Blaise Pascal, Trois discours sur la condition des Grands
Publié le 31/01/2020
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Blaise Pascal, Trois discours sur la condition des Grands
Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs; car il y a des grandeurs d'établissement et des grandeurs naturelles. Les grandeurs d'établissement dépendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains états et y attacher certains respects. Les dignités de la noblesse sont de ce genre. En un pays, on honore les nobles, en l'autre les roturiers; en celui-ci les aînés, en cet autre les cadets. Pourquoi cela ? Parce qu'il a plu aux hommes. La chose était indifférente avant l'établissement : après l'établissement, elle devientjuste, parce qu'il est injuste de la troubler. Les grandeurs naturelles sont celles qui sont indépendantes de la fantaisie des hommes, parce qu'elles consistent dans des qualités réelles et effectives de l'âme ou du corps, qui rendent l'une ou l'autre plus estimable, comme les sciences, la lumière i de l'esprit, la vertu, la santé, la force. Nous devons quelque chose à l'une et à l'autre de ces grandeurs; mais comme elles sont d'une nature différente, nous leur devons aussi différents respects.
Aux grandeurs d'établissement, nous leur devons des respects d'établissement, c'est-à-dire certaines cérémonies extérieures qui doivent être néanmoins accompagnées, selon la reconnaissance intérieure de la justice de cet ordre, mais qui ne nous font pas concevoir quelque qualité réelle en ceux que nous honorons de cette sorte. Il faut parler aux rois à genoux; il faut se tenir debout dans la chambre des princes. C'est une sottise et une bassesse d'esprit que de leur refuser ces devoirs. Mais pour les respects naturels qui consistent dans l'estime, nous ne les devons qu'aux grandeurs naturelles; et nous devons au contraire le mépris et l'aversion aux qualités contraires à ces grandeurs naturelles. H n'est pas nécessaire, parce que vous êtes duc, que je vous estime; mais il est nécessaire que je vous salue.
Deuxième discours, Gallimard, collection « La Péiade », 1993, p. 618.
Le premier enjeu du texte est de montrer combien l'ordre social est distinct de l'ordre naturel. Tout les sépare : la nature de leurs « grandeurs » respectives et le type de respect qu'on leur doit. La hiérarchie politique et sociale est « d'établissement », au sens où elle est « établie » par une décision des hommes. Est-ce à dire qu'il ne faut pas la respecter? Au contraire, selon Pascal, dans la mesure où elle garantit l'existence d'un ordre entre les hommes. Le deuxième enjeu du texte
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