Annie Emaux, La Place, 1984. Vous ferez de ce texte un commentaire composé que vous organiserez à votre gré. Vous pourrez montrer par exemple comment, en évoquant son père, la narratrice se situe par rapport à lui.
Publié le 11/10/2011
Extrait du document
Après la mort de son père, la narratrice se tourne vers le passé. Souvent, sérieux, presque tragique : «Écoute bien à ton école!«. Peur que cette faveur étrange du destin, mes bonnes notes, ne cesse d'un seul coup. Chaque composition réussie, plus tard chaque examen, autant de pris, l'espérance que je serais mieux que lui. A quel moment ce rêve a-t-il remplacé son propre rêve, avoué une fois, tenir un beau café au coeur de la ville, avec une terrasse, des clients de passage, une machine à café sur le comptoir. Manque de fonds, crainte de se lancer encore, résignation. Que voulez-vous? Il ne sortira plus du monde coupé en deux du petit commerçant. D'un côté les bons, ceux qui se servent chez lui, de l'autre, les méchants, les plus nombreux, qui vont ailleurs, dans les magasins du centre reconstruits. A ceux-là joindre le gouvernement soupçonné de vouloir notre mort en favorisant les gros. Même dans les bons clients, une ligne de partage, les bons, qui prennent toutes leurs commissions à la boutique, les mauvais, venant nous faire injure en achetant le litre d'huile qu'ils ont oublié de rapporter d'en ville. Et des bons, encore se méfier, toujours prêts aux infidélités, persuadés qu'on les vole. Le monde entier ligué. Haine et servilité, haine de sa servilité. Au fond de lui, l'espérance de tout commerçant, être seul dans une ville à vendre sa marchandise. On allait chercher le pain à un kilomètre de la maison parce que le boulanger d'à côté ne nous achetait rien.
Annie Emaux, La Place, 1984.
Vous ferez de ce texte un commentaire composé que vous organiserez à votre gré. Vous pourrez montrer par exemple comment, en évoquant son père, la narratrice se situe par rapport à lui.
«
L'univers du père est caractérisé par la peur (emploi du
vocabulaire classique: peur, crainte) .
Il conseille l'obéissance,
le respect dans la seule phrase au style direct du texte : écoute bien à l'école.
Cet homme se sent écrasé par le monde, par les autres, vic
time même d'un vaste complot (thème de la persécution) :
.
tous se liguent contre lui: les méchants, les mauvais, (notons la façon enfantine de désigner les acheteurs qui n~ se servent
pas chez lui ou qui se servent mal et les autres commerçants : les gros).
Une phrase nominale brève souligne ce sentiment : Le monde entier ligué.
Cet homme est seul, victime et aigri, pas révolté.
Une autre
phrase nominale est remarquable : Haine et servilité, haine de sa servilité; la conjonction et laisse la place à la préposition de, et la phrase devient alors terrible : cet homme ne s'aime pas tel
qu'il est, tel qu'il est devenu .
Voici donc un homme terrifié, seul, écrasé, ne s'aimant
pas: le héros tragique en quelque sorte; ceci est souligné par la pré
sence du terme destin au début du texte.
On dirait que tout cela a été voulu, prévu.
Face à cet épicier modeste, à ce père craintif, il faut mainte
nant s'intéresser à
la petite fille, qui n'est autre que la roman
cière, la narratrice.
La fille au secours du père
Un rôle important, voire écrasant, est assigné à la fillette par
son père: bien travailler à l'école pour compenser, pour rache ter son propre échec.
Notons à ce propos le rôle de l'adjectilf
possessif dans l'expression travaille bien à ton école.
Cette
demande si lourde est répétée souvent et les adjectifs qui évo quent le ton du père à ces moments-là sont sérieux et tragi ques.
Cette demande s'accompagne du sentiment de l'étonne
ment du père devant la réussite : faveur étrange du destin, comme si celle-ci était anormale dans ce milieu.
Notons enfin
la terrible disproportion père/fille marquée en fin de phrase par
le contraste des pronoms personnels que je serais mieux que
lui.
Chargée de ce lourd devoir, que fait la fille 7 Après avoir
réussi à l'école, elle écrit et fait revivre le père, ce qui est peut
être l'intérêt principal de cette page.
Elle adopte un style sobre,
bref, sans émotion.
Pour faire son portrait, elle utilise des
phrases nominales sèches : manque de fonds, crainte de se lancer, résignation..
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