Caractérisez et appréciez la valeur morale de l'individualisme ?
Publié le 26/03/2004
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Ayant ainsi caractérisé l'individualisme, n'avons-nous pas déjà répondu à la seconde question et déterminé sa valeur?Le supposer serait poser en principe que la moralité est dans la recherche du bien du groupe et que le mal oul'immoralité se ramènent à la recherche de son propre bien ou du bien individuel.
Or, ce principe est-il évident ?Il est évident, au contraire, que ce n'est pas par lui-même que le groupe humain est une fin digne de l'activité d'unêtre qui pense, une fin morale, mais à cause de la nature des individus qui le composent : nous agissons bien ennous dévouant pour la France, non parce que la France est une masse de quarante millions d'êtres, mais parce quechacun de ces êtres est un homme, c'est-à-dire un être intelligent et libre, par suite ayant un idéal à atteindre etune tâche à remplir.
La valeur de la nation et de l'humanité se fonde sur la nature des individus qui les composent :au fond des vraies valeurs morales l'analyse découvre toujours des valeurs individuelles.Il ne s'ensuit pas pour autant que nous devions placer l'essence de la moralité dans la recherche du bien individuelet admettre l'individualisme, soit l'individualisme politique, soit l'individualisme moral.L'individualisme politique, d'après lequel les organismes sociaux doivent viser uniquement au bien des individus, sefonde sur un principe erroné et conduit à une forme nettement immorale d'individualisme.Le bien général est fait de la somme des biens particuliers : voilà le principe implicite des partisans del'individualisme.
Que le législateur prenne les mesures qui feront le plus grand nombre possible d'heureux, et il auratravaillé au bien commun le plus parfaitement qu'il était en son pouvoir.Ce principe, bien qu'il ait les apparences d'une vérité de sens commun, est incontestablement faux.
Il suppose, eneffet, que les individus sont juxtaposés et forment chacun un monde à part, semblable aux monades de LEIBNIZ quin'ont ni portes ni fenêtres par où elles pourraient agir les unes sur les autres.
RAPPEL: LA MONADE CHEZ LEIBNIZCe terme renvoie à l'unité spirituelle élémentaire dont tout ce qui existe estcomposé.
La monade est à la métaphysique ce que le point est à la géométrieà la fois unique et en nombre infini.
Il n'y a pas chez Leibniz de dualisme (d'uncôté l'âme et de l'autre l'esprit).
Mêmes les minéraux ou les végétauxpossèdent une dimension spirituelle ! Il y a des monades douées de mémoirechez les animaux, des monades douées de raison comme chez les hommes.Aucune monade ne ressemble à une autre.
Chacune d'elles représente lemonde de manière toujours particulière et plus ou moins claire, à la manièrede miroirs plus ou moins bien polis.
A la faveur de la bonté et de l'omnisciencedivines, toutes les monades constituent un tout harmonieux, car chacune estcomme un monde fermé, sans portes ni fenêtres, cad sans communication.
Or, la réalité est tout autre : l'individu est une abstraction; nous sommesintimement intégrés dans des sociétés multiples s'impliquant et secompénétrant les unes les autres.
Celui qui fait le plan de la cité idéale nedoit pas négliger ce fait capital.Prenons comme exemple la société familiale : d'autres sociétés, surtout lasociété nationale ou patrie, pourraient donner lieu à des remarquesanalogues.La vie affective des membres d'une famille unie n'est guère individuelle : elleest surtout collective.
On y est heureux du bonheur des autres autant que du sien : nos succès scolaires nous seraient-ils aussi sensibles si nous étions seuls à en jouir? Les deuils aussi sontfamiliaux, et par là prennent un caractère tout nouveau : le souvenir de nos morts nous serait-il aussi cher s'iln'était pas conservé en commun?Les intérêts matériels sont aussi plus familiaux qu'individuels.
Le chef de famille est propriétaire pour les siens plusque pour lui; l'ouvrier reçoit son salaire, et le fonctionnaire son traitement, non pas uniquement pour leur entretien,mais pour l'entretien de toute leur maison.
L'aisance et la gêne sont un fait collectif, et non pas seulement un faitpersonnel; c'est une sorte d'atmosphère qu'on respire dès qu'on a franchi la porte : dès le vestibule, on jouit deposséder à peu près ce qu'on peut raisonnablement désirer ou, au contraire, on souffre de tout ce qui manque.Qu'une amélioration se produise, et tous en éprouvent le bienfaisant contrecoup : les visages se détendent; on n'aplus la douloureuse impression d'être retenu dans tous ses projets par l'exiguïté du budget familial; l'augmentationdes recettes du père met toute la famille à l'aise.A l'échelle nationale, le même phénomène, quoique moins sensible, peut être observé.
Il est des siècles deprospérité et des siècles de misère;' des périodes de concorde et des périodes de luttes intestines.
Les conditionsgénérales de l'existence de notre époque et de notre pays font dans une grande mesure notre bien-être et notrejoie de vivre.
Aussi le moyen le plus simple et le plus sûr, pour un législateur, de procurer le bonheur des individus,est de leur donner un milieu favorable à leur activité : chacun alors se fera son bonheur, bonheur d'autant plusapprécié qu'il aura le sentiment de l'avoir gagné lui-même.
Dans cette conception, le bien des individus est le butdernier auquel tend l'activité des pouvoirs publics : l'Etat existe pour les individus, et non les individus pour l'Etat.
Mais c'est en cherchant le bien général, et en particulier le bien de l'Etat, que les gouvernements peuvent assurerplus efficacement les intérêts individuels.Ensuite, en mettant au premier plan de ses soucis le bien général, le législateur inspirera a\j peuple tout entier unsouci analogue.
L'individu ne sera plus renfermé sur lui et sur ses intérêts étroits.
Il s'élargira aux dimensions du pays.
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