Aristote: La plus importante question à poser, ce serait de demander quel concours apportent les Idées aux êtres sensibles
Publié le 27/02/2008
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de l'existence.
Là, il s'agit de se rapporter aux Idées en tant que principe d'intelligibilité des êtres sensibles (leuressence immuable permettant justement d'appréhender quelque chose de stable et de fixe dans la nature mouvanteet changeante des êtres générables et corruptibles, de tout ce qui naît et périt).
Ici, il s'agit de se référer aux Idéesen tant qu'origine, source génératrice de ces mêmes êtres sensibles (ce qui implique qu'elles aient la capacité de lesengendrer).
Ici et là, il s'agit bien (ce qui unifie d'une certaine façon la double fonction des Idées) d'expliquer leschoses : de faire sortir leur existence sensible aussi bien que leur essence intelligible d'une réalité supérieure qui lesprécède.S'il y a difficulté, elle ne paraît pas résider dans le rapport de causalité qui s'établit ainsi entre l'immatérialité desIdées et la matérialité des êtres sensibles.
Elle apparaît plutôt, et plus radicalement, avec la nécessité de situer lesunes et les autres dans un espace commun qui permette de les lier — mais lequel? Et la logique, ici, impose son droit: de deux choses l'une, ou bien les Idées sont hors des êtres sensibles, séparées d'eux, ou bien elles sont en eux,immanentes.
Mais dans le premier cas : comment les Idées, immobiles et éternelles en soi, peuvent-elles produirehors de soi du mouvement et du changement? Ceux-ci ne sauraient en provenir, comme un homme provient d'unhomme, ou un lit de sa forme projetée, de sa matière (le bois) et de l'outil du menuisier...
Et dans le deuxième cas :entrant dans la composition des êtres sensibles, mélangées avec leur matière, comment les Idées, par exemple, nepériraient pas avec eux? Devenues corruptibles, seraient-elles encore Idées? On voit bien comment s'étayentmutuellement, pour rendre chaque supposition impensable, la rigueur d'une nécessité conditionnelle (si a, alors b) etl'impératif de la non-contradiction (dont Aristote a fait la clef de voûte de la science, plus fondamentalement encore: du discours, de la communication et de la communauté de pensée).
4.
Quant au paradigmatisme et à la participation (celle-là même qui permet de nommer choses participantes lesêtres sensibles), la sévérité d'Aristote s'exprime dans une formule mémorable : « mots vides de sens », au mieux «métaphores poétiques », c'est assez dire que les notions centrales de la théorie platonicienne ne constituent aucunsavoir de l'essence singulière (ou encore : de la substance) des « existants ».
Rappelons en quoi, pour Platon, lesIdées sont des paradigmes : ce terme signifie « modèle », et il faut donc entendre les Idées comme des formesexemplaires dont les êtres sensibles seraient les copies, fabriquées par un artisan (un « démiurge ») qui aurait lesyeux fixés sur l'« original »5.
Et dire que les choses sensibles participent des Idées, c'est soutenir que la substancedes premières tient quelque chose d'essentiel (par quoi elles sont connaissables) de l'essence des secondes, parl'effet même de l'acte de reproduction.
Par ce biais, et grâce à la participation réciproque des «genres de l'Être»dont Le Sophiste a fait la théorie, Platon pensait résoudre la difficulté majeure (qui heurte si fortement l'impératif dela non-contradiction) : les êtres sensibles sont autre chose que les Idées qui en sont séparées (comme le modèle dela copie), et tout à la fois elles sont la même chose qu'elles (par la ressemblance reproduite).
Or, cet aspect sifondamental du platonisme, Aristote le défait par l'effet conjugué de quatre observations critiques :a) La similitude ne prouve pas qu'il y ait reproduction; toutes sortes de ressemblances peuvent se produire par leseul fait du hasard — argument qui porte sur la « facture » des choses participantes.b) Argument qui vise maintenant la « structure » de la participation elle-même : la pluralité des aspects d'une chosene peut que signifier une pluralité de participations d'une pluralité d'Idées distinctes, dont certaines ne peuvent pasne pas englober certaines autres (comme le genre englobe l'espèce, et celle-ci l'individu).
Mais il arrivera de la sorteque l'Homme en soi soit le paradigme de l'homme-être sensible, et en même temps l'image de l'Animal en soi; doncqu'une Idée, « identiquement » image et paradigme, ne soit plus qu'une contradiction en soi...c) Plus grave encore : la condition de possibilité de la science des choses existantes, la séparation qui conditionnela participation, est également contradictoire : elle implique que ce par quoi « une » chose est une (sa substance)ne fait pas un avec elle...d) Enfin : comment se passer d'une cause motrice, ce que ne sauraient être les Idées, pour passer de leurimmobilité/immuabilité au mouvement et au changement des êtres sensibles?On entrevoit ainsi la tâche qui incombe à Aristote, s'il s'agit de sortir de ces contradictions qui rendent incohérentela cohérence propre du platonisme.
Pour renouveler de façon conséquente la pensée de l'Être et la doctrine de lascience, il importe d'élaborer une autre théorie de la causalité (où il convient de faire à la notion de moteur, à côtéde la fin, de la forme et de la matière, toute la place qui lui revient en fait et en droit) et, conjointement, dumouvement (Aristote la développera sur la base de la distinction de l'acte et de la puissance) 6.
Mais encore : uneautre théorie de la substance individuelle (où le dualisme de la Matière et de la Forme puisse se résoudre autrementque celui du Sensible et de l'Intelligible chez Platon).
Et c'est bien par ces nécessités théoriques que laMétaphysique s'impose, pour toute philosophie à venir, comme une entreprise de philosophie première.
Né à Stagire (Macédoine) en 384 av.
J.-C., mort à Chalcis (Eubée) en 322..
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