Bergson et le langage
Publié le 08/05/2005
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d'autres termes, que l'information n'est qu'une forme particulière de la prescription, de l'ordre donné.
Pourquoi ? Laraison est simple : l'information est un ordre à retardement.
De toutes façons, on décrit pour faire agir ; mais ladescription ne fait pas agir dans l'instant : elle fera agir dans le futur.
Prescription et description ne diffèrent donc,selon Bergson, que par la durée de l'intervalle qui sépare l'énoncé de l'ordre et l'accomplissement de l'actionordonnée.
L'ordre fait agir dans le présent, la description dans le futur.
C.
La fonction primitive du langage n'est pas d'enseignerQuel que soit le type d'énoncé dont il est question (ordre ou description), le langage est toujours une incitation àl'action.
Son utilité principale n'est pas d'enseigner ; et s'il enseigne, c'est parce que l'information transmise estsusceptible de servir pour l'action.L'auteur s'oppose ici à toute une tradition philosophique définissant le langage comme instrument d'enseignement(ainsi Platon et Aristote).
Bergson ne nie absolument pas l'existence de cette fonction dans le langage ; il affirmesimplement qu'elle est secondaire par rapport à l'instrument d'action.
Mais quel type d'action le langage permet-il ?Quelle sorte d'ordre permet-il de transmettre ? C'est ce que Bergson examine dans un deuxième temps.
2.
Les arguments de Bergson : le langage né de l'action
Il établit en effet deux arguments en faveur de sa première thèse.
Le premier insiste sur la fonction sociale dulangage ; le second fait apparaître les liens du langage et de l'action : celui-ci, comme nous le verrons, signalemoins des objets que des actions.
A.
Fonction sociale du langageLe langage est un instrument d'action, parce que sa fonction est toujours « sociale » : c'est ce qu'affirme Bergsondans un premier temps.
Mais que veut-il dire par là ? Il ne veut pas dire que tout langage implique une collectivitéhumaine : cette idée est une évidence déduite de la définition même du langage.
Il veut dire que le langage est unoutil au service des activités sociales de l'homme : production industrielle, commerce et guerre.
Commentcomprendre cette idée de Bergson ?Chaque activité humaine possède un langage, un vocabulaire spécifique : vocabulaire militaire, commercial,administratif ou technique.
Ce vocabulaire permet l'exercice même de cette activité, au sens où il permet auxhommes de coopérer, d'accomplir leurs tâches en se les signalant mutuellement.
De cette façon, le langage est lacondition pour que l'homme puisse agir au sein de la société : il est condition du travail.
Mais Bergson, comme nousallons le voir, va plus loin et établit un lien plus intime encore entre travail humain et langage.
B.
Langage, perception, actionEn effet, il affirme dans un deuxième argument l'étroite dépendance qui relie le langage, la perception et l'action (eta fortiori le travail).
Comment s'exprime cette dépendance, ce lien ? En premier lieu, la perception des choses semoule sur les exigences du travail humain : autrement dit, l'homme perçoit ce sur quoi il peut agir.
Ainsi l'auteuraffirme-t-il que la perception découpe et met en lumière les choses « en vue du travail humain » : l'activité humaineconstitue la finalité ultime de la perception et du langage.
L'homme agit et perçoit pour agir.
En second lieu, lelangage vient s'insérer entre la perception et l'action.
Les choses qu'il signifie sont perçues en vue du travailhumain.
À l'origine, le langage signale donc des choses perçues pour l'action.
Il les socialise en les symbolisant pourla société tout entière, permettant par là même une activité collective.
Si bien que le domaine du langage recouvreexactement le domaine de l'activité humaine défini par la perception.
L'ensemble des choses signifiées par le langagerecouvre l'ensemble des actions que l'homme accomplit dans un cadre social.
C.
Les mots signifient des actionsUne conséquence importante en découle : nous parlons improprement en disant que le langage signifie des « choses».
Il signifie plutôt des actions, des actes à accomplir.
Bergson affirme en effet que les perceptions signifiées par lelangage « sont des appels de la chose à une activité humaine ».
Derrière cette formulation étrange, il faut sansdoute comprendre que les mots signifient des actions et non des choses.Bergson emploie d'ailleurs le terme de « signal » pour caractériser le langage.
Or, le propre d'un signal est dedéclencher une action (exemple : le feu vert déclenche l'acte de démarrer chez le conducteur).
On retrouve ici lesthèses développées en première partie : le langage est une incitation à l'action.
Mais nous savons à présentpourquoi : c'est parce que le langage signifie des actions à faire et non des choses.
Résumons : le langage est un instrument d'action dont l'utilité est essentiellement sociale ; il est formé à partir desperceptions et signifie des actions à faire plutôt que des choses.
Ces deux arguments peuvent se résumer en uneseule formule : le langage est né de l'action elle-même.
Nous allons à présent voir que la thèse de Bergson luipermet, dans un troisième temps, de résoudre le problème de la formation des idées générales.
3.
La formation des idées générales
A.
Les idées représentent des actionsL'auteur, dans la dernière phrase du texte, conclut un raisonnement qu'il semble avoir entamé avant le début dutexte — la première phrase commence en effet par le mot de liaison « Or », qui marque l'étape essentielle d'unraisonnement.
Que vise ce raisonnement d'après la conclusion du texte ? À expliquer l'origine des idées générales,leurs caractéristiques et leur formation.
Bergson emploie en effet des termes sans équivoque : il s'agit pour luid'expliquer dans quelles circonstances « notre esprit attribuera à des choses diverses la même propriété, se les.
»
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