Candide (chap. 3) Extrait commenté
Publié le 30/03/2015
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Chassé du paradis terrestre de Thunder-ten-Tronckh, Candide est enrôlé de force dans l'armée bulgare et devient bien malgré lui le héros de la bataille entre les Abares et les Bulgares. Le récit du combat offre à Voltaire l'occasion de souligner le contraste entre la vision providentialiste du monde que son précepteur Pangloss, disciple impénitent de Leibniz, a transmise à Candide et la réalité absurde et monstrueuse qui s'impose progressivement à lui.
Les marques d'un discours dévalorisant
La première dissonance apparaît avec le passage des tambours aux canons. Ce n'est plus l'harmonie auditive qu'on attendait, et le mot enfer, rejeté en fin de phrase pour renforcer la surprise, exprime les intentions ironiques de l'auteur : Voltaire a feint de voir la guerre avec la naïveté de Candide, mais brutalement, il ramène le lecteur à la réalité et rapproche des mots à valeur contradictoire (« enfer « et « harmonie «, « boucherie « et « héroïque «). La répétition des formulations approximatives pour dénombrer les victimes (« à peu près..., environ..., le tout pouvait bien «) fait ressortir combien peu vaut la vie humaine en temps de guerre. La même ironie inspire le retour de formules soulignant la similitude des effets produits dans les deux camps : il n'y a ni vainqueurs, ni vaincus, mais partout des victimes.
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L E C T U R E S MÉTHODIQUES
1 - UNE VISION ESTHÉTIQUE ET VALORISANTE DE LA GUERRE
La beauté du spectacle
La description des deux armées commence en fanfare, sur un ton d'allégresse
alerte et enjouée qui fait songer aux Divertissements de Lulli : Candide est émer
veillé devant une harmonie visuelle aussi réussie.
Les qualificatifs laudatifs se pres
sent, renforcés
par la répétition de l'intensif« si » et centrés sur la beauté, le mou
vement
et la symétrie de la scène.
L'orchestre est présenté dans la seconde phrase:
il est composé, comme ceux de Lulli ou Mozart, d'instruments éclatants et graves,
qui suggèrent
une guerre joyeuse.
Un combat de soldats de plomb
Candide y assiste en spectateur attentif, comme s'il voyait des armées avec les
quelles on
joue ( « renversèrent » ), et dresse le bilan avec l'approximation détachée
(à peu près six mille hommes de chaque côté) d'un communiqué de guerre.
Une justification philosophique
La logique de Candide le conduit à présenter les morts comme des « coquins
qui ...
infestaient
la surface » de la terre.
La guerre présente donc un caractère utili
taire
et moral dans le « meilleur des mondes », car elle élimine des indésirables.
Continuant
à recourir au vocabulaire de Pangloss, Candide transforme la baïon
nette
en« raison suffisante*».
La« raison suffisante», dans la Théodicée de Leib
niz, est
le« principe» selon lequel «jamais rien n'arrive sans qu'il y ait une cause
ou du moins une raison déterminante
».
Tout effet suppose donc pour Leibniz une
cause intelligible.
Candide, pensant
comme un automate, est prisonnier de ce sys
tème où la mort trouve sa justification philosophique.
Il - L'IRONIE* DE VOLTAIRE
Les mar9ues d'un discours dévalorisant
La première dissonance apparaît avec le passage des tambours aux canons.
Ce n'est plus l'harmonie auditive qu'on attendait, et le mot enfer, rejeté en fin de phrase
pour renforcer
la surprise, exprime les intentions ironiques de l'auteur: Voltaire a
feint de voir la guerre avec la naïveté de Candide, mais brutalement, il ramène le lec
teur à
la réalité et rapproche des mots à valeur contradictoire («enfer » et« harmo nie»,« boucherie» et« héroïque»).
La répétition des formulations approximatives
pour dénombrer les victimes (
« à peu près ...
, environ ...
, le tout pouvait bien ») fait
ressortir combien peu vaut la vie humaine en temps de guerre.
La même ironie ins
pire le retour de formules soulignant la similitude des effets produits dans les deux
camps : il
n'y a ni vainqueurs, ni vaincus, mais partout des victimes.
Les cible de l'ironie
Ce jeu de contrastes permet de découvrir les cibles de Voltaire.
D'abord, les
tenants de l'optimisme* qui, pour concilier leur théorie avec la réalité de la
guerre, affirment, par une généralisation absurde, que seuls les « coquins » en sont
victimes.
Ensuite,
ceux qui admirent le prestige de l'armée et la créditent de la
transformation des hommes en héros : Voltaire leur répond que les héros ne sont
que des bouchers, spécialisés dans le dépeçage
et la mutilation.
Enfin, ceux qui
voient
la guerre de très loin: !'écrivain leur propose sa propre vision, celle de ceux
qui affrontent les atrocités.
LE CONTE VOLTAIRIEN~.
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