BAUDELAIRE écrit dans son grand article sur Victor Hugo : Quand on se figure ce qu'était la poésie française avant qu'il apparût, et quel rajeunissement elle a subi depuis qu'il est venu, quand on imagine le peu qu'elle eût été s'il n'était pas venu, combien de sentiments mystérieux et profonds, qui ont été exprimés, seraient restés muets; combien d'intelligences il a accouchées, il est impossible de ne pas le considérer comme un de ces esprits rares et providentiels qui opèrent, dans
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
On vit, on parle, on a le ciel et les nuages Sur la tête...
Il joue de Toute la lyre pour exprimer toute la vie...
Exploration poétique.3.
Depuis les grands recueils de l'exil, les Contemplations et la première série de la Légende des siècles, que BAUDELAIRE peut connaître en 1861, HUGO n'est pas seulement le chantre des souffrances et des joies humaines.
Ilest le « mage » qui écoute ce que dit la Bouche d'ombre, il comprend l'âme qui est en toutes choses, la vie prodigieuse qui anime l'univers, du plus humble caillou jusqu'à Dieu.
La poésie philosophique n'est plus pour lui l'art demettre en vers des idées, comme pour VOLTAIRE, mais l'exploration des mystères qui nous entourent.
A unedémarche logique, HUGO substitue une démarche poétique sensible à l'influence métaphysique qui s'exhale de toutes choses.
Devant les énigmes de la vie et de l'univers, ce « contemplateur » éprouve la curiosité d'un Oedipe obsédé par d'innombrables sphinx.
Voilà pourquoi BAUDELAIRE juge qu'il a accouché les intelligences : il a le premier fait comprendre au poète la nature réelle et le sens profond de son art.
Transition : A dire vrai, nous serions plutôt tentés d'attribuer à BAUDELAIRE une semblable révolution.
II.
La présence baudelairienne
« Sorcellerie évocatoire ». BAUDELAIRE, en effet, a voulu créer un nouveau langage, cette sorcellerie évocatoire qui tente, comme la puissante rhétorique hugolienne, de créer la beauté par des procédés envoûtants, le refrain (« l'Invitation au voyage », « Maesta et errabunda »), l'allitération, la rime riche : lecélèbre « pantoum » « Harmonie du soir » est à cet égard la pièce la plus remarquable des Fleurs du mal.
1.
Lyrisme fraternel. Le lyrisme de BAUDELAIRE va aussi dans le sens d'un approfondissement et d'un élargissement des sentiments les plus simples.
La souffrance devant la banalité de l'existence, l'amour,l'attente de la mort sont saisis dans leurs contradictions les plus torturantes.
Il s'agit de révéler à lui-mêmel'hypocrite lecteur, le semblable, le frère.
Et, comme HUGO, à qui il dédie « le Cygne », BAUDELAIRE est sensible, dans les « Tableaux parisiens » et dans les « Petits Poèmes en prose », à la vie grouillante des êtresqui l'entourent, à cette ville qui semble souffrir du même mal que lui-même.
Le bain de foule est moins le regard de charité, parfois complaisant, jeté par Hugo dans une mansarde qu'une façon /e se retrouver soi-même.
2.
Sens du mystère. BAUDELAIRE jugeait que tout poète véritable doit être une incarnation.
HUGO est bien ce poète profondément incarné, ouvert à tous les appels de la terre, qu'il ressent pleinement.
Par une métaphorecontinuelle, le monde se peint en termes d'âme et l'âme en termes de monde : c'est, dans le prélude desChants du crépuscule, cette heure trouble d'un coeur meurtri et désabusé, dans la brume du jour finissant, où tout est glauque, où tout est morne, où tout est oppressant, où tout est ambigu :
3.
C'est peut-être le soir qu'on prend pour une aurore?
Le « sens du mystère » qu'apportait HUGO en poésie est cette intimité souvent inquiétante de l'homme et du mondequ'analyse BAUDELAIRE dans « le Confiteor de l'artiste » : Toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles.
Mais BAUDELAIRE en reste à la saisie d'un mystère que, même dans
« Correspondances », sa poésie capte avec un raffinement toujours plus grand.
HUGO, lui, abolit le mystère par larévélation; il n'attend plus, il vaticine : le monde devient voix, mais ne fait entendre que la voix du « mage ».
Lapoésie n'est pas seulement l'expression du contact original avec la réalité vraie, de l'intime qui existe dans tout, mais un pas dans un autre monde.
Transition : Si BAUDELAIRE passe pour le grand initiateur de la poésie moderne, il le doit assurément à l'acuité de son génie.
Mais ne faut-il pas reconnaître à Victor HUGO un rôle, peut-être plus diffus, mais non moins réel dans ledéveloppement ultérieur de l'exploration poétique?
III.
Hugo et la poésie moderne
Liberté.
HUGO présente tant d'aspects divers que chacun d'eux peut apparaître comme le point de départ d'une école nouvelle : il existe un HUGO parnassien, épris de formes et de rythmes, un HUGO unanimiste, unHUGO fantaisiste, un HUGO symboliste, un HUGO préverlainien.
Il y a même, pourquoi pas, un HUGO surréaliste.Le jeu des influences serait facile et vain.
Mais il est bien certain que, par l'oeuvre de libération du langage qu'ila accomplie, le chef du Cénacle a donné le signal de la liberté poétique.
En ce sens, le mouvement auquel il adonné naissance se continue encore sous nos yeux.
1.
2..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Paul Valéry écrit dans le Préambule pour le Catalogue
- Livrant ses réflexions sur Victor Hugo en 1861 dans un article important, Charles Baudelaire écrit : «L'excessif, l'immense sont le domaine naturel de Victor Hugo ; il s'y meut comme dans son atmosphère natale.» À la lumière de votre lecture des Châtiments, vous commenterez cette appréciation.
- Victor Hugo, a voulu être, par son œuvre, « L'écho sonore » de son temps; au contraire Stéphane Mallarmé écrit, en 1862, dans la Revue de l'Artiste : « Toute chose sacrée et qui veut demeurer sacrée s'enveloppe de mystère. Les religions se retranchent à l'abri d'arcanes dévoilés au seul prédestiné : l'art a les siens... J'ai souvent demandé pourquoi ce caractère nécessaire a été refusé à un seul art, au plus grand. Je parle de la Poésie... » Expliquez et illustrez ces deux conceptions
- Madame de Staël écrit on 1800 dans De la Littérature (Première Partie, chap. 11 ) : « Ce que l'homme a fait de plus grand, il le doit au sentiment douloureux de l'incomplet de sa destinée. Les esprits médiocres sont, en général, assez satisfaits de la vie commune: ils arrondissent, pour ainsi dire, leur existence, et suppléent a ce qui peut leur manquer encore par les illusions de la vanité: mais le sublime de l'esprit, des sentiments et des actions doit son essor au besoin d'échapper
- Victor Hugo a écrit : « Améliorer la vie matérielle, c'est améliorer la vie morale ; faites les hommes heureux, vous les faites meilleurs ». Quelles réflexions vous suggèrent ces paroles de ce grand écrivain du XIXe siècle.