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Baruch SPINOZA: On pense que l'esclave est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir.

Publié le 11/04/2005

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spinoza
On pense que l'esclave est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage et la liberté n'est qu'à celui qui, de son entier consentement, vit sous la seule conduite de la Raison. Quant à l'action par commandement, c'est à dire à l'obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur le champ un esclave, c'est la raison déterminante de l'action qui le fait ; si la fin de l'action n'est pas l'utilité de l'agent lui-même, mais de celui qui commande, alors l'agent est un esclave ; inutile à lui-même ; au contraire, dans un État et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave, inutile en tout à lui-même, mais un sujet. Ainsi, cet État est le plus libre, dont les lois sont fondées en droite Raison, car dans cet État, chacun, dès qu'il le veut, peut être libre, c'est à dire vivre, de son entier consentement sous la conduite de la Raison. Baruch SPINOZA

La liberté n'existe réellement que dans un ensemble social organisé par la raison, ensemble dont le but est le bien de tous : telle est l'idée directrice de ce texte, dans lequel Spinoza nous rappelle d'une part que rien de bien ne peut se faire sans le secours de la raison et, d'autre part, que seul un État rationnel est le véritable support de la liberté individuelle. Spinoza rejoint ici les thèses qui seront celles de Rousseau, en nous montrant qu'obéir aux lois, c'est être véritablement libre. Pour être bien compris, ce texte exige une analyse minutieuse des termes et expressions essentiels, qui sont très nombreux. Vous y trouverez beaucoup d'arguments qui vous permettront de construire le développement exigé par la dernière question. Quant aux articulations du texte, elles sont ici particulièrement simples, puisqu'elles correspondent aux quatre phrases qui le composent. Vous vous attacherez à une des idées majeures du texte: celui qui est esclave de son plaisir vit dans le pire des esclavage

spinoza

« L'auteur énonce d'emblée l'opinion commune qu'il a pour objectif de corriger.

" On pense que l'esclave est celui quiagit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir." Ainsi que l'indique l'expression " onpense ", Spinoza ne propose pas ici "sa" définition de l'esclavage et de la liberté, mais expose la définition communede ces deux choses.

Aussi pouvons-nous déjà anticiper sur la suite de son propos : il s'agira pour lui de critiquer cesdéfinitions, critiquer, c'est-à-dire au sens strict séparer, distinguer ce qui dans ces définitions a de la valeur de cequi n'en a pas.

L'opinion commune se représente et distingue l'esclavage et la liberté d'un point de vue social : selonelle, l'esclave est celui qui obéit à un autre, tandis que l'homme libre est celui qui n'obéissant à personne peut fairece qu'il veut, comme on dit.

A savoir : agir à sa guise, n'écouter que lui-même, et par là, jouir sans entraveextérieure de tout ce qui s'offre à lui.

Ces définitions ne manquent ni de vraisemblance, ni de cohérencepuisqu'effectivement celui qui est soumis à un autre n'est pas libre de faire ce que bon lui semble, tandis que celuiqui ne dépend de personne en a le loisir.

Il faut noter en outre d'une part qu'une telle définition de l'homme libren'exclut pas qu'il puisse exercer un pouvoir sur d'autres, et surtout, d'autre part qu'ainsi compris, l'esclavagerecouvre un très grand nombre de relations humaines : au-delà de la relation bien connue entre un maître et unesclave, il se retrouverait partout où sous une forme quelconque il existe un pouvoir, une autorité, une hiérarchiepar lesquels un être agit sous le commandement d'un autre.

En d'autres termes, l'opinion fait consister la libertédans l'indépendance sociale et l'esclavage dans la dépendance, la soumission, l'obéissance. " Cela cependant n'est pas absolument vrai ".

Sans nier que ces définitions comprennent quelque chose d'exact,Spinoza entame sa critique en contestant leur caractère absolument exact.

Cela signifie qu'il va les nuancer et lescompléter, et ce, en deux temps distincts, chacun étant consacré à une des deux réalités en question. L'homme libre n'est pas vraiment celui qui agit selon son bon plaisir, " car en réalité être captif de son plaisir etincapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage ".

Cet argument de Spinozaconsiste non pas tant à nier comme telle la définition commune de l'homme libre, mais à changer de point de vue :ce n'est pas du point de vue social qu'il se situe, mais du point de vue psychologique.

Reprenant les termes mêmesde cette définition, il montre que ce que l'on tient pour de la liberté du point de vue des relations avec les autresest une forme d'esclavage du point de vue de la relation à soi-même.

Pourquoi ? Parce que celui qui n'agit que selonson bon plaisir, n'agit, n'entreprend quelque chose que s'il espère en tirer un plaisir.

Le seul mobile de ses actionsest donc la satisfaction de ses désirs.

Or, ce souci exclusif pour le plaisir l'aveugle et le rend inapte à agir non pasen vue de son plaisir, mais en vue de ce qui lui est utile.

Non que le plaisir soit en lui-même inutile, puisque Spinozaparle de ce qui est "vraiment" utile, signifiant par là que le plaisir, sans être absolument inutile, n'est pas vraimentutile, c'est-à-dire toujours et absolument, donc qu'il ne peut pas l'être lorsqu'il est le seul mobile de l'action.

Ce quisignifie donc que le plaisir et l'utilité peuvent s'opposer de telle sorte que le plaisir devienne nuisible, en lui-même parses excès et par ce qu'il empêche d'accomplir par ailleurs.

N'avoir que le plaisir en vue, c'est s'enfermer dansl'immédiateté, au mépris de mon avenir, du fait que mon existence ne se joue pas toute entière dans l'instant.

Et, eneffet, on peut assez aisément constater que cette attitude est souvent contraire à mes intérêts futurs,socialement, intellectuellement, affectivement, moralement... Mais une fois établi que faire toujours ce qui nous plaît n'est pas vraiment utile, pourquoi Spinoza dit-il qu'il s'agit làdu "pire des esclavages" ? L'esclavage ne désigne-t-il pas une relation entre un homme et un autre ? Certes, maisdu point de vue non pas social, mais psychologique, on retrouve dans la relation à soi de celui qui n'agit qu'en vuede son plaisir, la relation qui existe entre un maître et son esclave : le plaisir est le maître de celui qui n'agit qu'envue d'en éprouver, et non pour lui-même, c'est-à-dire en vue de ses intérêts.

Le souci exclusif du plaisir nousasservit, nous fait obéir à quelque chose qui certes est en nous (lee désir, l'attrait du plaisir), mais qui n'est ni toutce que nous sommes, ni ce qui est toujours le plus digne d'être suivi.

Ce qui signifie que l'esclavage ne consiste pasen l'obéissance à quelqu'un d'autre, mais à quelque point de vue que l'on se place, il est le fait d'agir par contrainteen étant inutile à soi-même, définition que l'on retrouvera plus tard dans le texte.

Ce qui signifie aussi que ladéfinition donnée par l'opinion de l'homme libre est fausse, illusoire et dangereuse. Mais alors, en quoi consiste la liberté si on ne la trouve pas chez celui qui n'agit que selon son bon plaisir ? " laliberté n'est qu'a celui qui de son entier consentement vit sous la conduite de la Raison." Situant toujours sonpropos dans une perspective psychologique, Spinoza fait consister la liberté dans la soumission à la raison.Affirmation paradoxale à première vue puisque la liberté est définie par une soumission.

Mais en quoi consiste laraison ? D'abord dans la faculté de juger et de raisonner, d'articuler entre eux des concepts et des propositions.Quels rapports y a-t-il entre cette faculté et la liberté? En quelque sorte, elle nous rend la vue dont l'attrait duplaisir nous avait privé : elle permet de sortir de l'immédiateté, de déterminer ce qui nous est utile, de saisir quelsseront pour nous-mêmes et pour les autres les conséquences de nos actes, elle permet de délibérer en nous-mêmesavant d'agir.

A ce titre, elle nous permet effectivement d'échapper à l'esclavage en rendant possible des actions quinous seront utiles, qui seront conformes à nos intérêts.

Mais la raison n'est pas seulement cette faculté, on laconçoit aussi comme la source de certains principes moraux auxquels nous devons nous conformer dans l'action, sinous voulons rester raisonnables, comme on dit.

A ce titre, elle peut être considérée comme la faculté qui déterminele juste, le sage, le bon et donc comme un guide de l'action grâce auquel nous pourrons opposer au mobile du bonplaisir des mobiles à la fois rationnels et moraux. Mais Spinoza précise qu'il ne suffit pas de se soumettre à la raison pour être libre, encore faut-il le faire en yconsentant pleinement.

Pourquoi ? Parce qu'à défaut de ce consentement, de ce profond accord de la volonté avecce que la raison prescrit, s'instaurerait un rapport de domination de la raison sur l'ensemble de ma personne qui sansconstituer un esclavage à proprement parler m'entraverait, serait vécu comme un carcan enfermant ma spontanéité.A l'inverse, si j'adhère réellement à ce que la raison prescrit, si je m'en remets à elle pour conduire mon existence,. »

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