Berkeley, Trois dialogues entre Hylas et Philonous, 1713, Troisième dialogue
Publié le 08/12/2012
Extrait du document
« Je vois cette cerise, je la touche, je la goûte, je suis sûr que le néant ne peut être vu, touché ou goûté : la cerise est donc réelle. Enlevez les sensations de souplesse, d’humidité, de rougeur, d’acidité et vous enlevez la cerise, puisqu’elle n’existe pas à part des sensations. Une cerise, dis-je, n’est rien qu’un assemblage de qualités sensibles et d’idées perçues par divers sens : ces idées sont unies en une seule chose (on leur donne un seul nom) par l’intelligence parce que celle-ci remarque qu’elles s’accompagnent les unes les autres. Ainsi quand le palais est affecté de telle saveur particulière, la vue est affectée d’une couleur rouge et le toucher d’une rondeur et d’une souplesse, etc. Aussi quand je vois, touche et goûte de ces diverses manières, je suis sûr que la cerise existe, qu’elle est réelle : car, à mon avis, sa réalité n’est rien si on l’abstrait de ces sensations. Mais si par le mot cerise vous entendez une nature inconnue, distincte, quelque chose de distinct de la perception qu’on en a, alors certes, je le déclare, ni vous, ni moi, ni aucun homme, nous ne pouvons être sûrs de son existence. «
Berkeley, Trois dialogues entre Hylas et Philonous, 1713, Troisième dialogue, Œuvre complète P.U.F.
«
semble avoir aucun sens.
Le réel se réduit -il à ce que l’on perçoit ? Peut -on
admettre et comment cette matière comme étant réelle ou est -ce une notion dont
on peut se passer ?
Tel est le problème que Berkeley résout dans cet extrait de son ouvrage, Trois
dialogues entre Hylas et Philonous .
À travers l’analyse de la perception d’une
cerise, il veut montrer qu’on peut penser la réalité de l’objet de la perception
sans avoir besoin d’ admettre une réalité extérieure à la perception.
Berkeley
renoua avec la forme dialogique de Platon en usant du dialogue philosophique.
Ici il met en opposition Hylas (hylè : matière) qui est le représentant de
l’opinion commune qui se pose comme matérialiste en présupposant que la
matière préexisterait à la sensation et à la perception ; alors que Philonous
(philo , qui aime, noûs, l’esprit) , qui est le porte- parole de la position de
Berkeley , soutient la thèse idéaliste pour laquelle les choses n’ existent que par
et dans l’esprit.
Il montre d’abord sur l’exemple de la cerise en quoi l’objet de la
perception se laisse penser comme « assemblage de sensations » .
Il explique
ensuite d’où vient l’unité de l’objet en tant qu’il est perçu par des sens
di fférents.
Enfin, il réfute la possibilité d’une réalité indépendante de la
perception, ce qu’on nomme « matière » .
Par l’exemple de la cerise, il répond
par la positive en soutenant la thèse qu’« elle n’existe pas à part des
sensations », que « sa réalité n’est rien si on l’abstrait de ces sensations ».
Autrement dit, une chose n’est réelle que si l’on peut la percevoir.
Pour illustrer
son propos, Berkeley utilise l’image de la cerise.
En donnant ainsi un exemple
singulier, il évite de généraliser et permet une approche d’une perception
ordinaire par un sujet existant, quelconque.
La situation est aisément
imaginable pour tous : « Je vois cette cerise, je la touche, je la goûte ».
Berkeley expose un exemple et un seul.
Il s’agit de la perception d’une ceris e
par un sujet.
Il est clair qu’il veut donc comme et contre Descartes dans la
seconde de ses Méditations métaphysiques (1642), s’en tenir à la perception
d’un objet singulier pour être au plus près de la perception ordinaire.
C’est
qu’en effet, nous ne pe rcevons pas des objets en général, mais tel ou tel objet.
Mais l’exposition de cet exemple se fait à la première personne.
Le « Je » qui
voit n’est pas Berkeley ; il est un sujet quelconque.
Et c’est sur la base de
l’existence de ce sujet qu’est possible l a perception de l’objet singulier.
La
cerise est une collection de qualités sensibles, c’est tout ; mais il explique la.
»
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