Arthur SCHOPENHAUER: DESIR ET BONHEUR
Publié le 30/03/2005
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Schopenhauer qui, plus que tout autre, a voué sa vie à la philosophie, est l’homme d’une intuition unique, d’un seul livre fondamental : « Le monde comme volonté et comme représentation «. Schopenhauer affirme lui-même que son « système philosophique se forma dans sa tête, en quelque sorte sans sa volonté, comme un cristal dont tous les rayons convergent vers le centre «. La célébrité tardive et posthume de Schopenhauer est due, non à l’armature théorique de son système philosophique, mais à son fameux pessimisme qui s’exprime, en particulier, au livre IV du « Monde « à travers ses propos sur la morale et qu’on ne saurait mieux caractériser que par cette phrase : « La vie n’admet point de félicité vraie, elle est foncièrement une souffrance aux aspects divers, un état de malheur radical. «
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l'origine des innombrables besoins de l'homme.
Si l'homme souffre, c'est donc avec justice, pourrait-on dire, tantqu'il est identique à cette volonté.
Y a-t-il des moyens de se libérer du Vouloir omniprésent ?Au livre IV du « Monde », Schopenhauer nous indique la voie.
Ce sont les fameuses trois étapes de larégénérescence spirituelle par détachement progressif du « vouloir-vivre » : l'art contemplatif, la morale de lapitié, et enfin l'oubli total du vouloir, atteint le « nirvâna ».
il s'agit, dans cet itinéraire spirituel vers le nirvâna ouextinction du désir, plus précisément d'un arrachement au « vouloir-vivre », de se détacher progressivement deson individualité qui est la source de toutes souffrances.Dans cet itinéraire, la joie de l'artiste ou celle de la contemplation désintéressée de l'œuvre d'art est toutenégative.
Le plaisir n'est pas de jouir d'une œuvre mais e ne plus souffrir, grâce à elle, de sa propre volonté.
Demême, la morale de la pitié invite à une communion avec autrui qui permet de transcender sa volontéindividuelle.
Enfin le « nirvâna » est le détachement suprême, le moment suprême où la volonté se retournecontre elle-même et contre le vouloir-vivre dont elle émane, état d'abnégation volontaire, d'arrêt absolu de tout« vouloir ».
Arrêt qui suppose le renoncement à toutes les jouissances, à l'extinction de la vie du corps.
L'hommequi réussit à nier ce « Vouloir » qui est négatif, atteint le ravissement et une jouissance libérée de la tyranniedes désirs : « Rien ne peut plus le torturer, rien ne peut plus l'émouvoir, car toutes ces mille chaînes de lavolonté qui nous attachent au monde : convoitise, crainte, jalousie, colère… n'ont aucune prise sur lui.
Il arompu tous ces liens.
Le sourire aux lèvres, il contemple paisiblement la farce du monde qui jadis a pu l'émouvoirou l'affliger, mais qui à cette heure le laisse indifférent ; il voit tout cela comme les pièces d'un échiquier quand lapartie est finie, ou comme il contemple, le matin, les travestissements épars, dont les formes l'ont intrigué etagité toute la nuit de carnaval.
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Il y a bien, dans cette possibilité affirmée de se libérer de sa volonté, de se retourner même contre elle, uncertain optimisme chez Schopenhauer.
Mais dans cette vision de la libération, on retrouve les vertus chrétiennesd'ascèse et de sacrifice.
Nietzsche ne manquera pas de voir, dans l'esthétique et la morale de Schopenhauer,l'expression du ressentiment qui caractérise déjà le judéo-christianisme.
Ressentiment contre les forces actives,contre la vie.
Le triomphe donc des forces réactives.Quant à nous, nous pouvons nous demander si le meilleur moyen pour échapper à la souffrance, c'est vraimentd'installer la mort dans la vie.
N'oublions pas que la douleur est l'aiguillon de l'activité.
Sans elle, la vie viendraità s'éteindre.
Si une complète satisfaction est impossible, le bonheur ne saurait résider, pour autant dansl'absence totale de douleur.
Au lieu de nous réfugier dans le néant, comme le propose Schopenhauer, vivons leprésent, temps de l'action et du bonheur.
Le présent est ce qui se présente à nous, l'offrande de la vie.
Uninstant peut comporter l'éternité, au point qu'on puisse pour revivre cet instant dire oui à la vie, vouloir la vivreencore telle qu'on l'a vécue, la vivre de nombreuses fois, en acceptant même de revivre sa part de souffrance.Renoncer à la volonté de vivre ne nous paraît pas être la solution.
Le bonheur, c'est ici et maintenant.
Leprésent seul nous appartient.
Vivre à l'écart de son propre présent, c'est ce priver de ce qui se présente, de cequi existe, de l'offrande de la vie.
Un bonheur éphémère, c'est tout le bonheur.
SCHOPENHAUER (Arthur). Né à Dantzig en 1788, mort à Francfort-sur-le-Main eu 1860. Il fit des études de médecine à Göttingen, puis suivit les cours de Fichte à Berlin.
Il rencontra Goethe, voyageaen Italie, devint privat-dozent de l'Université de Berlin en 1820, voyagea encore, puis, en 1833, se retira danssa maison de Francfort.
— Il a subi l'influence conjuguée de Kant et de la philosophie hindoue.
Le monde « estma représentation » ; il contient le sujet et l'objet, il est une illusion produite par une Volonté aveugle etabsurde.
Le corps est « la volonté devenue visible », à travers laquelle on découvre l'absolu, la Volonté Une quiest la racine des choses.
— Le substratum du monde phénoménal est le vouloir-vivre, auquel est soumisel'intelligence.
La vie n'est que maux et souffrances, une « histoire naturelle de la douleur».
C'est parl'intelligence que l'homme anéantit le vouloir-vivre ; la chasteté et l'ascétisme lui permettent d'atteindre lenirvâna hindou.
— Solitaire, indifférent, pessimiste, Schopenhauer fonde sa morale sur la pitié.
Il a fortementinfluencé Nietzsche.
Œuvres principales : La quadruple racine de la raison suffisante (1813), Le monde comme volonté et comme représentation (1819), Sur la volonté dans la nature (1830), Essai, sur le libre arbitre (1841), Fondement de lamorale (1841), Parerga et Paralipomena (1851), Aphorismes sur la sagesse dans la vie (posth.)..
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