Aristote, Éthique à Nicomaque, VIII, 1, 1155a 22-28, ad. Tricot, Vrin, 1994, p. 383. (commentaire)
Publié le 20/03/2015
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«
Textes commentés 41
Toute cité repose sur la justice.
Mais la justice suffit-elle à définir l'ordre
de la
cité? Une cité fondée sur une alliance établie en vue d'empêcher les
injustices réciproques et
de favoriser les échanges remplit-elle
toutes les
fins de la cité ?
Aristote affirme l'insuffisance de la justice et la nécessité
politique de
l'amitié.
L'amitié n'est pas un
supplément, un moyen de vivre
agréablement dans des cités qui pourraient se passer d'elle, mais quelque
chose d'essentiel à la cité elle-même, tout en étant au-delà de l'ordre
juridique strict.
Toute cité est faite d'hommes divers.
Toute cité suppose donc un
lien
entre les individus qui la composent.
Ce lien, selon Aristote, est l'amitié.
Mais l'amitié n'est-elle pas purement d'ordre
affectif? Ici, l'amitié
apparaît comme l'effet d'une nécessité politique : même le législateur s'en
préoccupe, comme s'il fallait rechercher quelque chose qui est plus
et
autre que politique, l'amitié, de préférence à ce qui est purement
politique, pour que l'ordre politique lui-même puisse exister.
C'est que la
cité
est «une communauté du bien-vivre», et non une communauté
strictement juridique, défensive et économique.
Il existe certes une amitié contingente
et particulière, qui naît entre
certains individus dans la cité sans avoir rapport
à la cité.
Ainsi peuvent
se constituer des groupes qui sont comme étrangers au reste de la cité et
se constituent contre elle.
C'est ainsi que naissent les factions.
Ce que veut le législateur sous le nom de concorde, c'est une sorte
d'amitié coextensive à la cité elle-même : une amitié entre tous les
citoyens
comme tels, non une amitié entre certains citoyens qui les
séparerait des autres, et un accord de tous sur leurs intérêts communs : en
un mot
la volonté de bien-vivre ensemble, ce qui est la fin même de la
cité.
La justice est insuffisante, car s'il n'y a que la justice, l'homme cherchera
l'amitié dans des groupes distincts de la cité, et celle-ci ne réalisera pas la
communauté du bien-vivre : le lien de réciprocité exige en plus un lien de
concorde, c'est-à-dire un lien d'amitié.
Mais, inversement, l'amitié semble
faire l'œuvre de la justice
et remplir sa fonction : ce n'est pas par stricte
justice mais par amitié que je donne son dû à mon ami, et à mon
concitoyen si nous sommes dans une cité véritable.
Car si l'amitié est la
plus haute forme de la justice, elle comprend en elle le reste de la justice,
alors que l'inverse n'est pas vrai..
»
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