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Baruch SPINOZA: cette chose est libre et agit par la seule necessite de sa nature

Publié le 11/04/2005

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spinoza
Pour ma part, je dis que cette chose est libre et agit par la seule nécessité de sa nature, et contrainte cette chose qui est déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise et déterminée. Dieu, par exemple, existe librement (quoique nécessairement) parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature. De même encore, Dieu connaît soi-même et toutes choses en toute liberté, parce qu'il découle de la seule nécessité de sa nature qu'il comprenne toutes choses. Vous voyez donc que je ne situe pas la liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité. Mais venons-en aux choses créées qui, toutes, sont déterminées à exister et à agir selon une manière précise et déterminée. Pour le comprendre clairement, prenons un exemple très simple. Une pierre reçoit d'une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l'arrêt de l'impulsion externe. Cette permanence de la pierre dans son mouvement est une contrainte, non pas parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion de causes externes, et ce qui est vrai de la pierre l'est aussi de tout objet singulier, quelle qu'en soit la complexité et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en effet, est nécessairement déterminé par quelque cause extérieure à exister et à agir selon une loi précise et déterminée. Concevez maintenant, si vous le voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, sache, et pense qu'elle fait tout l'effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu'elle n'est consciente que de son effort, et qu'elle n'est pas indifférente, croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu'elle le désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. C'est ainsi qu'un enfant croit désirer librement le lait, et un jeune garçon irrité vouloir se venger s'il est irrité, mais fuir s'il est craintif. Un ivrogne croit dire par décision libre ce qu'ensuite il aurait voulu taire. De même un dément, un bavard et de nombreux cas de ce genre croient agir par une libre décision de leur esprit et non pas portés par une impulsion. Et comme ce préjugé est inné en tous les hommes, ils ne s'en libèrent pas facilement. Baruch SPINOZA

Spinoza commence par poser une définition de la liberté. La liberté, c'est la nécessité. La nécessité s'oppose à la contingence, c'est-à-dire au caractère d'une chose qui aurait pu ne pas être. Il n'y a pas, pour Spinoza, de contingence, y compris en Dieu. Le monde crée par Dieu existe nécessairement et ne résulte pas d'un libre décret divin. Mais en Dieu, la liberté est parfaite : il existe et agit par la seule nécessité de sa nature. La véritable opposition est celle qui oppose non pas liberté et nécessité, mais nécessité interne et nécessité externe. En tant que parties de la nature, les « choses créées « sont soumises à la nécessité externe, au niveau de l'existence, bien sûr, puisqu'elles sont créées, mais aussi au niveau de l'action, puisqu'elles sont déterminées à agir par des causes extérieures à elles. La pierre continue de rouler non par elle-même, mais en vertu du principe d'inertie. Cet exemple montre bien que le modèle de nécessité dont parle Spinoza est celui de la mécanique classique. La nécessité ici est celle des lois de la nature, et non celle d'une puissance arbitraire, ou du destin. L'ordre et la connexion des choses est «précis et déterminé«. La croyance à la liberté - au sens de libre-arbitre- est une illusion, qui résulte elle-même d'une cause : l'ignorance de ce qui nous détermine. Cette illusion est mortifère, puisqu'elle conduit au regret et au repentir, sentiments qui signent notre impuissance, bien plus qu'ils ne signalent une prétendue puissance de choisir le mal contre le bien.

 

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