Aristote et l'amitié
Publié le 14/04/2005
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Il est évident qu'il tente de fustiger le bonheur individuel, dès les premières lignes du texte.
Mais n'avance-t-il pas le recours à l'amitié telle l'opinion ordinaire ? N'y a-t-il pas pour lui une relation plus profondeentre l'individu et autrui, à travers justement l'amitié ? Il en va d'une conception eudémoniste ( recherche commefin : le bonheur ) de l'homme à travers l'exercice de sa vertu.
Cependant faut-il entendre la vertu dans un senschrétien, ce qui compromettrait la réalisation du bonheur de l'homme en ce monde et la considération d'autrui pourne considérer qu'un Dieu ? A l'inverse, si chacun trouve son bonheur par l'exercice individuel de la vertu, en quoi a-t-il besoin des autres pour vivre ? Il est donc nécessaire de suivre la construction logique des parties et les éluciderà la lumière de la philosophie de l'auteur, dans son esprit et dans ses limites, pour pouvoir répondre au mieux à nosquestions.
[ I) L'homme cherchant seul son propre intérêt n'est pas heureux ]
[1] Pour associer le bonheur à l'amitié, Aristote réfute la thèse opposée ( « On prétend que ceux qui sont parfaitement heureux et se suffisent à eux-mêmes n"ont aucun besoin d"amis » ) qui était celle à son époque decertains sages ; certes, nous ne pouvons pas viser les épicuriens qui défendaient la maxime « Vis caché », carcelle-ci n'excluait aucunement le fait et le devoir de vivre en groupe d'amis ( ce qu'on appelait à l'époque « laphilia » ) ;mais certains philosophes grecs défendaient le bonheur solitaire comme les cyniques et leur figureemblématique Diogène de Synope : en effet, celui-ci refusait de vivre sous les conventions sociales pour se replierdans un tonneau ; ainsi il pensait acquérir individuellement le bonheur en s'adonnant librement à tout ce qu'il voulaitfaire, sans obligation sociale qui outrepasserait sa volonté.
Les cyniques, terme venant du grec « cynê » qui signifie« chien » étaient ravalés au niveau des bêtes, dans la mesure où leur rejet de vivre en groupe humain ou enhumanité leur valait la considération de n'être pas des hommes et donc d'être au rang des bêtes ( bien que celles-ciont l'instinct grégaire ).
A l'inverse, les dieux de la religion polythéiste populaire, étaient considérés aussi comme desêtres au bonheur solitaire car ils n"avaient besoin que d"eux-mêmes pour subvenir à leurs besoins : ils étaient alorsconsidérés comme auto-suffisants.
Par conséquent, l"être sans amitié, qui cherche à réaliser individuellement sonbonheur, est une bête ou un dieu, mais sûrement pas un homme pour Aristote.
Un homme, digne de ce nom, nepouvant pas assurer son propre bonheur par autosuffisance, a donc besoin d"amitié.
Cet « humanisme » ( même si leterme n"est pas d"époque) aristotélicien s"oppose à deux conceptions du bonheur : la première ( nous en avons déjàparlé ) partant du fait que le bonheur est chose toute personnelle, vise à la satisfaction égoïste ( mais il faudraitêtre une bête ou un dieu ) et la deuxième, héritée du christianisme, n"envisageant la réalisation de soi-même quedans le dépassement de l"humain, voire dans l"union à Dieu.
Dans cette dernière perspective, l"idée de bonheurdevient suspecte : ne traduit-elle pas la médiocrité de nos aspirations ? Car existe-t-il un seul homme vraimentheureux ? Le concept d"auto-suffisance devient inaccessible, ou si l"on préfère d"autarcie individuelle.
: seul lebonheur peut s"obtenir dans l"autarcie dans la mesure où être heureux signifie avoir comblé ses désirs, donc nemanquer de rien ni personne.
Or précisément l"argument théologique instauré par Aristote lui-même, dansMétaphysique, consiste à dire que Dieu ou l"Etre divin a voulu être désiré ( ne pouvait obtenir lui-même le bonheur seul ) et c"est pour cela qu"il a placé dans les êtres le désir et le mouvement.
Dieu, n"étant lui-même pas auto-suffisant, a instauré le manque en l"être humain.
Or, pour Epicure, les dieux sont nécessairement heureux pardéfinition ( sont auto-suffisants : tels se les représentaient les grecs de l"époque ) et ainsi ne peuvent se soucierdes affaires humaines, et encore moins se laisser toucher par les sacrifices et les prières.
[2] Mais Aristote, par le petit terme d'articulation « or », introduit un deuxième postulat, celui-ci très éloigné de ce que sera la pensée épicurienne : « l"ami, qui est un autre soi-même, a pour rôle de fournir ce qu"on est incapable dese procurer par soi-même » et n'est donc plus simplement un compagnon de la « philia » épicurienne, choisiseulement parce qu'il sert mes intérêts ou mes besoins.
Cette définition de l'amitié n'a rien qui puisse étonner àpremière vue.
Et pourtant elle revient à faire de l'amitié un simple moyen en vue d'une fin, en la définissant par son rôle,entendons son utilité.
Or, la fin par excellence de l'action humaine est le bonheur.
Il est donc logique, et d'une logique implacable, deconsidérer qu'arrive à l'amitié ce qui arrive à tout objet utile : une fois sa fin atteinte, elle devient superflue.
Lesdeux questions, du bonheur et de l'amitié, s'enchevêtrent.
si l'amitié n'est qu'utilitaire, l'homme heureux s'enpassera.
Et si être heureux c'est se suffire à soi-même, alors l'amitié n'est qu'utilitaire.
Comment briser ce cercle ? En montrant que l'amitié est fin en soi, c'est-à-dire qu'elle vaut pour elle-même et non pour ce qu'elle procure.
C'est ce à quoi s'attache Aristote, en s'appuyant sur l'opinion commune.
L'amitié « est considérée d"ordinaire commele plus grand des biens extérieurs » : ici commence la réfutation.
Transition L'argument s'il était laissé isolé, serait particulièrement faible .
Comment un philosophe.
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