Autrui n'est-il QUE le double de moi-même ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
III.
Le chemin de la réconciliation : l'amitié a.
Pourtant Autrui m'interpelle et me supplie : « Toi, aime-moi ! », et P.
Ricœur baptise « sollicitude » l'élan de soi vers l'autre, qui constitue la réponse à cette interpellation et qui ne consiste pas exclusivement en l'obéissanceà un devoir : l'intention éthique précède la morale.
Or, sur le plan de la sollicitude, c'est l'amitié qui caractérise lesrelations interpersonnelles et qui permet une égalité entre deux individus uniques.
Seule une relation de réciprocitépeut instituer l'autre comme mon semblable et moi-même comme le semblable de l'autre : l'estime de soi, loin dereplier sur le souci de soi accorde à l'autre les mêmes possibilités d'action et de vie heureuse que pour moi-même.L'amitié permet de laisser autrui autre que moi ; elle est cette relation mutuelle où chacun aime l'autre « en tant quece qu'il est » (Aristote, Ethique à Nicomaque , VIII, 3, 1156a17).
Une telle réciprocité suppose qu'il faut être ami de soi avant d'être ami de l'autre ; l'existence de l'homme de bien doit être désirable pour lui-même, et l'homme bon etheureux a besoin d'amis.
A l'estime de soi l'amitié ajoute, sans rien retrancher, l'idée de mutualité et son corollaire,l'égalité, qui mène sur le chemin de la justice.
b.
L'amitié est souvent cette familiarité nouée par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes se tiennent ensemble.
L'amitié est un « mélange si universel » qu'elle efface en fin de compte les raisons quiont joints deux individus.
Et la raison que donne Montaigne de ce lien est la suivante : « Parce que c'était lui ; par ce que c'était moi ».
Cela renvoie l'amitié à cette « force inexplicable et fatale (qui vient du destin), médiatrice decette union ».
Montaigne parle de son expérience d'amitié avec La Boétie , il avait 25 ans.
Cette amitié, née lors d'une rencontre (1559) dans une fête, « n'avait pas à perdre temps, et à se régler au patron des amitiés molles etrégulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable commerce ».
L'amitié véritable est subite,elle ne se forge pas sur des préliminaires durables : elle « n'a point d'autre idée (modèle idéal) que d'elle-même, etne peut se rapporter qu'à soi » ; « C'est je ne sais quelle quinte essence de tout ce mélange, qui, ayant saisi toutema volonté, l'amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l'amena se plonger etse perdre en la mienne, d'une faim, d'une émulation pareille.
Je dis perdre, en propre, ne nous réservant rien quinous fut propre, ni qui fut ou sien ou mien ».
L'amitié permet par conséquent de s'offrir à l'autre, de le laisser choisirpour soi : « Nos âmes ont charrié si uniment ensemble, elles se considérées d'une si ardente affection, et de pareilleaffection découvertes jusqu'au fin fond des entrailles l'une à l'autre, que, non seulement je connaissais la siennecomme la mienne, mais je me fusse certainement plus volontiers fié à lui de moi qu'à moi ».
En revanche, avectoutes les autres amitiés communes, il faut marcher avec précaution et prudence.
On ne peut aussi avoir plusieursamitiés véritables : « C'est un assez grand miracle de se doubler ; et n'en connaissent pas la hauteur, ceux quiparlent de se tripler ».
Conclusion Le problème d'autrui est vaste et requiert une réflexion étendue à tous les domaines où on pense à partird'hommes, et non d'un seul.
L'autre semble toujours nécessaire pour combler le champ de mon expérience (Robinsonconcevra un personnage fictif pour ne pas se sentir seul sur son île), pour être le récepteur de mes états d'âme.Ainsi, une conscience de soi est toujours à même de reconnaître une autre conscience de soi, et en a toujoursbesoin pour être reconnue comme telle (cf.
Hegel et sa théorie du maître et de l'esclave).
Il y a très certainementune dimension à jamais opaque qui détermine l'autre, et qui me laisse à moi-même le soin de l'étudier, de l'observer,de le sentir.
Mais il y a aussi, et on le voit à travers des rapports fondamentaux (l'amitié, l'amour peut-être, etc.), lapossibilité de s'unir, soi-même et l'autre, de se fondre en une seule et même sensibilité, en une seule et mêmeépreuve de l'existence..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Construire un tableau à double entrée Découvrir 1.
- Lire un tableau à double entrée Découvrir 1.
- DOUBLE INCONSTANCE (La) Marivaux (résumé & analyse)
- ARTAUD Antoine Marie-Joseph, dit Antonin : sa vie et son oeuvre - Le Théâtre et son double
- MADEMOISELLE DE MAUPIN, DOUBLE AMOUR de Théophile Gautier. (résumé)