Baruch SPINOZA: Paix et Concorde
Publié le 17/04/2009
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Évoquant une opinion couramment admise et reposant en apparence sur l'expérience, Spinoza entreprend de la réfuter. La paix, assimilée au maintien de l'ordre, supposerait un pouvoir fort et concentré — voir dictatorial. En fait, la paix ainsi obtenue ou maintenue n'est que servitude. Elle ne peut être vraiment sûre et durable, au contraire, que si elle repose sur une entente effective entre citoyens (« concorde «). Spinoza explicite ici, pour les critiquer, les présupposés d'une certaine conception du pouvoir et de sa justification. Ce qui est dit de toute communauté politique vaut ainsi pour tout groupe humain, comme le montrent l'analogie entre famille et cité, et les exemples historiques invoqués. La dernière phrase du texte, en proposant une conception positive de la paix (définie comme « union « effective et pas seulement comme « absence de guerre «), parachève la critique de l'opinion commune évoquée au début.
DIRECTIONS DE RECHERCHE • Qu'est-ce qui fait que l'expérience paraît enseigner que dans l'intérêt de la paix et de la concorde, il convient que tout le pouvoir appartienne à un seul ? • Quels sont les faits qui, selon Spinoza, font apparaître cette apparence pour une apparence ? • La comparaison entre l'État et la Famille, et plus précisément entre parents et enfants d'une part et maîtres et esclaves d'autre part vous paraît-elle justifiée ? Si oui, en quoi précisément ? • Qu'est-ce qui, selon Spinoza, « demande que tout le pouvoir soit aux mains d'un seul « ? • Qu'est-ce donc que la paix (et la guerre) pour Spinoza ? N'aboutit-on pas à un résultat paradoxal ? • Que pensez-vous de l'argumentation et de la thèse de Spinoza ?
«
On sait que le second critère a retenu l'attention de Machiavel, qui, selon le mot de Rousseau, « feignait de donnerdes leçons aux Princes », c'est-à-dire, surtout, explicitait dans ses textes la logique de l'autorité politique lorsqu'ellese propose pour fin de durer, de se maintenir.
Ainsi, pour venir à bout de ses adversaires, le Prince doit savoircombiner la « ruse du renard » et la « force du lion » (voir Le Prince), donner sa parole et ne pas la tenir, paraîtrevertueux et magnanime, etc.
Les considérations de stricte efficacité dans la conquête et la conservation du pouvoirlaissent posée la question de la finalité de celui-ci, de sa fonction humaine et sociale.À ce niveau de réflexion, il semble difficile de désolidariser la question politique de la question sociale, puisque cettedernière constitue le référent nécessaire lorsqu'on veut statuer sur les enjeux du pouvoir, sur sa finalité effective.Rousseau affirmait qu'avant même de se donner un roi ou un gouvernant, un peuple se constitue en tant quepeuple, c'est-à-dire en tant que communauté dont les règles de fonctionnement et les engagements réciproquesdoivent préexister à l'acte de délégation politique.
La question de l'ordre et de la paix renvoie donc aux rapportssociaux qui existent entre les hommes, situés dans leurs activités respectives.
La concorde réelle dont parle Spinozasemble difficilement réalisable si les différenciations de fortune et de condition sont telles qu'elles impliquent desoppositions irréductibles d'intérêts.
Si, malgré tout, un pouvoir, sous prétexte de maintenir l'ordre, défend par tousles moyens en sa possession les rapports de forces existants, il y a usurpation — et l'on sait que Rousseau, dans lelivre I du Contrat social, proclame le droit de révolte.
Dans l'hypothèse d'une telle révolte, la liaison initialedictature-paix vole en éclat.
Ce qui relativise singulièrement les arguments de fait auxquels Spinoza opposait sonpoint de vue.Une dernière remarque permettrait d'ouvrir la réflexion engagée sur le problème de la nécessité d'un pouvoir d'État,chargé de la régulation politique du groupe.
On peut se demander, en fin de compte, si l'établissement d'uneconcorde réelle entre les membres du groupe n'implique pas la disparition des différenciations d'intérêts quiengendrent oppositions et affrontements.
Marx notait le caractère quelque peu fictif et mystificateur de l'unitéprétendue d'un groupe divisé en classes sociales antagonistes.
La fin de la lutte des classes et l'établissement d'uneauthentique communauté d'intérêts ne rendraient-ils pas tout simplement inutile la fonction politique de l'État, nelaissant subsister que la nécessité d'une régulation « administrative » (coordination économique) ? Dans une tellehypothèse, le problème posé par Spinoza se trouverait complètement transformé dans ses termes — la concordeeffective des citoyens rendant même inutile le recours à un pouvoir d'État.
SPINOZA (Baruch). Né à Amsterdam en 1632, mort à La Haye en 1677. Il apprit l'hébreu, le latin, le français dans les écoles juives et latines, et travailla dans la maison de commercefamiliale.
Accusé d' « effroyables hérésies », Spinoza échappa de peu à un assassinat en 1656, et fut excommuniéde la synagogue la même année.
Il apprit la taille des instruments d'optique, vendit des verres télescopes pourvivre, et s'initia à la philosophie de Descartes.
Il constitua un cercle d'études près de Leyde, travailla intensémentde 1663 à 1670, et acquit une réputation considérable.
En 1670, il s'installa à La Haye, partageant sa vie entre laméditation philosophique et la taille des verres pour microscopes.
Il fut chargé en 1673 d'une mission secrète auprèsdu prince de Condé et du maréchal de Luxembourg.
Sa position devint ensuite de plus en plus difficile.
Il se rendit àAmsterdam, mais renonça à s'y établir.
En 1676, il reçut de nombreuses visites de Leibniz, qui niera plus tard l'avoirrencontré.
Malade, il mit de l'ordre dans ses manuscrits, en brûla peut-être.
Il mourut paisiblement et fut enterrédans la fosse commune.
Un don anonyme permit la publication intégrale (le ses manuscrits.
— Il professa un grandlibéralisme en politique et se montra rationaliste dans les questions religieuses.
Malgré un certain nombre d'ouvrages,on peut dire que Spinoza fut l'homme d'un seul livre : l'Ethique.
Le caractère géométrique de ce livre permet dedéfinir la pensée métaphysique de Spinoza à l'aide de ses propres définitions : « Par cause de soi, j entends ce dontl'essence enveloppe l'existence, autrement dit ce dont la nature ne peut être conçue qu'existante.
— Parsubstance, j'entends ce qui est eu soi et est conçu par soi, c'est-à-dire ce dont.
le concept n'a pas besoin duconcept d'une autre chose pour être formé.
— Par attribut, j'entends ce que l'entendement perçoit de la substancecomme constituant son essence.
— Par mode, j'entends les affections de la substance, autrement dit ce qui est enautre chose, par quoi il est aussi conçu.
— Par Dieu, j'entends un être absolument infini, c'est-à-dire une substanceconsistant en une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.
— Est dite libre la chosequi existe d'après la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir.
— Par éternité, j'entendsl'existence elle-même, en tant qu'elle est conçue comme suivant nécessairement de la seule définition d'une choseéternelle.
— D'une cause déterminée donnée, suit nécessairement un effet.
— Par corps, j'entends un mode quiexprime, d'une façon définie et déterminée, l'essence de Dieu en tant qu'elle est considérée comme chose étendue.— Par idée, j'entends un concept de l'esprit que l'esprit forme parce qu'il est une chose pensante.
— La durée est lacontinuité indéfinie d'existence.
— Par réalité et perfection, j'entends la même chose.
— Par sentiments, j'entendsles affections du corps par lesquelles la puissance d'agir de ce corps est augmentée ou diminuée, aidée oucontenue, et en même temps les idées de ces affections.
— Par bon, j'entendrai ce que nous savons avec certitudenous être utile.
— Par mauvais, au contraire, ce que nous savons avec certitude empêcher que nous ne possédionsquelque bien.
— Par fin, pour laquelle nous faisons quelque chose, j'entends l'appétit.
— Par vertu et puissance,j'entends la même chose, c'est-à-dire que la vertu, en tant qu'elle se rapporte à l'homme, est l'essence même de.
»
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