Je vais aujourd’hui vous présenter un texte célèbre de Baruch Spinoza, qui est tiré de ses Correspondances, Lettre 58 qu’il a adressé à Schuller.
Publié le 21/02/2016
Extrait du document
«
pierre roule encore.
Bien entendu, la pierre roule à cause de l’effet de la poussée et donc
roulera jusqu’à ce que cette force s’épuise dans le roulement de la pierre.
Pourtant quand nous
observons la pierre, personne ne se dit que cette pierre s’est déplacée toute seule ! qu’elle a
décidé de rouler par elle-même ! Nous savons évidemment qu’elle a du recevoir une force (le
vent, un choc) pour se déplacer et nous serions fous si nous pensions que la pierre était
capable de bouger par elle-même.
Ce que nous venons de dire notons clairement avec des concepts philosophiques : la pierre
n’est pas libre , elle se déplace selon des lois naturelles (que nous nommons la Physique), et
non selon sa propre volonté .
Nous le savons parce que nous connaissons ces lois naturelles
qui régissent les objets physiques .
Ainsi le mouvement de la pièce est déterminé et
nécessaire , aucune pierre pourra se déplacer en dehors de ces lois physiques.
Maintenant, nous allons voir que pour Spinoza, qu’entre une pierre et un homme il y a bien
peu de différence, mise à part une chose : sa conscience.
Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se
mouvoir, pense et sache qu’elle fait effort, autant qu’elle peut, pour se mouvoir.
Cette pierre
assurément, puisqu’elle a conscience de son effort seulement et qu’elle n’est en aucune façon
indifférente, croira qu’elle est très libre et qu’elle ne persévère dans son mouvement que
parce qu’elle le veut.
Spinoza nous demande de faire une petite expérience, aussi folle soit-elle, il nous demande
d’imaginer que si cette pierre avait une conscience, n’aurait-elle pas l’impression de se
déplacer par elle-même, par sa propre volonté.
En effet, comme la pierre ne sait pas pourquoi
elle bouge, mais qu’elle se voit bouger.
Alors elle se dit, « ce doit être moi qui veut que je
bouge, puisque je bouge ».
Il faudrait aller voir cette pierre et lui dire qu’elle ne bouge qu’à
cause d’une loi physique et que sa volonté n’y est pour rien.
Mais voilà, la pierre ne connait
pas les causes qui la déterminent et se trompe le plus naturellement du monde.
J’espère que nous comprenons bien Spinoza : La pierre croit bouger selon sa propre volonté à
cause de sa conscience .
Mais elle se trompe car sa conscience ne lui permet pas de bouger
davantage, elle n’est donc pas libre, c’est une illusion produite par sa conscience et son
ignorance des lois naturelles qui la déterminent .
L’anecdote est amusante car impossible, aucune pierre n’a de conscience.
Mais comme l’a
rappelé Spinoza, ce qui est vrai pour la pierre l’est de toute façon pour tout être y compris les
hommes :
Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que
les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent.
Un
enfant croit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s’il est
poltron, vouloir fuir.
Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu’ensuite,
revenu à la sobriété, il aurait voulu taire.
De même un délirant, un bavard, et bien d’autres de
même farine, croient agir par un libre décret de l’âme et non se laisser contraindre.
Ce
préjugé étant naturel, congénital parmi tous les hommes, ils ne s’en libèrent pas aisément..
»
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