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Biographie d'AMIEL (Henri-Frédéric).

Publié le 28/06/2009

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Né et mort à Genève (1821-1881). Il habita Berlin. En 1849, il devint professeur d'esthétique à l'Université de Genève, et professeur de philosophie en 1853. De tempérament timide et inquiet, il s'est interrogé soi-même avec une inlassable curiosité. Il exprima une philosophie de la vie, amère mais lucide.

« Laissons dormir sa mémoire.

»Par gain de paix, Schérer, pourtant, consentit à garder l'enveloppe, puis, disposant d'une soirée, il se mit à lire.

Et le lendemain il écrivait en hâte à Fanny Mercier : « Envoyez-moi tout ce que vous pouvez du Journal.

>> C'est alors qu'il composa la notice qui ouvre la série des grandes études consacrées au Journal intime par Renan, Caro, Bourget, Matthieu Arnold, Gaston Frommel, Léon Brunschwicg, Léon Bopp, Bernard Bouvier, Albert Thibaudet, Grégorio Maranon, Mauriac, Edmond jaloux, Robert de Traz, Gérard Baüer.

Bien d'autres encore.

Les éditions postérieures du Journal, plus étendues (celle de Bernard Bouvier, et celle qui comporte l'épisode de Philine, puis l'édition complète qu'a entreprise Léon Bopp) ont, en le faisant mieux connaître, multiplié les discussions autour de ce singulier écrivain, jusqu'alors laissé dans sa grisaille.

On l'a souvent moqué, on l'a qualifié de « malade de l'idéal » (Schérer et lui-même), d'imaginatif pur, de paranoïaque.

Cela ne suffirait point pour expliquer la tenace impression d'inquiétude dont il pénètre ses lecteurs, les associant étroitement à son propre sort et leur faisant trouver en lui certains éléments de leur pensée, qu'ils ignoraient ou méconnaissaient.

Car la valeur quasi unique du Journal vient de ce que le drame d' Amiel est, à des degrés divers, celui de la plupart des individus, et tient à la condition humaine elle-même : il dénonce et il illustre le dépaysement des humains sur la terre.

Enfant délicat, qui s'isolait pour lire, Amiel vécut, en imagination, une vie à laquelle lui­ même ne pouvait atteindre.

Il passa ses jours, les yeux fixés sur un idéal dont il n'osait s'approcher, de peur de le voir s'évanouir.

Ardemment et vainement désireux de goûter la joie d'aimer et de se donne·r, il se voyait arrêté par la force même de son désir.

« Eternelle disproportion entre la vie rêvée et la vie réelle», écrit-il; oui, de même qu'entre l'homme et l'écrivain intime, entre la pensée et la parole écrite, entre les femmes dont les livres peuplaient sa mémoire et celles qu'il rencontrait dans la rue.

Dans sa timide horreur d'être dupe, Amiel préfère se duper lui-même, se retirer sous sa tente - où d'ailleurs il étouffe en pensant qu'on pourrait l'y abandonner.

Voilà plus de quatre-vingts ans qu'il a prononcé le mot de refoulement et analysé le symbolisme des rêves.

Ainsi, passionné de l'indépendance qu'il n'avait pas la force de conquérir, pétri de désirs et redoutant ses instincts.

cherchant à s~ blinder d'indifférence, lui qui gardait un cœur d'enfant, il se défend des sujets et objets auxquels il pourrait s'attacher, se détache de ceux auxquels il s'est livré, et s'efforce de s'habituer à vivre en dedans, à inventer ce qu'il aurait pu être s'il avait été autre.

On ne saurait pousser la personnalité plus loin, mais le miracle est que, plus Amiel se consacre à lui-même et mieux il semble comprendre la nature et l'humanité.

Son Journal est l'itinéraire d'une âme perdue dans le monde, qui proteste contre sa faiblesse, ne se résout pas à la nécessité de se prendre en faute et, dans une invincible nostalgie, cherche son climat, espérant toujours s'y épanouir.

C'est une tentative, poursuivie pendant trente-cinq ans, de « rétablir l'intégrité de l'esprit et l'équilibre de conscience, c'est-à-dire la santé intérieure ».

Ces cent soixante-quatorze cahiers in quarto, qu'il a lui-même réunis dans treize cartonnages à dos de parchemin, ont servi de refuge à ce professeur célibataire et amplement barbu, livré à la soif de connaître et de se faire connaître, qui sentait son cœur trop étroit pour toute la tendresse dont il avait besoin.

Et qui surtout voulait se prouver que, sous l'être maladroit qu'il montrait à la ville, un autre existait, le seul authentique, qui tendait de toute son âme aux certitudes de l'absolu.

Amiel courut, sa vie durant, après ce véritable moi qu'il ne pouvait atteindre.

N'est-ce pas là notre drame à tous? Et n'est-ce pas dans cette émouvante et fraternelle communion qu'il faut chercher la raison de la puissance qu'exerce le Journal intime où, par son propre exemple, Amiel a osé montrer ce que, si souvent, nous nous cachons à nous-mêmes.

Là, un solitaire a su reconnaître, comprendre et plaindre l'homme de toujours.

PAUL CHAPONNIÈRE. »

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