Art et perception du monde.

Par delà le caractère hypothétique de cette révélation d'un univers supra-sensible, qui serait à la fois plus réel que le monde où nous vivons et plus clair que lui, il se peut, plus simplement que l'artiste nous (ré)apprenne à regarder et interpréter l'univers qui nous entoure. Comme le suggère Marcel Proust dans certains passages de son roman A la recherche du temps perdu, nous sommes victimes de l'habitude dans notre façon de percevoir les choses et les êtres. « ...Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons le plus souvent à lire les étiquettes collées sur elles », écrit Henri Bergson. Il souligne ainsi combien notre compréhension de la réalité est occultée par la vision commune que nous en avons. L'artiste, au contraire nous propose un regard neuf sur le monde, comme si nous l'apercevions pour la première fois. Il opère une sorte de purification du regard, qui restitue aux objets leur forme première : « ...si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l'art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes », écrit encore Bergson. Ainsi se dégage progressivement une fonction spécifique de l'art : nous proposer une relation nouvelle à la réalité environnante. L'art peut apparaître alors comme une sorte de révélation, puisqu'il nous fait découvrir un monde ignoré jusque-là, en quelque sorte à celui que nous habitons, mais resté secret.