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Bergson: Qu'est-ce qu'un jugement vrai ?

Publié le 20/04/2004

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bergson
Qu'est-ce qu'un jugement vrai ? Nous appelons vraie l'affirmation qui concorde avec la réalité. Mais en quoi peut consister cette concordance ? Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l'affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c'est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application. Ce qui est réel, c'est tel ou tel fait déterminé s'accomplissant en tel ou tel point de l'espace et du temps, c'est du singulier, c'est du changeant. Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet. Prenons une vérité aussi voisine que possible de l'expérience, celle-ci par exemple : "La chaleur dilate les corps." De quoi pourrait-elle bien être la copie ? Il est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d'un corps déterminé, en la photographiant dans ses diverses phases. (...) Mais une vérité qui s'applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j'ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien. Bergson

• Le thème abordé est apparemment simple : l'écart entre la vérité et la réalité. • Mais des problèmes différents s'y entremêlent : théorie ancienne de la « copie «, opposition entre vérité générale et réalité particulière, question de la formulation du vrai par le langage. On pourra les traiter séparément pour rendre l'approche plus claire. • Il y a dans l'extrait une ambiguïté entre «jugement vrai« et « vérité «. Est-elle gênante ? • Comment opérer la transition de la « copie « grâce à la photographie à la « métaphore « que constitue l'affirmation vraie ?

bergson

« basset de ma voisine qu'au Rantanplan de Lucky Luke.

La généralité du sens des mots a pour effet, nous l'avonsdéjà relevé plus haut, de créer l'illusion de stabilité là même où il n'y en a pas.

Dire que le vase se casse, c'estlaisser entendre que c'est une même chose, en elle-même invariable, qui change seulement d'état.

Les motsprojettent sur l'expérience la fiction d'objets permanents : « nos affirmations sont générales et impliquent unecertaine stabilité de leur objet ». Question 3 Si notre intelligence, essentiellement rationnelle et discursive, ne combine que des idées générales, elle estréduite à ignorer le singulier et, comme nous venons de le voir, le changement.

Dans ces conditions, laconnaissance humaine est soit condamnée à demeurer imparfaite, incapable d'atteindre la vérité dynamique etmouvante des choses singulières, soit forcée à se tourner vers une autre faculté que l'intelligence pour parvenir àla connaissance vraie.

Quelle pourrait être cette autre faculté ? Elle n'aurait pas recours aux mots,nécessairement généraux ; elle serait donc intuitive ; elle consisterait en une saisie directe et immédiate duchangement.

Il s'agirait donc plus d'un vécu spécifique que d'une connaissance rationnelle.

La vérité de ce genrede connaissance ne consisterait plus en une copie des choses mais en une expérience des choses elles-mêmes.Pourtant ne peut-on pas défendre la possibilité d'une connaissance proprement rationnelle du changement ? Laphysique n'est-elle pas capable d'expliquer l'évolution des structures matérielles, le déplacement des objets dansl'espace ? La justesse de ses modèles théoriques est d'ailleursrégulièrement confirmée par l'exactitude de ses prévisions expérimentales.

II est vrai que cette connaissancescientifique du changement se fonde sur la connaissance de lois, autrement dit du repérage de la permanenced'un certain ordre dans le déroulement des phénomènes naturels.

La physique n'est possible que parce que toutne change pas dans ce qui change.

Les lois du changement restent fixes même quand les objets changentcomplètement.

Sans cette structure stable (on ne peut pas s'avancer jusqu'à dire immuable) de la nature, aucuneconnaissance rationnelle, scientifique ou technique ne seraient possibles.

Autrement dit, la science, par sesconcepts et ses théories, ne crée pas la fiction de la permanence : elle rend bien compte d'une permanenceobjective, d'un ordre relativement stable inscrit dans le coeur des choses.

Bergson n'a donc pas tort de soutenirque l'intelligence est incapable de penser le changement.

Le changement pur, radical, absolu serait non seulementimpensable mais annulerait même toute possibilité de pensée.

On pourrait le vivre mais en le subissant.

On nes'apercevrait de rien, on le ressentirait tout au plus.

Vouloir connaître le changement revient donc seulement àvouloir en faire l'expérience. BERGSON (Henri-Louis) .

Né et mort à Paris (1859-1941). Il fit ses études au lycée Condorcet et à l'École normale supérieure.

Il fut reçu à l'agrégation de philosophie en 1881.Il fut professeur de philosophie aux lycées d'Angers et de Clermont-Ferrand.

Docteur ès lettres en 1881, il enseignasuccessivement, à Paris, au collège Rollin, puis au lycée Henri IV, et, à partir de 1898, à l'École normale.

Titulaire,en 1900, de la chaire de philosophie grecque au Collège de France, puis de celle de philosophie moderne, il entra àl'Académie des Sciences morales et politiques en 1901, à l'Académie française en 1914, et reçut le Prix Nobel delittérature en 1927.

— La méthode philosophique de Bergson est l'intuition :« Nous appelons intuition la sympathiepar laquelle on se transporte à l'intérieur d'un objet pour coïncider avec ce qu'il a d'unique et par conséquentd'inexprimable.

» Les données immédiates de la conscience doivent être saisies dans leur vraie nature et non àtravers des notions que nous emprunterions à la connaissance de l'espace.

L'intuition pose les problèmes en termesde durée.

« Les questions relatives au sujet et à l'objet, à leur distinction et à leur union, doivent se poser enfonction du temps plutôt que de l'espace.» — Bergson distingue le temps véritable et psychologique du tempsmathématique, qui est sa traduction en espace.

L'être est altération et l'altération est substance.

La durée, c'est «la forme que prend la succession de nos états de conscience quand le moi se laisse vivre.» Entre les choses, il n'estque des différences de degré.

C'est seulement entre deux tendances qui traversent une chose, qu'il y a différencede nature.

La matière est ce qui ne change plus de nature ; mais elle est aussi durée.

Elle est le plus bas degré dela durée, elle est un « passé infiniment dilaté ».

Car la durée est une mémoire, elle prolonge le passé dans leprésent.

Le passé survit en soi ; il coexiste avec soi comme présent.

Le présent est le degré le plus contracté dupassé.

Le passé et le présent sont contemporains l'un de l'autre.

L'élan vital est la durée en tant que différence desoi avec soi, en tant qu'elle s'actualise, en tant qu'elle passe à l'acte.

La durée vraie est une création continue.

Lavie, de même que la conscience, est durée, mobilité, création continue, liberté.

— Bergson distingue deux sortes demémoire : « Le passé se survit sous deux formes distinctes : 1) Dans des mécanismes moteurs ; 2) Dans des. »

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