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BERGSON : L'Homo Faber

Publié le 27/02/2008

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Dans des milliers d'années, quand le recul du passé n'en laissera plus apercevoir que les grandes lignes, nos guerres et nos révolutions compteront pour peu de chose, à supposer qu'on s'en souvienne encore ; mais de la machine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre taillée ; elle servira à définir un âge. Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l'histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l'homme et de l'intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens*, mais Homo faber**. En définitive, l'intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d'en varier indéfiniment la fabrication. Henri BERGSON, L'Évolution créatrice
Dans ce texte, il s’interroge sur les liens entre la technique et l’intelligence humaine. Les philosophes ont toujours assuré une interrogation sur l’activité technique et cette interrogation s’est accentuée ces dernières années avec les nouvelles menaces que le progrès technique fait peser sur l’homme et sur le monde. Le premier but de la technique est la transformer de la nature par l’homme et la technique fait donc partie du monde de la culture, la manifestation de l’esprit humain dans le monde. La pensée grecque distingue ce qui est naturel de ce qui artificiel. Elle met ainsi en valeur le principe qui est à l’origine des objets. Ainsi, les choses produites par nature le sont par elles-mêmes ( la graine devient une plante à partir d’elle-même), tandis que les choses produites par technique le sont par la médiation d’un agent extérieur. L’objet technique est le résultat d’une fabrication et ne peut exister sans une intervention humaine. Qu’est-ce qui sous-tend cette fabrication. Bergson dans ce texte se penche sur l’activité même de l’intelligence. Pour ce faire, il commence donc sur une réflexion historique : il s’agit de savoir ce qui restera dans l’histoire, les événements qui marquent. Ce qui lui permet par la suite de s’interroger sur la caractéristique « constante « de l’homme qui accompagne l’évolution historique. Bergson se place en effet toujours sur le plan évolutif de la vie. Il ne s’agit plus de voir dans la raison humaine, un don divin mais bien d’essayer de comprendre comment l’intelligence est apparue et pourquoi elle est apparue ? Peut-on dire que la technique est proprement humaine et qu’elle est la caractéristique de l’homme ? Quelles conséquences a cette identification de la technique et de l’intelligence ?

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« mentalités : ces dernières subissent aussi l'impact des différentes techniques.

Homo faber : l'homme technique- De cette réflexion sur l'histoire, Bergson va tirer des réflexions sur l'essence même de l'intelligence de l'homme.Pour cela, il va s'opposer aux thèses classiques de l'homme de la philosophie traditionnelle.

La première phrase de ladeuxième partie vise en effet à mettre à mal les visions classiques.

Il sous-entend en effet que l'orgueil de l'hommelui a fait dire pendant longtemps que notre principale caractéristique était la raison théorique.

Le terme de sapiens renvoie une image positive de l'homme : il est sage.

Cela veut dire qu'il possède la capacité de connaître et d'avoirdes réflexions morales.

Il est vrai que dès le début de la philosophie, la partie rationnelle de l'homme a été sublimée.Pour Platon, le nous, la raison est en effet la part divine de l'homme.

Aristote ira dans le même sens.

De même,Descartes avec son cogito fait de l'homme une substance pensante avec d'être un corps intégré dans un monde et ayant des actions sur ce dernier.

Il faut donc abandonner cette prétention à pouvoir raisonner et connaîtrel'essence profonde des choses pour pouvoir voir la réalité.

Il s'agit donc d'ajuster notre jugement aux faits, que nousprésentent justement l'histoire et la préhistoire.- Quelle est donc cette réalité ? Bergson cherche donc ce qui caractérise de manière « constante » la naturehumaine.

Il cherche donc à redéfinir ce qu'est l'homme.

Cette recherche de « l'essence » même de l'homme apparaîtdans l'utilisation de l'adjectif « originelle » qui définit l'origine même de l'intelligence.

Il s'agit donc bien decomprendre ce pour quoi l'intelligence était destinée, sa fonction de base.

Il nous indique alors qu'il faut substituer àl'homo sapiens, l'homo faber.

Cette substitution a une portée énorme.

L'homo faber se traduit littéralement en« l'homme en tant qu'il est fabricant ».

Bergson nous dit plus loin que ce sont les premières armes, les premiersoutils qui nous signalent l'apparition de l'homme sur la Terre.

Pourquoi le fait de fabriquer des objets caractérise-t-ill'homme ?- Comprenons d'abord le processus intellectuel qui sous-tend la création des outils.

Pour fabriquer par exemple unmarteau, il va falloir d'abord avoir une représentation de l'action que nous voulons réaliser, planter un clou.

Puis enfonction de cela, il faudra penser à la forme, aux matériaux, à la résistance,… Pour Leroi-Gourhan, dans Le geste et la main , considère aussi l'usage de l'outil comme signe distinctif de l'humanité puisqu'elle met en œuvre des capacités intellectuelles : concevoir un outil, c'est anticiper sur son utilisation, mais aussi déterminer sa formerelativement à l'usage qu'on en attend ainsi qu'à l'énergie qu'on lui appliquera.

Bergson en disant que l'intelligenceest la capacité de fabriquer des outils, ne dit pas que l'homme n'a pas d'intelligence mais il lui refuser certainescapacités.

Dès lors, la technique entre directement dans la façon dont l'homme se conçoit et conçoit les objets du monde et les règles de leur existence.

La technique permet ainsi à l'homme de se distinguer de l'animal au sens où,contrairement à l'animal, l'homme se conçoit comme un être technique qui peut, au moyen de ses outils, dominer lemonde et le changer fondamentalement, et pas seulement l'habiter ou y vivre.

Pourquoi Bergson parle-t-il des« outils à faire des outils » ? Il faut bien voir que les objets techniques finissent par former un contexte.

Le forgeronpour faire son métier à besoin du forge.

De même, les machines aujourd'hui qui permettent de produire dans lesusines doivent bien être produites par d'autres.

On peut donc faire une ligne successive des outils.

L'intelligence est issue de la vie elle-même et ne peut comprendre l'essence des choses-Pour Bergson, l'intelligence est donc essentiellement technique.

Le mot "technique" est issu du grec "technè", quidésigne initialement tout savoir-faire permettant d'obtenir un résultat attendu.

Elle est donc essentiellementpratique : elle vise à permettre à l'homme de survivre.

Beaucoup de philosophes reconnaissent d'ailleurs quel'intelligence technique a été pour l'homme ce qui lui permet de s'en sortir dans une nature hostile.

Ainsi, le mythe deProméthée repris par Platon dans Protagoras voit dans l'intelligence technique une offrande faite à l'homme pour contrecarrer son dénuement.

Avant que les espèces vivantes existent, les dieux donnent à Epiméthée la tâche derépartir les qualités et les attributs aux différentes espèces.

Epiméthée se met au travail et répartit les poils, lesgriffes, etc… aux différents animaux.

Mais arrivé à l'espèce humaine, il se rend compte qu'il ne lui reste plus rien pourl'espèce humaine.

Son frère Prométhée arrive et tente de réparer cette erreur, il vole donc à Héphaïstos le feu etl'intelligence technique.

C'est grâce à elle que l'homme peut assurer sa sécurité, sa nourriture et c'est bien latechnique qui est à la base de l'existence humaine.Pour Begrson, l'intelligence est une conséquence de l'évolution humaine.

Il reprend le thème de Schopenhauer etvoit la naissance de l'intelligence comme une évolution nécessaire.

L'intelligence est donc issue de la vie elle-même.C'est parce que les besoins de l'homme sont plus complexes que ceux des animaux que l'intelligence apparaît pourdiriger ses actions en fonction de motifs.

Bergson reprend les thèses des biologistes et des scientifiques de sonépoque et voit dans l'intelligence une capacité d'adaptation, non pas individuelle mais universelle.- Mais cela a des conséquences sur les facultés même de l'intelligence humaine.

De fait de son objectif pratique,Bergson nous dit qu'elle n'est absolument pas faite pour la connaissance théorique.

La philosophie se donne commemission de connaître les choses dans leur essence.

L'essence désigne ce que sont les choses dans leursprofondeurs, leur réalité profonde.

Pourtant, Bergson nous dit que pour que l'intelligence accomplisse son rôlefondamental pratique, elle doit se consacrer sur les relations des choses entre elles.La fonction de l'intelligence est bien de rendre perceptibles des choses dans une optique essentiellement pratique,mais elle demeure incapable de saisir le mouvement dans son accomplissement, l'acte de voir dans son jaillissement.L'intelligence reflète la surface des choses, elle ne touche jamais leur essence. L'intelligence est pour Bergson la capacité de maîtriser le monde qui confère à l'action son efficacité.

C'est elle qui nous rend maître et possesseur dela Nature", selon la formule de Descartes.

Mais nous payons aussi la rançon de cette supériorité.

Notre intelligence. »

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