Avons-nous le devoir de faire le bonheur des autres ?
Publié le 21/03/2005
Extrait du document
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particulièrement la philosophie épicurienne.
Pour Epicure, le bonheur a avant tout un sens empirique : on le ressentavant de le concevoir.
Autrement dit on conçoit le bonheur sur la base de nos expériences corporelles etindividuelles : ainsi le bonheur, c'est avant tout le plaisir corporel ou le rejet du déplaisir de même ordre ( soit ladouleur physique ).
Le bonheur s'identifie alors à l'absence de troubles, à commencer par ceux du corps.
L'absencede troubles du corps permet à l'âme d'être dans l'ataraxie ( absence de troubles mentaux ).
On peut alors et on doitêtre heureux si l'on suit la loi rationnelle de la nature, c'est-à-dire si l'on se contente d'assouvir des désirs naturelset nécessaires.
Le bonheur est à portée de main de tous, réduit est-il à la simple satisfaction des besoinsélémentaires du corps.
Ce qui pourrait le rendre inaccessible, c'est une mauvaise estimation des besoins et uneconception fausse du plaisir.
On pourra évidemment s'interroger sur une conception aussi limitative du plaisir et du bonheur : les hommes n'enveulent-ils pas toujours davantage ? N'est-il pas inhérent à l'homme de dépasser toujours sa condition en ne secontentant pas de ce qu'il a ?
[ B) parce que ] Le bonheur ne doit être défendu que par notre propre volonté.
Le côté rationnel du désir peut, en soi, être éprouvant : si le bonheur est une affaire de froide raison individuelle,alors il n'est pas vraiment voulu, consenti.
Comment pourrions-nous alors éprouver un authentique et profondbonheur ? Notre volonté doit y souscrire, elle, la faculté maîtresse à pouvoir surpasser toutes les autres pour enprendre l'ascendance.
Il revient donc à elle de nous affirmer et de déterminer notre véritable bonheur, celui qui vientde nous et non d'une nature corporelle que chacun de nous n'a pas nécessairement voulu.
Ainsi le stoïcismerelativise le bonheur par rapport, certes à l'individu, mais aussi et avant tout par rapport à ce qu'Epictète reconnaîtcomme « ce qui nous appartient » et « ce qui ne nous appartient pas ».
Autrement dit, il faut pour chacun unejuste reconnaissance de « ce qui dépend de nous et de ce qui n'en dépend pas ».
Ce qui dépend de nous concerned'abord notre volonté, notre raison, notre désir...bref, tout ce qui est de l'ordre de notre esprit.
Ce qui ne dépendpas de nous concerne tout ce qui est extérieur à notre esprit, à commencer par notre corps, puis autrui, ou encorela fortune ou le sort.
[ Transition ] Le bonheur n'appartient qu'à soi ; le devoir de le chercher ne peut donc concerner que chacun de nous.
Mais, si on ne tient pas ou peu compte des conditions extérieures ( à commencer par autrui ) à notre volontépour accomplir notre bonheur, un esclave serait libre et heureux, engoncé dans ses enchaînes ?! Est-ce que cetteconception d'un bonheur « introverti » est réaliste ?
[ II) OUI ] Le bonheur est la fin d'un devoir collectif.
[ A) parce que ] Le bonheur individuel est logiquement limité.
Pour reprendre la conception du bonheur d'Epictète, celle-ci renvoie à une idée bien étrange de la liberté si elleconduit à prétendre qu'un esclave sera heureux s'il acquiesce à sa servitude, ou bien même qu'un homme soumis àla torture peut conserver une certaine sérénité.
Dans Les passions de l'âme, Descartes met en doute la sérénité des stoïciens à ne rien ressentir d'une flamme de bougie rapprochée de leurs corps.
Pour lui, cette prétention ne semblepas réaliste.
N'est pas non plus réaliste la recherche d'un bonheur accompli, d'un épanouissement absolu pour Aristote.
Ce seraitune véritable absurdité, pour lui, qui méconnaît la nature humaine : en effet, l'homme ne s'accomplit que grâce à laCité : il y est destiné à agir.
Il trouve ainsi son véritable bien absolu ( complet, parvenu : celui qu'Aristote lui-mêmeappelle le « Souverain Bien » ) dans le bien commun.
Car l'homme se sent homme et pleinement satisfait de l'êtreparmi les autres hommes : il désire donc accomplir des activités communes avec les autres, partager des pensées etdes lois communes avec eux.
L'homme est parvenu s'il est citoyen dans une démocratie qui permet de l'être.
Sondevoir ( notion moderne et non plus aristotélicienne : pour Aristote, le lien social est naturel, logique, rationnel ) decitoyen le pousse à collaborer aussi au bonheur d'autrui qu'il aurait en commun avec lui.
Mais peut-on avoir unbonheur commun ?
[ B) parce que ] Nous avons non seulement des droits mais aussi des devoirs de citoyens.
Le devoir de faire notre bonheur et non plus seulement le sien prend un sens alors politique.
Il semble que l'époque moderne etles Lumières ont voulu suivre et retrouver l'ordre politique d'Aristote.
Ainsi, lorsque Saint-Just affirmait : « le bonheurest une idée neuve en Europe », il entendait qu'il restait encore des obstacles économiques, sociaux et politiquesque les démocraties devaient lever pour en assurer la diffusion à travers le corps social.
Le bonheur devait être alorsgaranti par les démocraties qui plaçaient le devoir du citoyen au centre de cette garantie.
Mais devoir il y avait carle bonheur n'était pas possible dans un état de nature et non de droits sinon.
A l'état de nature, c'est le plus fortqui l'emporte et impose ainsi sa conception du bonheur sur le ou les plus faible(s).
Seul un état socio-politique peutgarantir les droits ou les libertés des individus en contrepartie d'un contrat et de devoirs de respect des lois de lapart des citoyens ayant contracté.
Sans Etat politique de droits et de garantie de ceux-ci en cas de non-respectdes lois que discutent chaque citoyen ( ou du moins est amené à en discuter en démocratie ), le bonheur dechacun, et finalement de tous, est fragile car non garanti justement.
La souscription aux devoirs de citoyens quefixe un contrat social de base devient la première garantie.
Se doter d'un Etat pour assurer cette garantie endevient la deuxième.
Ainsi c'est au nom du droit le plus fondamental ( le bonheur) que l'Etat américain a bâti saDéclaration d'Indépendance de 1776..
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