Avoir un certain savoir-faire suffit-il pour être artiste ?
Publié le 09/10/2011
Extrait du document
Introduction
Demander si l’on reconnaît l’artiste à son savoir-faire, c’est interroger la pertinence du savoir-faire comme critère de distinction d’un artiste et de l’art en général. On met parfois en avant le savoir-faire d’un artiste, un sens aigu de la couleur, ou une grande économie de moyens, comme caractéristiques permettant de reconnaître son travail. Mais quel est le sens de cette reconnaissance ? Il semble qu’elle soit double : le savoir-faire permettrait à la fois d’identifier et d’évaluer un artiste. Le savoir-faire est-il donc le critère essentiel de l’évaluation d’un artiste ? Si c’est le cas, ne faut-il pas en conclure que c’est ce même critère qui caractérise les beaux-arts en général ? En effet, si le savoir-faire permet de reconnaître l’artiste en tant qu’artiste, alors c’est qu’il intervient de manière essentielle dans la définition même de l’art. Or, la difficulté réside dans le fait que le savoir-faire apparaît également comme un critère d’évaluation de l’artisan ou du technicien. D’où le problème : comment distinguer les beaux-arts des productions techniques en général si leur critère d’évaluation est identique ? Il importe donc d’examiner et de penser le statut réel du savoir-faire dans l’art.
«
le critique ou l’historien d’art peuvent renseigner l’amateur sur les techniques employées par un artiste, mais cesrenseignements sont secondaires dans l’appréciation d’une oeuvre.
Si, pour Kant ( critique de la faculté de juger), lejugement esthétique tend vers l’universalité, on pourrait en dire de même de la reconnaissance de l’artiste : d’unepart parce qu’elle n’est pas limitée par la nécessité d’un savoir préalable, et d’autre part parce qu’en reconnaissantun artiste comme tel le sujet prétend donner à son jugement une extension universelle.
Autrement dit, lorsqu’« on »reconnaît un artiste comme tel, le « on » désigne tout sujet en tant qu’il prétend donner à son jugement une valeuruniverselle.Conclusion et transitionMais refuser le savoir-faire en tant que critère distinctif des beaux-arts, est-ce pour autant rejeter la nécessité dece savoir-faire ? Le savoir-faire apparaît comme une condition nécessaire mais non suffisante dans lareconnaissance d’un artiste.
3.
La reconnaissance du statut nécessaire du savoir-faireA.
Le savoir-faire est nécessaire à l’innovation et au développement des règles de productionLe savoir-faire, comme connaissance des règles de production, s’avère en effet nécessaire, ne serait-ce que pour «savoir défaire » ou transgresser ces règles.
Un cinéaste comme Godard, dans À bout de souffle, n’hésite pas àtransgresser la règle des raccords entre les plans pour dynamiser une séquence et retrouver une vérité derrière lavraisemblance organisée et réglée du cinéma qu’il voulait dépasser.
On reconnaît ici l’artiste à sa capacité àbousculer un savoirfaire parfois un peu sclérosé.
Il faut toutefois noter que cette transgression n’a d’intérêt que sielle a un sens dans l’oeuvre.
Il ne s’agit donc pas de refuser le savoir-faire comme tel, mais de ré-interroger sesrègles et leurs limites ; c’est pourquoi la connaissance de ce savoir-faire est un préalable nécessaire à satransgression.B.
La maîtrise technique est une condition nécessaire de la création artistiqueSi le génie ne s’apprend pas, ce talent ne peut s’exercer que grâce au savoir-faire.
En effet, la création artistiquene se limite certes pas à une opération technique, mais elle implique néanmoins la considération d’une fin, visée plusou moins précisément par l’artiste.
On peut, là encore avec Kant (Critique de la faculté de juger), penser lanécessité du savoir-faire et de son apprentissage dans l’élaboration de cette fin.
Le savoir-faire, en tant queconnaissance des moyens aptes à réaliser une fin, apparaît ici comme une condition sine qua non du développementdu talent artistique.C.
Ce savoir-faire doit être ouvert aux nouveaux possiblesLes connaissances techniques des artistes permettent à l’art de se renouveler.
C’est par exemple l’attention portéeaux nouvelles techniques industrielles (le béton armé) qui a permis à Le Corbusier d’imaginer une architecturenouvelle, libérée de la contrainte des murs porteurs.
Autrement dit, en élargissant le champ de son savoir-faire, ens’ouvrant aux nouvelles techniques et aux nouveaux matériaux, l’artiste cultive non seulement son ingéniositétechnique, mais encore son talent artistique : il peut trouver dans ces techniques et ces matériaux une sourced’inspiration apte à motiver son talent pour la création.
ConclusionLe savoir-faire est donc nécessaire à l’activité artistique.
La connaissance et l’expérience élargissent et enrichissentles pratiques de l’artiste, et la particularité avec laquelle ce dernier met en oeuvre son savoir-faire permet à la foisde caractériser son travail et de l’évaluer, en partie du moins.
En partie seulement, car ce savoir-faire ne sauraitconstituer le critère essentiel de l’art.
Le savoir-faire est nécessaire mais non suffisant pour pouvoir reconnaître unartiste en tant que tel..
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