Averroès (Ibn Rushd).
Publié le 30/12/2009
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Celui qu'on a surnommé «Le Commentateur« (le commentateur d'Aristote qui, lui, est «Le Philosophe«) n'a pas eu de postérité en terre d'islam et ce qu'on connaît de son œuvre, on le doit à des auteurs juifs et chrétiens qui l'ont traduite et restituée à leur manière qui n'est pas exempte de gauchissement. Curieux parcours en définitive que cette redécouverte d'Aristote qui passe par de multiples relais mais dont le plus fidèle et le plus complet — celui d'Averroès — s'en va finalement nourrir la pensée scolastique chrétienne d'Occident, et y être condamnée d'ailleurs, laissant l'islam d'Occident dans le giron de sa scolastique théologienne et l'apathie soumise des foules croyantes peu réceptives au questionnement philosophique dont elles ne voient pas la raison et que, partant, elles soupçonnent d'impiété. Lèse-piété et lèse-majesté sont crimes tellement facilement imputables au philosophe par des foules que galvanisent leurs certitudes qu'il n'y a plus à s'en étonner. Né à Cordoue, ville lumière de l'Espagne musulmane, Averroès cumule trois carrières, celle de qadi, de médecin et de philosophe. Vers la fin de sa vie, victime des tenants d'une orthodoxie étroite et rigide, il tombe en disgrâce et est exilé à Marrakech où il meurt trois ans plus tard.
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Averroès et la lumière de la raison
Originaire de Cordoue, en Espagne occupée par les Arabes, Averroès fait des études de droit musulman, maiss'intéresse aussi à la philosophie et à la médecine.
Il exerce, à partir de 1184, les fonctions de qâdî (cadi), hautmagistrat chargé de dire le droit, toujours à Cordoue.
Toutefois, ses opinions philosophiques attirent sur lui lessoupçons des docteurs de la loi.
Après avoir joui, de 1182 à 1193, de conditions parfaitement propices au travailphilosophique — il écrit, durant cette période, son Grand commentaire sur Aristote —, il tombe en disgrâce et se trouve banni dans les environs de Cordoue, à Lucena, où il subit les affronts, non seulement des théologiens, maisde toute la populace.
Appelé au Maroc, où il avait vécu une partie de son existence, il meurt, en 1198, à Marrakech.
Pourquoi Averroès fut-il le plus influent des philosophes arabes en Occident ?
D'abord, il est le commentateur d'Aristote, et ses commentaires très étendus de l'oeuvre de ce philosophe ont rencontré un immense écho en Occident.
On distingue traditionnellement trois types de commentaires : laparaphrase, résumant la doctrine d'Aristote, le commentaire moyen et le grand commentaire, où Averroès discute les textes.
Ici, l'explication détaillée et la discussion ont une dimension résolument moderne.
Ensuite, Averroès a inspiré l'Occident par sa vision des relations entre philosophie et religion, car il légitime en religion le recours à la philosophie : dans la mesure où la religion nous accorde le droit d'user de la raison, les hommes capables d'interpréter le Coran doivent le faire.
Que veut Averroès ? Maintenir dans de nombreux champs, y compris celui de la foi, le rôle de la raison.
Au philosophe de chercher un peu de lumière à l'aide de cette dernière etd'interpréter.
On comprend que les travaux d'Averroès l'aient rendu suspect d'irréligion.
Et ce d'autant plus qu'ilexclut la voie de la théologie, aussi inutile que dangereuse.
Les théologiens ? Ceux qui croient comprendre et quiengendrent aussi bien l'intolérance que le fanatisme.
Ils ont, affirme Averroès, précipité les gens dans la haine,l'exécration mutuelle et les guerres.
Qu'ont-ils fait d'autre que de diviser le peuple ?
En résumé, l'élite des penseurs usera de la raison, la foule se référera à la tradition et les théologiens se voientrejetés.
En leur absence, masse et philosophes cohabiteront.
Averroès distingue ainsi différents stades decompréhension des textes sacrés.
Mais bien d'autres thèmes expliquent l'influence d'Averroès en Occident.
Contrel'idée que le monde a été créé ex nihilo, à partir de rien, Averroès affirme que Dieu, premier Moteur et intellect suprême, produit l'univers de toute éternité.
Le monde ? Une réalité éternelle car Dieu agit éternellement dans laNature.
Et l'âme ? Le philosophe de Cordoue nie l'immortalité de l'âme individuelle et personnelle et donc larésurrection de la chair.
Toutefois, il existe une intelligence commune à tous les hommes, intelligence qui,universelle, peut être conçue comme immortelle.
La philosophie d'Averroès, éminemment « scandaleuse », allait donc jusqu'à exclure l'immortalité personnelle desâmes individuelles.
On ne s'étonnera pas qu'elle ait été critiquée par saint Thomas d'Aquin et condamnée par l'Église en 1240.
Quant à l'averroïsme proprement dit, il désigne un courant de pensée de l'Occident latin, courant essentiellement sceptique, libertin, athée, interprétant Averroès de manière très libre.
Décidément, Averroès et l'averroïsme sententquelque peu le soufre ! Thomas d'Aquin va rompre des lances contre les averroïstes.
« Nul philosophe n'aura été plus mal compris ni plus calomnié qu'Ibn Rushd [Averroès].
Parmi les penseurs de terred'Islam nul n'aura eu plus d'influence sur la culture universelle.
Philosophe impénitent, rationaliste intrépide oucynique, homme d'une "double foi" ou inventeur du "double langage", tous les qualificatifs lui ont été attribués.
Leplus simple serait pourtant de dire qu'il a poussé à son point de rupture la question théologicopolitique de laphilosophie » (A.
de Libera, La Philogvphie médiévale, PUF, p.
161)..
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