Bourdieu, Le «goût de la réflexion» et le « goût des sens»
Publié le 22/09/2012
Extrait du document
«
«résistance éthique» peut être définit comme le refus de se laisser submerger par ses sens en vue d’un respect de l’éthique,
donc de ce qui «se fait», et celui de « neutralisation esthétique» comme l’équilibre et l’objectivité qu’apporte la connaissance
de l’esthétique.
Bourdieu définit la distance nécessaire au «goût de la réflexion» comme « la liberté proprement humaine de
mettre en suspens l’adhésion immédiate, animale, au sensible et de refuser la soumission au pur affect, à la simple aisthesis.»
- aisthesis signifiant «expérience».
Il reprend donc ici, en d’autres termes, l’expression de Kant « convient aux sens
immédiatement».
Celui qui subit donc cette jouissance imposée ne dispose pas du recul indispensable au refus, donc au
dégoût, qui définit le goût pur, dégoût de la sensation immédiate, de la violence de cette jouissance.
l.33 à 47, Bourdieu désigne le dégoût comme un défi à la culture, évoque une « réduction universelle à l’animalité» opérée par
la jouissance, soit un retour primaire aux émotions animales, naturelles.
Il fait intervenir a notion de «vulgaire»
l.48 à 67, Bourdieu exprime clairement son opposition radicale à Kant.
Citation de Kant, celui ci dénie une catégorie
de gens qui n’auraient «pas le sentiment de la belle nature» et utilise le verbe «se contentent de» comme pour exprimer une
faiblesse délibérée de la part de ceux qui se laissent frapper par cette violente jouissance du «goût des sens».
Bourdieu
affirme alors que Kant, sous forme d’une «évolution» de la nature à la culture, par un «mécanisme idéologique», pose les
raisons de l’opposition du «goût de la réflexion» à celui des sens, qui sont en réalité les termes de l’opposition entre les
classes sociales.
Selon Kant, des hommes se seraient restreints à la manifestation de leurs sens tandis que d’autres auraient
préféré évoluer pour faire abstraction de leurs sensations, dans le but d’une élévation de la pensée.
Bourdieu cite donc ce
passage afin de montrer que ce qui est présenté comme une évolution du passage de nature à celui de culture par une
catégorie d’homme - et ce par leur simple volonté - n’est que la légitimation des goûts d’une classe vis à vis d’une autre.
La
classe cultivée est à la classe non cultivée ce que l’homme est à l’animal.
Ce transfert opéré inconsciemment par Kant
s’explique par un rejet du social dans la structuration des jugements de goût.
Bourdieu exprime ici clairement et pour la
première fois dans le texte sa critique radicale envers Kant et son oeuvre, Critique de la faculté
de juger.
l.68 à 79, Bourdieu montre ici que la théorie du «goût pur» défendu par l’esthétique et notamment par Kant n’est pas admise
comme un processus empirique, psychologique et sociale, mais se cache en quelque sorte perpétuellement derrière le
principe de transcendance.
Il écrit que la théorie du « goût pur » trouve son fondement dans l’empirie d’un rapport social.
C’est-à-dire que toutes les oppositions entre la culture et la nature, l’agréable et le beau, le cultivé et le non cultivé, la réflexion
et le plaisir corporel, trouvent leur fondement dans l’opposition entre la bourgeoisie (cultivée) et le peuple (la nature inculte,
barbare).
Autrement dit, c’est autour d’un ethos de classe, de cette nécessité de distinction de la classe bourgeoise vis-à-vis
des classes populaire que se crée une éthique du « goût pur », c’est-à-dire la théorisation du bon comportement, celui qui
exprime la norme de l’humain par opposition à l’animalité.
Bourdieu justifie ses propos en évoquant les allusions de Kant à
l’apprentissage et à l’éducabilité du goût, à travers lesquelles celui ci explique que l’esprit doit «former son goût par la
connaissance», « surtout quand il est encore grossier et qu’il manque d’exercice».
Selon le sociologue, il y a ici une clair visée
légitimiste d’une culture qui semble « supérieure »..
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