Blaise PASCAL: le pari
Publié le 01/04/2005
Extrait du document
«
Le pari c'est l'argument ultime destiné aux athées irréductibles.
Pascal veut montrer que le « libertin » opiniâtre(celui qui ignore et ne veut pas connaître le « dessous des cartes », c'est-à-dire les preuves scripturaires, letémoignage des Évangiles) doit pourtant, à partir de ses seules maximes profanes de joueur, parier pour Dieu.Le pari se présente comme un dialogue, poursuivi à chaque étape de l'argumentation, entre Pascal et lelibertin.
(Explication et commentaire)
« Dieu est ou n'est pas...
La raison n'y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare.
»Le point de départ du pari c'est l'impossibilité pour la raison de prouver l'existence de Dieu.
Cette impossibilitédécoule directement de la distance infinie qui sépare l'homme de Dieu.
L'homme est un être fini et ne peut doncpas, par sa raison naturelle, atteindre l'être infini.Déjà l'étendue infinie, si elle peut être conçue ne peut être comprise.
A plus forte raison un Infini purementspirituel échappe à nos prises.
Aucune des deux options proposées (Dieu existe — Dieu n'existe pas) ne peutêtre démontrée.
« Par raison vous ne pouvez défendre nul des deux.
»Donc le pari n'est aucunement une preuve de l'existence de Dieu.
Pascal ne le donne pas comme une preuve.Le pari ne démontre pas la vérité de l'existence de Dieu.
Il n'en démontre même pas la probabilité.
La raisonnaturelle est également impuissante à démontrer l'une ou l'autre des deux options possibles.
Quand Voltaireécrit dans sa XXV Lettre philosophique .
« Le pari de Pascal n'est pas une preuve.
L'intérêt que j'ai à croire unechose n'est pas une preuve de l'existence de celte chose », il a raison, mais il est sans le savoir parfaitementd'accord avec Pascal« ...
Celui qui prend croix et l'autre sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier.
» Pascal donne icila parole au libertin.
Si les deux options sont également indémontrables la seule attitude rationnelle n'est-ellepas de refuser la pari? On pourrait d'ailleurs ajouter ici qu'il ne saurait y avoir,dans ces conditions, de pari proprement dit.
M.
Etienne Souriau l'a justement fait observer dans son beau livreL'ombre de Dieu (P.U.F., p.
79-80).
« Car il faut être deux pour parier, l'un qui dit : je parie, l'autre qui dit, jetiens.
Qui dit ici Je tiens? Et si personne ne le dit il n'y a pas de pari.
L'homme de Pascal est comme ce fou : ilvoit une feuille au fil de l'eau hésiter entre deux côtés d'un caillou.
Il dit : je parie un million avec Rotschildqu'elle passera à droite...
Où est sa folie? Ce n'est pas que le million n'existe pas, c'est que Rotschi d n'a pasdit Je tiens.
» Remarquez l'étrangeté de la formule impersonnelle de Pascal : « Il se joue un jeu...
où il arriveracroix ou pile.
»L'étrange phrase de Pascal ne dit pas précisément entre qui et qui se joue le jeu.
Pour avoir un sens le pari nesuppose-t-il pas d'emblée cette existence d'un Dieu rémunérateur ou vengeur pour laquelle il nous demanded'opter?« ...
Il faut parier.
Cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué...
Votre raison n'est pas plus blessée enchoisissant l'un que l'autre puisqu'il faut nécessairement choisir.
Mais votre béatitude? Pesons le gain et laperte en prenant croix que Dieu est.
» Pascal répond au libertin : Aucune des deux options n'est démontrable,je ne peux pas savoir si Dieu existe et s'il tient le pari, mais je suis embarqué, il faut bien que je vive d'unefaçon ou d'une autre, que je vive comme si Dieu existait ou comme s'il n'existait pas.
J'ai le choix entre deuxsolutions, je ne peux pas me dérober au choix.
Comme le dit M.
Henri Gouhier dans son remarquablecommentaire sur le pari : « Exister, qu'on le veuille ou non, c'est exister avec Dieu ou exister sans Dieu.
» Lemot célèbre de Pascal « Vous êtes embarqué » montre bien qu'il ne s'agit plus ici d'un problème de spéculation(il ne s'agit plus de cette impossible démonstration de Dieu) mais il s'agit d'une question d'existence.Il s'agit de choisir un genre de vie.
La raison, incapable de démontrer l'existence de Dieu peut-elle m'inviter àchoisir « l'existence avec Dieu? » Si je pouvais prouver je n'aurais pas à parier; mais tandis que le plan de laréflexion théorique laisse la place à celui de l'option vitale, la raison peut éclairer mon choix.
Comme dit M.Henri Gouhier : « A l'impossible démonstration qui ferait de l'existence de Dieu une vérité rationnelle, le parisubstitue une argumentation qui en fait l'objet d'un choix raisonnable.
» Le pari de Pascal n'a rien à voir avecl'option de Descartes oui.
perdu dans la forêt, choisit une direction au hasard et décide de s'y tenir.
Dans cetexemple la volonté pure manifeste sa puissance tandis que la raison abdique devant le hasard.
Le pari dePascal est tout différent.
Loin d'illustrer le volontarisme pur, il manifeste un choix de la raison.
Il s'inspire decette nouvelle science où Pascal, résolvant le problème de la roulette, a brillé.
Il veut être une applicationrigoureusement rationnelle de la nouvelle « géométrie du hasard ».
Je ne puis démontrer que Dieu existe, nimême qu'il est probable que Dieu existe.
Mais je peux fournir une argumentation au terme de laquelle je doiscertainement parier pour une vie de bon chrétien.
« ...
Si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vousne perdez rien.
» Parier pour Dieu c'est soumettre sa vie aux commandements de l'Église, renoncer aux vainsplaisirs de ce monde et gagner le paradis, une infinité de béatitude.
La mise (les plaisirs de la vie) est dérisoirepar rapport au gain possible parce que la mise est finie, que le gain possible est infini.
Aucun bien fini necompte en regard de l'infini.
C'est là l'idée fondamentale qui sous-tend de bout en bout le pari de Pascal ; c'estelle qui inspire le titre que Pascal a donné à ce fragment : « Infini — Rien ».
Qui refuserait de jouer à pile ouface un franc contre un milliard? Et dans le choix proposé par Pascal au libertin il ne s'agit pas d'un milliard,richesse énorme mais finie, il s'agit de l'infini : « II y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, unhasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte et ce que vous jouez est fini.
Cela ôte tout parti.
»
« Oui, il faut gager, mais je gage peut-être trop.
» Pascal redonne ici la parole au libertin.
Pour le libertin, aveuglépar les passions, ce n'est pas un « rien » qui est hasardé contre l'infini mais cette vie présente qui, bien que finie, aune certaine valeur.
En pariant pour Dieu je suis sûr de perdre les plaisirs terrestres et je ne suis pas sûr de gagner.
»
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