisqu'il n'y règne que l'instinct, sans communication avec autrui (cf ce qu'en affirme Rousseau dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité: s'il s'y produit une invention (par hasard) l'invention périt avec l'inventeur.

l'espèce était déjà vieille et l'homme était toujours enfant.

- Au contraire, l'accès complémentaire à l'état civil et à l'humanité authentique marque le début de l'histoire: • on peut ici souligner que l'historicité telle que l'implique Rousseau est bien linéaire selon la tradition occidentale, bien que Dieu, dans ce passage, n'intervienne nullement pour en signifier le début.

Cette histoire sera désormais une façon d'exister soumise à des jugements de valeur: tout n'y est pas nécessairement ou automatiquement bien orienté puisque Rousseau souligne que certains abus (évidemment politiques et économiques) de la nouvelle condition de l'homme pourront le faire régresser en-deçà de son animalité première.

Rien n'est donc joué d'avance: l'histoire apparaît comme un domaine où différentes solutions sont possibles.

III.

Rousseau et l'anthropologie - Rappeler que Rousseau fut l'un des premiers à poser clairement la question du passage de la nature à la culture (cf Lévi-Strauss).

- Cela implique un système philosophique à l'intérieur duquel il n'y a pas de définition statique (par une essence a-temporelle) de l'être humain.

Cela sous­ entend en particulier une distance prise à l'égard du dogme religieux.

- On a donc là un texte capital puisqu'il inaugure une réflexion sur l'homme comme être fondamentalement historique, qui se poursuivra à travers Hegel, Marx, etc.

- L'anthropologie contemporaine essaie de préciser les modalités par lesquelles l'homme sc détache de l'animalité (notamment par l'instauration des interdits), mais elle continue à travailler la question.. »