Blaise PASCAL: Le divertissement
Publié le 01/04/2005
Extrait du document
«
engendrant des risques (cf le terme « péril»), des antagonismes (cf le terme « querelles ») et des affectionspassives de l'âme (cf le terme « passions »).
Ce sont donc des activités que Pascal énumère et dont il cherchela signification.
Quelle est-elle ? Les hommes ne savent pas et ne veulent pas demeurer entre quatre murs («dans une chambre ») car alors ils sombrent dans l'angoisse.
Donc c'est la solitude qu'ils répudient.
Tel est lesens de ce premier mouvement du texte, dont l' intérêt philosophique est manifeste ; Pascal souligneadmirablement ce qui est nôtre : notre impossibilité de rester seuls avec nous-mêmes, enfermés, de telle sorteque le désir des hautes fonctions et activités est enraciné dans cette impossibilité de demeurer enfermés.Nous refusons d'être dans un repos complet, qui nous est insupportable.
Dangers, risques, etc.
s'originent dansce refus absolu de la solitude.Mais il reste à donner davantage d'exemples, et c'est ce que Pascal fait dans la suite du texte.
B.
Deuxième partie : « Un homme [...] plaisir.
»
Ici, les exemples viennent confirmer l'hypothèse de Pascal, l'incapacité de demeurer enfermé chez soi : prenonsle cas de celui qui pourrait vivre de ses rentes mais qui, néanmoins, achète des fonctions (« charges ») pourse mouvoir hors de son domicile : il paiera très cher pour ne pas demeurer chez lui.
De même, jouent un rôlefondamental les sociétés ou fréquentations (« conversations ») car si l'on n'appartient pas à des groupes ousociétés, on est rejeté dans sa chambre, enfermé entre quatre murs.
Donc les exemples confirment la thèse :l'homme veut des occupations, il est misérable.
Inconsciemment ou volontairement, selon le cas, il recherchetoutes les occasions de sortir de chez lui.Les exemples de Pascal sont admirables et conduisent à souligner l'intérêt philosophique des lignes : nousrecherchons agitation, contacts humains, fréquentations, même s'ils sont générateurs de méchanceté, de mal,de trouble.
Sans cette quête indéfinie (mais pleine de risques divers !), sans le tumulte du monde, nous nousennuyons : c'est l'occupation que nous voulons, car le vide nous effraie.
D'où la recherche des « amis », laquête de la reconnaissance sociale, etc.
; tout cela fait partie de notre structure psychique.
Les contactshumains, même dérisoires, nous sont nécessaires.
L'homme est un être pétri d'illusions.
Mais pourquoi cela ? Latroisième partie du texte va nous le dire plus clairement.
C.
Troisième partie : « Mais [...] de près.
»
La troisième partie nous fait aller à la cause explicative du phénomène : la fuite du tragique de l'existence humaine.L'homme sans Dieu recherche l'agitation car les combats, la guerre, etc.
le détournent de la contemplation de sonnéant : de sa mort inévitable.
La démonstration de Pascal progresse implacablement.
Après avoir décrit le paradoxede la condition humaine (même un homme pourvu de biens achètera une charge pour s'occuper et refusera dedemeurer dans une chambre), il faut en venir à la vraie cause du phénomène, cause qui nous est donnée dans cettetroisième partie.Pascal approfondit la question et recherche l'origine du paradoxe, ce qui en constitue le facteur explicatif : c'estnotre situation d'impuissance et de finitude temporelle (« notre condition faible et mortelle »), qui ne peut êtrel'objet de la pensée, de la représentation intellectuelle, de l'activité de l'esprit, car cette situation d'impuissancenous signale notre néant et rend compte de notre agitation.
Pourquoi ne restons-nous pas entre quatre murs ?Parce que la vue du tragique de notre existence est insoutenable.
La condition ici examinée est la conditionhumaine, à savoir la situation de l'homme pris dans une finitude étroite qui le rend misérable.
La condition humainen'a rien de réconfortant et l'homme fuit son néant.Quel est donc l'intérêt philosophique du texte ? Pascal décrit admirablement nos contradictions et notre contingence: l'homme est sentinelle du néant et Pascal souligne parfaitement le caractère tragique de notre condition.
AvecPascal, nous frissonnons, au bord du gouffre, aux confins du néant.
Pascal fonde ici l'existentialisme : il part del'expérience et de l'existence, des données concrètes et nous dit ce qu'est notre vécu : la condition humaine esttotalement irrationnelle, d'où le divertissement.
L'homme est un être voué à l'irrationnel, au contingent et àl'absurde.
Les « existentialistes » ne parleront pas autrement.
3) Conclusion
Comment l'homme est-il en mesure d'échapper au spectacle de sa misère ? Seul le divertissement le détourne de sonnéant et lui permet de fuir le tragique de son existence.
PASCAL (Biaise). Né à Clermont-Ferrand en 1623, mort à Paris en 1662. Enfant précoce, il écrivit à onze ans un traité des sons, et retrouva tout seul, à douze ans, la trente-deuxièmeproposition du premier livre d'Euclide.
A dix-neuf ans, il inventa une machine arithmétique.
En 1646, il entre enrelations avec Port-Royal et fait sa première expérience sur le vide.
A partir de 1652, commence ce que l'on a.
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