Devoir de Philosophie

Apprend-on à être libre ?

Publié le 12/08/2005

Extrait du document

*Décidant de fuir ce qu'elle prétend être dans l'instant, la conscience est condamnée à vivre dans un imaginaire inquiet. Ces tourments prennent la forme d'incessantes questions que tout l'effort de la vie consciente va chercher d'apaiser. M'aime-t-elle ? M'aimera-t-elle toujours ? Ai-je les faveurs de César ? Vais-je avoir cet emploi ? Mon pouvoir d'achat va-t-il augmenter ? Cette vie imaginaire est donc source d'inquiétude parce que l'homme subit le pouvoir des contingences extérieures. Dans le Manuel, Epictète nous avertit que soumettre sa vie à « ce qui ne dépend pas de nous », c'est une pure folie. Car c'est remettre son bonheur entre les mains de ce qui créera son malheur.

Analyse :

L'intitulé du sujet, sous forme de question, met en rapport l'expression « profiter de l'instant « et la notion de bonheur. Il convient d'argumenter pour évaluer si, en parlant d'une manière imagée, « profiter de l'instant « est la clé du bonheur, ou, plus logiquement, s'il s'agit d'une condition nécessaire et suffisante pour être heureux. Faut-il nécessairement que je profite de l'instant pour que le monde réponde à mon désir le plus profond ?

• Pour commencer la réflexion, définissons les termes du sujet en mettant en tension leur signification.

• Le bonheur : d'après le Grand Larousse, il s'agit d'un « état dans lequel sont satisfaites toutes les aspirations de l'être «. Cette définition oppose le bonheur au plaisir. La satisfaction de « toutes les aspirations de l'être « est plus vaste qu'un plaisir physique ou intellectuel. Il comprend la sécurité de ses biens et de sa personne, la liberté d'expression, le pouvoir d'achat etc...Etant plus vaste, il est aussi plus durable. Que serait un bonheur présent au lever du jour et absent le reste de la journée ?

• Profiter de l'instant :

-« profiter de « :

     -C'est la jouissance immédiate chère à la cigale de La Fontaine. On profite d'un bon dîner, de belles vacances sans le souci du lendemain.  

     -Mais ce peut être aussi « tirer profit de «, c'est-à-dire s'enrichir, et notamment d'un point de vue moral et spirituel.

-« l'instant « :

     -Il ne peut s'agir de l'instant objectif des mathématiques. Celui-ci est un être abstrait, sans lien avec l'expérience vécue puisqu'il est semblable à un point sans densité dans l'espace géométrique. L'instant subjectif renvoie au temps de la conscience. L'instant peut être bref, éphémère. Mais il peut également être conçu comme un instant présent qui implique une certaine durée. Bergson dit en effet du passé que c'est ce qui n'est plus actuel. 

Problématique :

Profiter de l'instant, n'est-ce pas s'adonner à une jouissance immédiate contraire à toute recherche du bonheur ? Mais la jouissance immédiate n'est-elle pas un but fixé par une conscience qui vit dans l'imaginaire et se projette avec inquiétude dans le futur et se remémore un passé douloureux ? Dès lors, l'attention à l'instant présent n'est-elle pas un acte sans lequel tout bonheur serait interdit ?          

 

« vie ne soit pas en elle-même source de satisfaction.

Bien au contraire, l'instant où je suis livré à moi-même meconfronte à la misère de ma condition et me fait expérimenter une profonde angoisse.

C'est la raison pour laquellePascal affirme dans les Pensées que « Toute la misère de l'homme vient de ce qu'il ne sait pas rester assis seul dans une chambre assis sur une chaise ».

Dès lors, plutôt que de rechercher des jouissances me laissant un goût decendres, la motivation essentielle de cette fuite hors de ce qui m'est donné au présent tient dans le masque qu'iljette sur ma misère existentielle. •Décidant de fuir ce qu'elle prétend être dans l'instant, la conscience est condamnée à vivre dans un imaginaireinquiet.

Ces tourments prennent la forme d'incessantes questions que tout l'effort de la vie consciente va chercherd'apaiser.

M'aime-t-elle ? M'aimera-t-elle toujours ? Ai-je les faveurs de César ? Vais-je avoir cet emploi ? Monpouvoir d'achat va-t-il augmenter ? Cette vie imaginaire est donc source d'inquiétude parce que l'homme subit le pouvoir des contingences extérieures.Dans le Manuel , Epictète nous avertit que soumettre sa vie à « ce qui ne dépend pas de nous », c'est une pure folie.

Car c'est remettre son bonheur entre les mains de ce qui créera son malheur.

Inévitablement, la fortune nousrefusera ce qu'on désire et nous mettra en face de ce que l'on fuit. •Fuyant l'instant présent, l'homme vit donc dans l'imaginaire tout en étant soumis aux contingences extérieures.Cette situation existentielle génère des sentiments d'impuissance et de futilité qui nourrissent l'opinion et inspirentles poètes.

« La vie est courte » dit-on.

Le poète exprime de même, avec davantage de style, que le temps est un« obscur ennemi » qui « mange la vie ». (Baudelaire) •Le problème se pose alors de savoir si la fuite hors de l'instant présent est une fatalité ? N'existe-t-il pas une autremanière d'inscrire notre action dans le temps de sorte que nous ne jugions pas le monde qu'il gouverne comme unevallée de larmes ? 3-L'attention à l'instant présent est bien la clé du bonheur. •Pour rendre possible l'accès à un bonheur humain, il est d'abord nécessaire de dénoncer l'illusion selon laquelle lafuite hors de l'instant serait une donnée objective et immuable de notre expérience.

Il faut reconnaître notreresponsabilité dans le pouvoir que les contingences du monde ont sur nous.

C'est ainsi que, pour Sénèque, la vien'est pas brève, mais c'est nous qui la rendons telle.

( De la brièveté de la vie ).

Sénèque ne nie pas l'existence de pressions extérieures qui promettent des jouissances dont le seul effet est de nous extraire de nous-mêmes.

Ilreconnaît qu'en rentrant de l'agora il s'est chargé d'une foule de désirs qui ne lui appartiennent pas et que son âmeest davantage troublé.

Mais c'est nous finalement qui alimentons les désirs de nos personnages étriqués en n'usantpas de notre pouvoir de distanciation. •Mais, pour créer les conditions de réalisation du bonheur, il faut ajouter à la reconnaissance de notre responsabilitédans la fuite hors de l'instant présent le savoir qu'il est possible d'habiter autrement le temps.

L'instant ne doit plusseulement être le lieu d'une jouissance futile ou de l'expérience angoissante d'un vide existentiel.

L'instant ne doitplus être un temps de passivité, mais de créativité.

Telle est, pour Bergson, la vérité de l'instant présent.

PourBergson, la conception de l'instant comme discontinuité éphémère résulte d'un travail de l'intelligence nécessairepour rendre l'action efficace.

En réalité, l'instant présent est une continuité profondément dense.

Ainsi écrit-il, àpropos de la vie intérieure dans L'énergie spirituelle , que « supposons que mon discours dure depuis des années, depuis le premier éveil de ma conscience, qu'il se poursuive en une phrase unique, et que ma conscience soitassez détachée de l'avenir, assez désintéressée de l'action, pour s'employer exclusivement à embrasser le Sens dela phrase : je ne chercherais pas plus d'explication, alors, à la conservation intégrale de cette phrase que je n'encherche à la survivance des deux premières syllabes du mot « causerie » quand je prononce la dernière Or, jecrois bien que notre vie intérieure tout entière est quelque chose comme une phrase unique entamée dès lepremier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais nulle part coupée par des points.

Et je crois parconséquent aussi que notre passé tout entier est là, subconscient.

» •Or c'est en inscrivant son action dans la réalité continue et dense de l'instant présent que l'homme peut trouver lebonheur.

Car en agissant dans l'instant présent, l'esprit entre dans le mouvement même de la vie que gouverne letemps de la création.

Dans la première partie de L'énergie spirituelle intitulée « La conscience et la vie », Bergson évoque quatre figures de l'esprit qui sont dans un rapport au temps pouvant conduire au bonheur.

Il s'agit de lamère, de l'entrepreneur, de l'artiste, et du grand homme de bien (le moraliste).

Ces quatre figures ont pour pointcommun d'inscrire leur action dans le temps de l'enfantement.

Par là, ils sont en mesure de faire apparaître quelquechose de nouveau et qui les dépasse.

Bergson précise que ce rapport au temps n'apporte pas un simple plaisir quin'est qu' « un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l'être vivant la conservation de la vie ».

Il mène à la joiequi est « un signe précis que notre destination est atteinte ».

En conséquence, l'attention à un présent riche,parce que, dans sa continuité, orienté vers l'enfantement, mène à une conception du bonheur comme cheminementvers la joie en acceptant la souffrance. Conclusion : Notre réflexion a d'abord conclu que « profiter de l'instant » ne pouvait conduire au bonheur.

Si les hommesrecherchent la jouissance immédiate d'objets, de personnes et de situations qui procurent un plaisir évanescent,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles