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Baudelaire affirmait en 1859 : « Je crois que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature ». Au contraire, un critique de la Revue des Deux Mondes déclarait, quelques années plus tard : « L'art est dans le choix, dans l'interprétation des éléments qui lui sont offerts, nullement dans la copie littérale de tel ou tel détail indifférent ou repoussant ». Quel est de ces points de vue celui qui vous paraît le plus juste ?

Publié le 30/10/2009

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baudelaire

C'est traditionnellement à l'auteur de la Poétique et de l'Organon que l'on fait remonter la première mise en forme de cette idée simpliste : que l'art se bornerait à être une image du réel. Aristote, aurait dit que l'art était la copie de la réalité, construit à la ressemblance de la vie, à l'instar du quotidien : « Je crois, note Baudelaire, en écho, vingt-trois siècles après (1859), que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature «. C'est là une idée familière, plus que banale : vulgarisée à l'extrême. Sous la plume de Brunetière ou de Faguet, elle ferait hausser les épaules. Mais ce n'est point un critique ou un esthéticien de profession qui la formule. Il s'agit d'un créateur, d'un amateur de paradoxes et d'un fervent de curiosités esthétiques, ce qui nous porte aussitôt à attacher infiniment plus de poids à cette formule. Il ne sera point question ici de l'œuvre de Baudelaire. Mais il n'est pas indifférent que ce soit celui d'entre nos poètes qui a toujours été de beaucoup le moins naturel qui précisément écrive ce plaidoyer pro natura.

Il y a dans cette confidence ironique ou auto-critique une sorte de paradoxe sur le créateur qui apparaît en filigrane. C'est celui-là même que nous aurons à éclairer, à faire jaillir de son ombre, de son indétermination. Dans une première perspective, nous chercherons à expliquer le texte et la pensée de Baudelaire. Puis nous passerons au crible de l'esthétique cette formule de bon sens si peu élaborée. Enfin l'on se demandera si l'on ne peut vraiment pas chercher à comprendre l'art d'une autre façon : bien plus, si Baudelaire lui-même ne se faisait pas, en dernière analyse, une toute autre idée de l'art en général et de son art en particulier. Car enfin rien ne justifie dans son œuvre un point de vue aussi primaire sur son œuvre.

baudelaire

« 2.

L'art est créateur Producteur, et non consommateur, l'art est actif et non point statique ou contemplatif.

Même l'auditeur le pluspassif, même l'amateur le plus inerte participent dynamiquement à leur extase, dans la stricte mesure où ilsressentent un émoi interne qui se traduit par une puissance décuplée ; « la principale règle de l'invention, disaitAlain, c'est que l'on invente rien qu'en travaillant » : artisan d'abord ! Mais précisément il n'est d'art que dans unecertaine activité, si minime soit-elle.

L'œil n'est pas artiste, qui reçoit l'impression des objets : mais l'esprit l'est déjà,qui sait interpréter les images. 3.

« L'art, imitation de la vie ? » « Mais aucun art n 'a jamais fait cela ! La tragédie classique en est aussi éloignée que possible, le drame de Hugoégalement », dit Paul Claudel.

L'on ne pourrait expliquer aucune grande œuvre par l'imitation de la descriptionlittérale : pas même la Pastorale pas même le Bœuf écorché, pas même la Charogne et surtout pas les célèbressonnets retranchés par Pinard, l'illustre procureur impérial qui devait condamner Flaubert et Baudelaire.

Car entre lanature et l'art, il y aura toujours cette différence qui seule porte la marque de la main de l'homme : le style.

« L'Art,dit André Malraux, est ce par quoi les formes deviennent style ». III.

L'ART FORCE DE LA NATURE 1.

L'art est au-dessus de la nature Si les grandes œuvres ne subsistent — nous dit Balzac — que par leur côté passionné, l'art n'est vrai que s'il estfortifié par la pensée qui l'alimente.

L'art n'est au fond ni pour ni contre la nature : il est au-dessus d'elle. 2.

L'art est plus qu'une simple copie du réel L'art ne saurait donc être que « trans-naturel », ou, pour mieux dire, transfiguratif.

L'art le plus réaliste, commepouvait être le théâtre libre au temps où, pour faire plus vrai, Antoine obligeait ses comédiens à tourner le dos aupublic, ou les romans de Zola, des Goncourt ou de Lucien Descaves, pour ne rien dire du roman d'aujourd'hui —comporte toujours une part de fabrication, de récréation personnelle.

La célèbre Tranche de vie a toujours été uneillusion.

Ecoutons plutôt Giraudoux, lorsqu'il nous dit : « C'était joli, le théâtre libre ! On disait il est cinq heures, et il y avait une vraie pendule qui sonnait cinq heures.

Laliberté d'une pendule, ça n'est quand même pas ça. — Si la pendule sonne cent deux heures, ça commence à être du théâtre — A huit ans, on a mené mon père auGymnase.

Il y avait sur la scène un vrai piano.

Il a hurlé de déception et on a dû le sortir du théâtre.

Il n 'y estjamais retourné » (Impromptu de Paris, Scène I, pp.

20-21, Paris, 1937, Grasset). L'illusion d'un art copie du réel est aussi haïssable que l'art féerique symboliste ou surréaliste.

Ces tentativesn'aboutissent qu'à un faux-art, et non à des beaux-arts. 3.

L'art baudelairien L'art baudelairien illustre concrètement et profondément — mais à rebours, le mot de son auteur.

Il y a dans l'œuvrede Baudelaire une absence totale d'outrance et d'imitation servile : si la poésie est naturelle, elle n'est pas unesymbolisation excessive du réel. Mais, comme dit Valéry « Il poursuit et rejoint presque toujours la production du charme continu, qualitéinappréciable et comme transcendante de certains poèmes — mais qualité qui se rencontre peu, et ce peu rarementpur dans l'œuvre immense de Victor Hugo » (Situation de Baudelaire, Variété, II, page 151).

Cf.

certains poèmescomme l'Albatros, Hymne à la Beauté, la Musique, l'Idéal... « Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes les choses belles Mes yeux, mes largesyeux aux clartés éternelles.

» Ainsi la méthode baudelairienne consiste-t-elle essentiellement à dépasser par un charme, une merveilleuse magie,par un procédé plus surnaturel ou incantatoire que purement humain — le niveau de la simple réalité.

Le propre del'art est dans cette évasion hors de la vie, dans cette abductio mentis a sensibus. CONCLUSION REDIGEE La confirmation de cette formule reviendrait à la condamnation de toute l'œuvre de Baudelaire.

Mais en ce débatancien, la vérité est dans le Platonisme et contre Aristote.

L'art n'est point immanent, mais transcendant à lanature.

L'art ne saurait être donné comme une reproduction exacte de la nature, car le cliché photographique seraitplus beau qu'un Watteau ou un Rembrandt.

Si, « Le Beau, c'est, ô mortels, le Vrai plus ressemblant ! » ce n'est pas à dire que la nature soit imitée.

En fait l'imitation apparaît beaucoup ce n'est pas à dire que la nature. »

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