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Au sujet de la personnalité, appréciez cette remarque de SARTRE : « J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui... Autrui est le médiateur entre moi-même et moi-même. » ?

Publié le 18/06/2009

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Voici d'abord la demi-page d'où sont extraites les deux phrases soumises a notre appréciation : le texte de l'auteur cité est en caractères gras; entre parenthèses et en caractères romains, nous ajoutons quelques commentaires. "... bien que certaines formes complexes et dérivées de la honte puissent apparaître sur le plan réflexif (c'est-à-dire en revenant par la pensée sur ses états ou sur ses actes pour les analyser et les juger), la honte n est pas originellement un phénomène de réflexion. En effet, quels que soient les résultats que l'on puisse obtenir dans la solitude par la pratique religieuse de la honte (dans l'examen de conscience, par exemple, où l'on s'efforce de se faire honte à soi-même), la honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un. Je viens de faire un geste maladroit : ce geste colle à moi (ce n'est pas un objet situé devant moi, distinct de moi; il est moi), je ne le juge ni le blême (manquant de recul pour cela), je le vis simplement, je le réalise sur le mode du pour-soi (et non sur le mode de l'en-soi de la matière brute, qui est inconsciente; mais cette réalisation est d'abord pré-réflexive, et elle ne pose pas d'objet en face du sujet connaissant. Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu. Je réalise tout à coup la vulgarité de mon geste et j'ai honte. Il est certain que ma honte n'est pas réflexive, car la présence d'autrui à ma conscience, fût-ce à la manière d'un catalyseur, est incompatible avec l'attitude réflexive (l'attention à autrui empêche l'attention à soi-même constitutive sic la réflexion) : dans le champ de la réflexion je ne puis jamais rencontrer que la conscience qui est mienne. Or, autrui est le médiateur indispensable entre moi-même et moi-même (entre les deux termes de la réflexion : le moi qui observe, ou moi-sujet, et le moi observé, ou moi-objet) : j'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui. Et par l'apparition même d'autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-même, comme un objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui."  (J.-P. SARTRE, L'être et le néant, p. 275-276. Gallimard, 1943.)

INTRODUCTION. — « Il n'y a que vous, écrivait MONTAIGNE, qui sache Si vous êtes lâche et cruel, ou loyal et dévotieux : les autres ne vous voient point, ils vous devinent par conjectures incertaines. « Et un peu plus haut : « ma conscience se contente de soi «. Pour lui, comme plus tard pour les philosophes éclectiques, la conscience est « la certitude dernière, l'autorité des autorités «. Cette belle confiance est bien tombée. L'idée que nous nous faisons de nous-même ne résulte pas du simple examen de nos dispositions intérieures ou même de notre conduite. La personnalité que nous nous reconnaissons tend à se confondre avec celle que les autres nous attribuent. Ce sont leurs jugements et plus encore les appréciations impliquées dans leur attitude à notre égard qui provoquent les sentiments moraux analysés par les psychologues : « J'ai honte... « Donnerons-nous raison aux psychologues contemporains représentés par J.-P. SARTRE, ou à la psychologie classique dont MONTAIGNE nous conserve l'écho ?

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« Mais faut-il considérer comme normal et comme meilleur le comportement qu'il exprime ? II.

— QUELLE EST LA MEILLEURE ? 1.

Il serait théoriquement possible et souhaitable de se juger soi-même sans faire appel à un témoin du dehors.

Eneffet, de ce que nous sommes comme homme, c'est-à-dire comme être pensant et responsable, les autres ne voientque l'extérieur, ou plutôt, — car nous ne sommes pas constamment sous leur regard -- une partie de notrecomportement externe.

De ce.

comportement lui-même, ils ne constatent que sa matérialité : les intentions nes'inscrivent pas dans les gestes.

Le témoin, sans doute, peut les conjecturer, mais avec quel risque d'erreur! Je suisau contraire tout entier présent à moi-même et, si j'ai l'art de bien M'observer.

rien n'échappera à mon investigation.Malheureusement, cette totale présence à moi-même est un privilège ambivalent.

Elle me donne, de ce que je suisau cours de mon existence une expérience vécue; elle me fait atteindre mes états d'âme dans leur originalitéirréductible.

Mais, d'autre part, elle ne m'en procure pas une Connaissance claire, certaine, objective.

Pour bien voirun spectacle, il faut un certain recul; je ne peux pas me rendre compte d'une gravure qui Me touche les yeux.

Or,entre le sujet qui s'observe lui-même et la réalité sur laquelle il fixe son attention, il y a identité et non passeulement contiguïté : personne ne saurait être un objet pour lui-même.

Sans doute, c'est un fait indiscutable,l'introspection nous permet bien de prendre une certaine conscience de ce qui se passe en nous; mais ce mode deconnaître manque d'objectivité et expose aux plus grossières illusions.

fait les orgueilleux chez lesquels, souvent, laprétention contraste avec la valeur réelle.

Chez les saints, il occasionne parfois le scrupule et la convictiondéprimante d'être damnés.Au contraire, nous sommes un objet pour les autres.

Ils disposent pour nous voir du recul qui nous manque.

Parsuite, en nous servant d'eux comme d'un miroir pour nous regarder, nous nous mettrons en quelque sorte à distancede nous-même et pourrons avoir de ce que nous sommes une connaissance plus objective. 2.

Toutefois l'abdication de la conscience personnelle au profit de l'opinion des autres serait bien plus dangereuse etbien plus immorale; aussi faut-il la rejeter purement et simplement.Elle serait plus dangereuse, car le risque d'illusion serait encore plus grand.

Comme nous l'avons dit, en effet, il s'enfaut qu'autrui soit infaillible dans les jugements qu'il porte sur nous.

A ce risque d'erreur s'ajoute celui de malinterpréter les signes de ses sentiments à notre égard.

Enfin, et peut-être surtout, celui que son manque depersonnalité a conduit à mettre en quelque sorte en veilleuse son jugement personnel, est à la merci des plusincompétents : si comme le font ceux qui choisissent un directeur de conscience, il s'en remettait à l'avis d'unhomme probe, éclairé et qui ne veut que son bien, il s'assurerait une appréciation sincère, fondée et objective; maisc'est à la foule anonyme qu'il s'abandonne, à ce « on » inauthentique dont parle HEIDEGGER, de qui on ne sauraitattendre la lumière.Par le fait même, cette abdication serait immorale.

D'une part, en effet, elle équivaut à la renonciation au pouvoir depenser qui constitue, comme le dit PASCAL, « toute notre dignité » naturelle.

D'autre part, elle nous met à laremorque de forces irrationnelles qui ne sauraient nous conduire au bien. 3.

La sagesse consiste à utiliser l'opinion des autres comme moyen de parvenir à une meilleure connaissance directede nous-même.

Cette opinion stimulera notre observation : lorsque certains jugements dont nous sommes l'objetnous étonneront, nous nous examinerons plus attentivement pour voir s'ils sont fondés.

Inversement, les donnéesde l'introspection pourront être contrôlées par l'image que les autres se font de nous.

Ainsi, critiquant les unes parles autres, nous aurons fait tout le possible pour éliminer les risques d'illusion.Autrui, alors, sera vraiment le médiateur entre moi-même et moi-même : parti de la connaissance que me donne laconscience spontanée, c'est à un moi mieux connu que je reviendrai après avoir fait un instructif détour par l'idéeque l'autre se fait de moi.Mais la première affirmation du texte à apprécier ne sera pas juste : si ma conduite est digne de mépris, ce n'estpas tel que j'apparais à autrui, mais tel que je me vois et me juge que j'aurai honte de moi. CONCLUSION.

— Sans doute, il n'est que trop fréquent que cette affirmation soit vraie : l'enfant se sent d'abord coupable on responsable parce qu'on le tient pour tel, et beaucoup d'adultes conservent dans une grande mesureles structures psychiques de l'enfance.

Mais pour un homme vraiment homme, c'est-à-dire qui pense, ce ne doitêtre là qu'un stade passager.

Le sentiment de culpabilité ou de responsabilité qui nous est imposé de l'extérieur doitnormalement déclencher la réflexion d'où résultera un jugement personnel.

Faute de quoi autrui serait pour nousagent d'aliénation et non agent de médiation.. »

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