Bergson : mémoire et perception
Publié le 23/10/2013
Extrait du document
« Quand je me promène pour la première fois, par exemple, dans une ville où je séjournerai, les choses qui m'entourent produisent en même temps sur moi une impression qui est destinée à durer, et une impression qui se modifiera sans cesse. Tous les jours j'aperçois les mêmes maisons, et comme je sais que ce sont les mêmes objets, je les désigne constamment par le même nom, et je m'imagine aussi qu'elles m'apparaissent toujours de la même manière. Pourtant, si je me reporte, au bout d'un assez long temps, à l'impression que j'éprouvai pendant les premières années, je m'étonne du changement singulier, inexplicable et surtout inexprimable, qui s'est accompli en elle. Il semble que ces objets, continuellement perçus par moi et se peignant sans cesse dans mon esprit, aient fini par m'emprunter quelque chose de mon existence consciente; comme moi ils ont vécu, et comme moi vieilli. Ce n'est pas là illusion pure; car si l'impression d'aujourd'hui était absolument identique à celle d'hier, quelle différence y aurait-il entre percevoir et reconnaître, entre apprendre et se souvenir ? Pourtant cette différence échappe à la plupart ; on ne s'en apercevra guère qu'à la condition d'en être averti, et de s'interroger alors scrupuleusement soi-même. La raison en est que notre vie extérieure et pour ainsi dire sociale a plus d'importance pratique pour nous que notre existence intérieure et individuelle. Nous tendons instinctivement à solidifier nos impressions, pour les exprimer par le langage. De là vient que nous confondons le sentiment même, qui est dans un perpétuel devenir, avec son objet extérieur permanent, et surtout avec le mot qui exprime cet objet. «
Bergson part d'un constat : l'effort que l'on peut faire après des années pour retrouver une impression est toujours difficile : il y a « un changement singulier, inexplicable, et surtout inexprimable "· Cette fois-ci les mots ne permettent plus de reconnaître cette impression. Le langage qui a figé les choses dans une certaine impression, semble paradoxalement ici ne pas pouvoir retrouver la fraîcheur de cette impression première. Pourquoi ?
«
SUJET
La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise.
Il faut et il suffit
que /'explication rende compte,
par la compréhension précise du texte, du
problème dont il est question.
CORRIGÉ
• Éléments d'analyse
Notions en jeu
La conscience ; la perception ; le langage ; l'existence et le temps ; l'histoire.
Repères principaux
Médiat/immédiat ; Intuitif/discursif.
Problème
Une conscience se représente des objets extérieurs à elle à travers des
images.
Ces objets produisent des impressions, mais ces impressions sont
elles-mêmes le fruit d'une perception.
Or percevoir, c'est recueillir ces
impressions, mais c'est aussi
les organiser pour qu'elles aient un sens.
Mais à partir du moment où
l'esprit est actif, comment s'assurer que l'esprit
restitue fidèlement les objets perçus sans y mêler des impressions
passées?
Question
Qu'est-ce qui permet de distinguer les sentiments issus de la mémoire, des
impressions d'une
nouvelle perception ? Autrement dit, une perception est
elle toujours la saisie immédiate d'une donnée extérieure à la conscience,
ou bien
est-elle le résultat d'une construction du sujet ?
Thèse
Seule une concentration dans son moi intérieur, c'est-à-dire dans un moi
qui n'est pas soumis aux exigences pratiques d'une vie
sociale, permet de
faire
la différence entre une perception nouvelle et une impression ancienne
marquée par
l'habitude.
LA PERCEPTION • SUJET • 132.
»
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