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Blaise PASCAL: L'homme [... ] n'est produit que pour l'infinite.

Publié le 01/04/2005

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L'homme [... ] n'est produit que pour l'infinité. Il est dans l'ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s'instruit sans cesse dans son progrès : car il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu'il garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu'il s'est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les livres qu'ils en ont laissés. Et comme il conserve ces connaissances, il peut aussi les augmenter facilement ; de sorte que les hommes sont aujourd'hui en quelque sorte dans le même état où se trouveraient ces anciens philosophes s'ils pouvaient avoir vieilli jusqu'à présent, en ajoutant aux connaissances qu'ils avaient celles que leurs études auraient pu leur acquérir à la faveur de tant de siècles. De là vient que, par une prérogative particulière, non seulement chacun des hommes s'avance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l'univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d'un particulier. De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement [... ] Blaise PASCAL

Le thème du progrès, relativement récent dans l'histoire de la pensée occidentale, s'est d'abord affirmé au niveau de la représentation de la connaissance, avant d'être envisagé, par les philosophes du XVIII siècle, pour l'ensemble de la société. Il n'a pas eu d'emblée une connotation positive (progrès = amélioration) et bien des philosophes (Pascal, Rousseau) l'utilisent dans son sens premier — et neutre — d'avancée dans le temps ou l'espace, développement quantitatif (latin progredior: « je m'avance «). Le thème du progrès a été associé très tôt à l'idée que les connaissances et l'expérience acquises par une génération sont transmissibles à la génération suivante. Ce cumul rend possible une amélioration des savoirs etdes savoir-faire et, par le biais de l'éducation, perpétue les acquis culturels en une sorte de « mémoire collective «. De ce point de vue, le progrès culturel constitue l'envers de l'évolution biologique : alors que cette dernière s'explique non par la reconduction des caractères acquis par chaque génération (cf Jean Rostand, L'Homme) mais par une « pression « sélective du milieu naturel sur l'ensemble des êtres préexistants, l'histoire humaine comme progrès n'est possible que par une transmission de l'acquis, et ce à travers l'éducation. Le texte de Pascal thématise la notion de progrès comme cumul et dépassement tout à la fois. S'il semble envisager surtout l'histoire des sciences, il ne manque pas de signaler que cette faculté de « conservation « et d'augmentation des connaissances constitue une donnée distinctive de l'homme (cf. « prérogative particulière «). La façon dont la fin du texte met en parallèle le développement graduel de l'humanité et la croissance par étapes de l'individu devra être examinée dans toutes ses implications.

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« • Accomplissement progressif du savoir, impliquant une remise en question de tout principe d'autorité.

Conceptiondynamique de l'histoire des sciences. Intérêt philosophique du texte Implications multiples • La reconnaissance d'un progrès n'implique-t-elle pas le rejet de tout principe d'autorité ? Ce rejet peut-il valoirailleurs que dans la pensée scientifique ?• Peut-on appliquer l'évolutionnisme du texte à d'autres domaines (traditions morales ou politiques, droit, valeurssociales, etc.) ?• Rapport entre l'inné et l'acquis : caractère foncièrement éducable de l'homme. Quelques éléments de réflexion utiles • Le contexte du passage proposé : Pascal, dans sa préface au Traité sur le vide, s'efforce de démontrer qu'il estpossible de contredire les « Anciens » (c'est-à-dire, en fait, les autorités admises) sur un point qui relève de laraison et de l'expérience : le problème de l'existence du vide.

Alors que l'opinion commune, ainsi que les principales «autorités intellectuelles » de l'époque, s'en tenaient au fameux dogme aristotélicien selon lequel « la nature ahorreur du vide », Pascal devait établir, à l'aide d'un calcul rigoureux et d'expériences célèbres (puy de Dôme),l'existence incontestable du vide.

Ce n'est pas faire injure aux Anciens que de remettre en question leurs croyances,là où le libre examen et l'expérience raisonnée peuvent avoir libre cours, c'est-à-dire essentiellement, pour Pascal,dans le seul domaine des sciences physiques (dans le même texte, Pascal réaffirme la validité du principe d'autoritéconcernant l'histoire, la théologie, et la jurisprudence.

C'est à Spinoza qu'il reviendra d'étendre le principe de raisonet de libre examen, c'est-à-dire d'élucidation critique, à tous ces domaines : cf sur ce point Traité théologico-politique, chapitre VII, Éd.

Garnier-Flammarion).• Nécessité de faire varier le point de vue sur l'histoire humaine, notamment en envisageant des domaines deréflexion différents afin d'y « tester » l'existence ou l'absence de progrès, tout en précisant ce que peut recouvrirce « progrès ».

Exemples : développement des sciences et des techniques, évolution des représentationscollectives, succession des modes de production, évolution de l'homme lui-même, saisi dans sa réalité complexe.Dans tous les cas, on s'attachera à dissocier clairement ce que peut être la réalité effective d'un progrès et lesmythologies que recouvre la notion elle-même (cf plus loin le texte de Cournot), voire là fonction idéologique qu'elle'emplit (apologie du présent, illusion rétrospective). Quatre références philosophiques pour travailler la question • Domaine des sciences et des techniques :Pascal : préface du Traité sur le vide (cf.

plus haut).D'Alembert : Discours préliminaire de I«< Encyclopédie », avec le texte du Prospectus rédigé par Diderot.

Affirmationde l'idée de progrès et mise en évidence des résistances que l'essor des sciences et des techniques a pu rencontrer; références louangeuses à Bacon, précurseur de la méthode expérimentale et auteur de la première utopietechnique (La Nouvelle Atlantide, 1627). • Domaine des représentations collectives :Auguste Comte : Discours sur l'esprit positif (première partie, chapitre premier, Éd.

Vrin, p.

3 à 16).

L'étude del'évolution des formes de représentation collective conduit à une périodisation dont le sens général est celui d'unprogrès, passant par trois étapes ou états (théologique, métaphysique, positif). • Domaine des types de société successifs :Karl Marx-Friedrich Engels : Manifeste du Parti communiste (Éd.

sociales).

L'histoire de l'humanité, jusqu'à présent,et à partir du seuil que constitue le dépassement de la communauté primitive, est l'histoire de la lutte des classes.Elle est donc profondément ambivalente, puisque le développement des forces productives (progrès quantitatif)s'accompagne d'une succession de formes différentes d'exploitation (esclavage, rapports féodaux, salariatcapitaliste) dont aucune, dans l'absolu, ne semble préférable aux autres, si ce n'est qu'en fin de compte lacontradiction entre le caractère toujours plus social de la production et l'appropriation de plus en plus privée etsingulière des moyens de production met à l'ordre du jour la suppression pure et simple du fondement de touteexploitation (propriété privée des moyens de production).

Le progrès est donc d'essence contradictoire ; sasignification finale est assujettie au développement de la lutte des classes, et à l'intervention active de la classeexploitée.

Ainsi, on ne peut pas parler de progrès technique « en soi », pas sans prendre en considérationl'utilisation sociale de la technique et les finalités qu'un certain système assigne à cette technique (cf de nos joursles problèmes de la pollution, du travail parcellaire, etc.).. »

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