Blaise PASCAL: La nature trompeuse de l'imagination.
Publié le 01/04/2005
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pour elle-même (cf.
Bachelard, La Poétique de la rêverie).L'imagination peut nous affranchir, en un sens, du temps et de la réalité des situations données.
Elle estfondamentalement re-présentation, puisqu'elle a pour fonction de me présenter les objets (ou leurs images) enleur absence.
Elle a de ce fait partie liée à la mémoire, soit qu'elle facilite le travail de la pensée en ladispensant de s'attacher aux objets réels (la symbolique algébrique parachevant cela en relayant l'imaginationelle-même), soit qu'elle opère les substitutions nécessaires au tourment d'une intériorité que ne satisfait pas lasituation du moment (chez les romantiques, l'invocation lancinante de ce qui n'est plus conjure le désespoirprésent par une sorte de catharsis de la remémoration).Le temps de la subjectivité n'est pas seulement ce qui est à l'oeuvre dans la vie affective.
Il est aussi, pourl'homme, comme sens interne, ce qui permet de lier les images.
L'association de deux mouvements (une boulede billard A en heurte une autre B) peut être débordée par une anticipation de l'imagination, sous la formed'une inférence causale.
Je n'imagine que le Soleil se lèvera demain que parce que je l'ai vu se lever chaquejour.
Ici en jeu dans l'appréhension de l'expérience, l'imagination ne peut s'égaler à la pensée dès lors quecelle-ci se développe librement, hors des limites de l'expérience visuelle.
Je peux définir un chiliogone (polygoneà mille côtés) mais je ne peux à proprement parler l'imaginer.
(Pour approfondissement, voir aussi le point devue kantien dans La Religion dans les limites de la simple raison, Kant, Éd.
Vrin, p.
102, II, paragraphe 1, b,note, et Critique de la raison pure : « La faculté qui relie les éléments divers de l'intuition sensible estl'imagination, laquelle dépend de l'entendement pour l'unité de sa synthèse intellectuelle, et de la sensibilitépour la diversité des éléments de l'appréhension.
»)L'imagination, puissance trompeuseOn peut comprendre, dès lors, que la tradition philosophique donne un statut assez ambigu à l'imagination.Celle-ci, souvent rattachée à la perception, a longtemps été pensée comme une entrave à la connaissanceauthentique.
Ainsi Pascal disait-il de l'imagination : « C'est cette partie décevante de l'homme, cette maîtressed'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours...
» En tout cas, son statutpsychique, envisagé à la fois dans l'approche de la vie affective et dans la réflexion sur le rapport perceptif,demande à être défini dans son caractère spécifique.
Toute perception est en un sens imagination (faculté deproduire des images) et l'on a pu parler de « connaissance imaginative », rattachant les « modes d'imaginer »de l'homme à son acceptation naïve de l'apparence, doublée d'une projection anthropomorphique inaperçue (cfSpinoza).À ce niveau, la production d'un imaginaire apparaît bien comme l'investissement d'une vie affective antérieure àla perception du présent ; cet investissement s'opère de façon quasi « naturelle » dans le rapport immédiat àl'apparence (pas de problématisation des données empiriques).
La connaissance objective, elle, exige unerupture.
L'imaginaire – et la formation qui lui correspond – ne se réduit donc pas à la perception ; il est faux dedire qu'il en part.
Dans le champ des relations sociales, là où le souci de paraître mais aussi le désir dereconnaissance règnent, l'imagination joue un rôle déterminant.
Pascal se plaît à souligner ce rôle, repérabledans le sens de la hiérarchie comme dans les mimétismes fébriles qui poussent les hommes à cultiver leurimage, mais aussi à valoriser les biens qui les rassurent en ce qui concerne celle-ci.
Cette quête de valorisationtend à fausser les choses, au point de l'emporter sur la raison.
Dans la soumission aux autorités, la symboliquede la puissance, le cérémonial de mise en scène des pouvoirs, jouent sur les ressorts de cette imagination.On soulignera la force du texte de Pascal concernant les dangers de la « faculté imaginante », propre àsusciter soumission voire vénération.
De fait l'imaginaire traditionnel des pouvoirs de domination ne manque pasd'en user et d'en abuser.
Éclairage comparatif
On pourra réfléchir sur le texte qui suit, également tiré des Pensées de Pascal (même édition, n°147) : «n°147.
– Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nousvoulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître.
»
PASCAL (Biaise). Né à Clermont-Ferrand en 1623, mort à Paris en 1662. Enfant précoce, il écrivit à onze ans un traité des sons, et retrouva tout seul, à douze ans, la trente-deuxièmeproposition du premier livre d'Euclide.
A dix-neuf ans, il inventa une machine arithmétique.
En 1646, il entre enrelations avec Port-Royal et fait sa première expérience sur le vide.
A partir de 1652, commence ce que l'on aappelé la « vie mondaine » de Pascal.
Ami du duc de Roannez, il fréquente les salons et les femmes, s'adonne aujeu, mais poursuit cependant la réalisation de ses travaux mathématiques : il se révèle le promoteur de l'analyseinfinitésimale et du calcul des probabilités.
Insatisfait de la vie qu'il mène, las du monde, le cœur vide, il éprouve lanostalgie de Dieu.
Pascal a une illumination dans la nuit du 23 novembre 1654, et trace quelques lignes sur unmorceau de papier, qu'il conservera cousu à l'intérieur de son vêtement.
Il se retire à Port-Royal-des-Champs, etparticipe avec ardeur à la polémique qui oppose les Jansénistes et les Jésuites, prenant la défense de Port-Royal.
»
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