Argumentaire du livre La Haine, de Gunther Anders
Publié le 02/01/2016
Extrait du document
«
fabrication du sentiment de haine.
Traufe soutient qu’il fait « ingurgiter » (p.43) la haine aux
soldats en leur offrant une personne à combattre et à détester – un ennemi donc – car « ils
aiment la haine en tant que telle, davantage qu’ils ne haïssent ceux qui en font chaque fois
l’objet » (p.43) : c’est la première phase de la haine.
La deuxième arrive lorsque les soldats
haïssent « réellement » (p.45) du fait qu’ils combattent : « L’appétit vient en mangeant, la
haine vient en luttant » (p.45).
Donc, le soldat a besoin de se nourrir de haine : « haine et
combat, s’intensifient réciproquement » (p.45).
Selon Traufe, combattre « comme ça » – sans motif, sans plaisir, sans ressenti donc
sans haine ou l’illusion de haine – enlèverait toute dignité au soldat.
Ainsi, Traufe fabrique la
haine car le soldat en a besoin mais lui également : en effet, les soldats haïssants ont « envie »
et « plaisir » à anéantir ce qui les rendent fiables (p.49).
Le discours du président – « mes gens n’ont pas besoin de savoir [...] pourquoi ils
haïssent ceux qu’ils combattent » (p.50) – révèle les différents stades de l’avilissement
progressif du soldat dont l’ultime est la disparition du besoin de connaissance.
Pourtant, le
soldat pense connaitre l’objet de sa haine : « haïssent-ils quelqu’un, ils croient également le
connaitre par la haine qu’ils en ont » (p.52).
Par ailleurs, le cadavre de l’ennemi donne raison
au haïssant de l’avoir haï et par conséquent tué : donc, « la prétendue haine et la prétendue
connaissance s’intensifient mutuellement » (p.52).
Comme nous l’avons vu, il est nécessaire de fabriquer l’illusion de haine pour que le
soldat combatte convenablement.
Cependant, cela vaut pour les combats rapprochés.
Nous
allons alors voir s’il en est aussi question dans la guerre moderne.
Dans un troisième temps, nous aborderons la fin des champs de bataille par
obsolescence due au potentiel de la technique moderne, en observant l’obsolescence de la
haine, sa place future, puis les ennemis à haïr.
Dans un deuxième dialogue, Pyrrhon affirme l’obsolescence de la haine par le fait que
d’une part, le progrès technique permet d’agir à distance, partout et sans discrimination entre
civils et militaires ; d’autre part, le soldat ne rencontre plus ses ennemis : peut-il et doit-il
alors encore haïr des ennemis imaginaires et leur faire la guerre sans champ de bataille ? Le
soldat n’haït plus car il ne combat plus mais « travaille » (p.64) – ses produits étant les
« millions de cadavres et de déserts » (p.65).
Ainsi, la haine n’est pas une constante et dépend
de « l’appareillage technique » (p.66).
Après la fin des combats, Pyrrhon évoque la fin du travail par « un simple déclic »
(p.71).
En effet, ce seront des humains puis des instruments qui déclencheront ceux menant à
la guerre : « Les déclencheurs déclenchent le déclenchement de déclencheurs » (p.72).
Ainsi,
Pyrrhon nomment ces effets « supraliminaires » (p.73) tellement ces derniers dépassent les
limites du perceptible et du concevable.
Pyrrhon ajoute que seule la proximité du combat rend possible la haine.
Par
conséquent, ce sentiment est totalement superflu dans la guerre moderne et est insufflé au
soldat par la fabrication d’ennemis de substitution : « Si vous souhaitez que vos gens
combattent ou éradiquent un élément A [...] impossible à percevoir et à haïr, vous engendrez
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