Autrui me connaît-il mieux que je ne me connais moi-même ?
Publié le 12/01/2004
Extrait du document
«
B) Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud)
« Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton âme, dès que c'estsuffisamment important, parce que ta conscience te l'apprendrait alors.
Etquand tu restes sans nouvelles d'une chose qui est dans ton âme, tu admets,avec une parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas.
Tu vas mêmejusqu'à tenir « psychique » pour identique à « conscient », c'est-à-dire connude toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans cesse sepasser dans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne peut s'en révéler àta conscience.
Tu te comportes comme un monarque absolu qui se contentedes informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui nedescend pas vers le peuple pour entendre sa voix.
Rentre en toi-mêmeprofondément et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendraspourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir.C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi.
Mais lesdeux clartés qu'elle nous apporte : savoir, que la vie instinctive de lasexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processuspsychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles etsubordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine,équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison ».
FREUD, « Essais de psychanalyse appliquée ».
Freud va être amené à concevoir que bon nombre de maladies, mais aussi d'actes quotidiens s'expliquent si l'onadmet l'hypothèse de l'inconscient.
Il y aurait en nous u « réservoir » de forces et de désirs (ou pulsions) dont nousn'aurions pas conscience, mais qui agiraient sur nous..
Pour le dire brutalement, en ce sens, l'homme n'agirait pas(ne choisirait pas ses actes e toute connaissance de cause, dans la clarté), mais serait agi (c'est-à-dire subirait,malgré lui, des forces le contraignant à agir) : il ne serait pas « maître dans sa propre maison », il ne serait pasmaître de lui.Empruntons à Freud un exemple simple.
Un président de séance, à l'ouverture dit « Je déclare la séance fermée » aulieu de dire « Je déclare la séance ouverte ».
Personne ne peut se méprendre sur ses sentiments ; il préférerait nepas être là.
Mais ce désir (ne pas assister au colloque) ne peut s'exprimer directement, car il heurterait la politesse,les obligations sociales, professionnelles, morales du sujet.
Notre président subit donc deux forces contraires : l'uneparfaitement en accord avec les obligations conscientes, l'autre qui ne l'est pas et qui ne peut s'exprimerdirectement, ouvertement.
Il y a donc conflit, au sein du même homme, entre un désir conscient, conforme auxnormes morales et un autre désir plus « gênant ».
Or, dans notre exemple, ce second désir, malgré la volonté depolitesse du président, parvient à s'exprimer, mais de façon détournée, anodine : on dira que « sa langue a fourché».Ici, l'exemple est simple dans la mesure où le président a sans doute parfaitement conscience qu'il ne veut pas êtrelà.
Mais dans bon nombre de cas, quand ma langue fourche, je ne sais pas pourquoi, c'est-à-dire que j'ignore moi-même ce qui me pousse à dire tel mot plutôt qu'un autre.
Or pour Freud le cas est exactement identique ets'interprète de même, comme le conflit entre deux désirs dont l'un est gênant et peut être ignoré par le sujet.
Il n'ya pas d'actes innocents ou anodins.
Tous sont révélateurs d'un affrontement en moi de deux forces.L'hypothèse Freudienne de l'inconscient revient à dire que bon nombre d'actes « normaux » (oubli, actes manqués,rêves), mais aussi « maladifs », pathologiques (névroses, psychoses, obsessions) s'expliquent en gros selon le mêmeschéma.
L'individu subirait un conflit psychique (dans son âme), conflit parfois extrêmement violent entre les normesconscientes (morales, esthétiques, sociales) et des désirs qui bousculent et négligent ces règles.
Ce second groupede désirs, le sujet les trouverait, s'il en avait conscience, tellement monstrueux, qu'ils ne peuvent parvenir à laconscience que sous une forme voilée, déformée, indirecte : le lapsus, le rêve, ou le symptôme maladif.Le symptôme est donc un compromis entre le désir inconscient et inavouable que je subis, et les normesconscientes et morales que j'accepte.
« Le moi n'est pas maître dans sa propre maison » signifie que je n'ai pasconscience et que je ne maîtrise pas, ne contrôle pas une bonne part de ce qui se passe en moi-même, ce conflit,ce symptôme.L'hypothèse de l'inconscient est donc qu'une bonne partie de ce qui se passe en moi (dans mon âme, ma psyché) nem'est pas connu, m'échappe, et cependant influe sur moi.
C'est ainsi qu'il faut comprendre notre passage : lapsychanalyse se propose de « montrer au moi qu'il n'est seulement pas maître dans sa propre maison, qu'il en estréduit à se contenter de renseignements vagues et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience,dans sa vie psychique ».
La plupart des choses qui se passent dans l'âme échappent à la conscience.Pour Freud, o a surestimé le rôle de la conscience dans la vie de l'âme, et ainsi on s'est privé des moyens :• De comprendre bon nombre de phénomènes comme les lapsus et les rêves ;• De soigner un certain nombre de maladies, qui ne peuvent s'expliquer que par le conflit psychique qui agite lepatient.Adopter l'hypothèse de l'inconscient permet de comprendre et de guérir, c'est un gain de sens et de pouvoir.
Le butde la psychanalyse est alors de faire en sorte que l'individu, au lieu de subir les forces qu'il ignore et ne contrôle pas, puisse recouvrer sa liberté.En effet, la psychanalyse découvre que « Je est un autre » pour reprendre Rimbaud.
Il y a en moi un autre , unensemble de forces, un inconscient qui me pousse à agir malgré moi.
Je subis un conflit dont je n'ai pas conscience,qui est souvent la trace d'un choc vécu durant l'enfance.
En ce sens je suis un être passif et agi, qui n'a ni lecontrôle de lui-même, ni de son passé, un être scindé.
Le but de la cure est de faire en sorte que je prenne.
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