Arthur SCHOPENHAUER: Philosophie et Etonnement
Publié le 29/03/2005
Extrait du document
«
l'insatisfaction propre au désir humain, il y a, en fait, une absence totale de motivation dans le désir.
Les hommescroient poursuivre des buts, aimer, haïr, être en colère, mais tout cela n'a pas d'existence réelle.
Ce n'est qu'un jeu,une manière d'obéir au Vouloir :« Pendant l'enfance la vie se présente comme un décor de théâtre vu de loin, pendant la vieillesse, comme le même,vu de près.
»Le plus étonnant dans cette affaire, ce n'est pas tant l'absence de finalité, mais plutôt que tout se passe comme sitout était organisé en vue d'une fin.
La solidarité des parties au sein d'un organisme, l'adaptation de ce dernier aumonde extérieur, l'équilibre écologique, tout semble nous pousser à reconnaître une finalité et une perfection, «telles que la volonté maîtresse la plus libre, dirigée par l'intelligence la plus pénétrante et le raisonnement le plussagace, aurait seule pu les réaliser ».Le monde ne serait pas absurde s'il allait seulement au hasard ou s'il était organisé en vue d'une fin inaccessible.L'absurde est cette finalité sans fin, cette union du hasard et de la finalité.
C'est pour la pensée un abîme.
L'absurdeest aussi cette nécessité par laquelle se manifeste le Vouloir, car il est sans nécessité, incompréhensible :« On ne comprendra jamais la volonté.
Elle ne sera jamais ramenée à autre chose, elle ne pourra jamais êtreexpliquée par autre chose.
Seule en effet elle est le motif inexplicable de toute chose, elle ne procède de rien,tandis que tout procède d'elle.
»C'est ce Vouloir, fondement de tout et qui est, pourtant, sans fondement qui est absurde.
Aussi Schopenhauer nousinvite-t-il à accéder à l'état d'abnégation volontaire, d'arrêt absolu de tout vouloir.
Arrêt qui suppose lerenoncement à toutes les jouissances, l'extinction de la vie du corps.
Seul l'homme qui réussit à nier ce Vouloir quiest négatif atteint le ravissement et une jouissance libérée de la tyrannie des désirs.« Avoir l'esprit philosophique », « être capable de s'étonner », cela signifie qu'il faut être capable de prendre durecul par rapport à la représentation que la conscience se fait du monde, représentation confuse d'une sorte decausalité diffuse et présente dans tous les domaines.
Il ne s'agit là que d'une représentation qui masque ce grandVouloir qui anime de l'intérieur toute force ou toute tendance.
Cela signifie aussi qu'il faut s'affranchir de ce Vouloiret par extension de la vie, qui nous attache aux choses particulières, ordinaires, et nous interdit la contemplationdes essences qui se jouent les unes à travers les autres en dehors de toute finalité.
Én un mot, avoir l'espritphilosophique, c'est s'écarter aussi bien du savoir abstrait (jeu des concepts et des mots) que du pragmatisme(vision pragmatique et donc finaliste du monde).
La philosophie a ses racines dans l'expérience intuitive du monde,dans l'imagination issue du coeur et dans la contemplation désintéressée.Toute la philosophie de Schopenhauer est fondée sur une opposition entre, d'une part, le monde de lareprésentation, qui n'est autre que la représentation que la conscience humaine se fait du monde et, d'autre part, lemonde de la volonté, qui est celui de ce grand Vouloir qui se manifeste dans la nature à travers cet élan aveugle,ces forces qui animent le tout.
Autant dire que l'arbre de la connaissance et l'arbre de la vie s'opposent.
Ainsi, touteconnaissance et toute science, qui s'efforcent de nous rendre le monde familier, reposent, en fait, sur l'inexplicable.L'étonnement du philosophe résulte donc de ce sentiment du caractère absurde et paradoxal du monde.
L'absurdeest que ce monde est, tout à la fois, finalité et absence de fins, nécessité et absence de nécessité.
Pourquoi lenéant n'est-il pas plutôt que ce monde ? Question d'autant plus angoissante que ce monde est mauvais.Ce n'est pas tant l'absence de cause ou de but qui est angoissante mais l'illusion que l'homme a de participer à unmonde nécessaire, alors qu'il ne l'est pas, et de concourir à des fins qui, en fait, sont inexistantes.Cette illusion se manifeste dans toute philosophie historicisante.
On songe, en particulier, à la philosophie de Hegelqui affirme que l'histoire est la réalisation d'une fin universelle : celle de Dieu ou de l'Esprit.
La critique parSchopenhauer de cette illusion est la critique de toute religion mais aussi de toute philosophie qui se veut donneusede sens, qui cherche à légitimer, à justifier ce qui est.
Le mérite de Schopenhauer est de nous amener à remettreen cause des notions aussi familières que celles de « cause », de « fin », de « valeurs », de « progrès collectif ».
Ilnous invite à prendre conscience que le devenir n'est ni ascension, ni régression, mais répétition vaine des mêmesillusions et des mêmes souffrances — répétition que symbolisent la roue d'Ixion ou le labeur sans fin de Sisyphe.
Laphilosophie ne concerne que l'individu souffrant, son salut à lui.
Elle ne peut qu'être existentialiste, philosophie de lavie, concrète, appel à vivre le présent qui est la seule réalité que rien ne puisse arracher à l'homme..
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