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André Marie Ampère

Publié le 22/02/2012

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Le père d'Ampère, marchand de chanvre de Lyon, érudit et épris de justice, fut guillotiné en 1793. Sa mort tragique affecta profondément Ampère, ébranlé une fois de plus en 1804 par le décès de sa jeune épouse. Doué d'une mémoire prodigieuse, ayant des prédispositions naturelles pour les mathématiques et les langues, il s'intéressait également à la physique, à la chimie et à la philosophie, et occupa plusieurs chaires. Ses découvertes importantes en chimie, notamment la distinction entre atome et molécule, furent pour la plupart revendiquées par d'autres scientifiques. Il gagna néanmoins la célébrité par l'expérience d'Oersted sur la déviation d'une aiguille aimantée par un courant électrique. Ce résultat le poussa à explorer davantage ce phénomène. Il étudia les forces s'exerçant entre deux fils parallèles conduisant les courants dans des directions identiques et opposées. Dans le premier cas une attraction se produisait, dans le second une répulsion dont l'intensité était proportionnelle au produit des courants et inversement proportionnelle au carré des distances entre eux. Il découvrit qu'un courant traversant une bobine de fil agissait comme un aimant et que les forces magnétiques dépendaient de l'intensité du courant. Il formula l'idée selon laquelle le magnétisme des aimants était également dû à certaines formes de courant électrique interne. L'unité de mesure du courant porte son nom car la définition moderne s'appuie sur son expérience des fils parallèles. Celui qu'on appelle le grand Ampère est à coup sûr l'un des plus universellement connus parmi les savants illustres. Mais sa vie n'est en aucune manière celle d'un sage professeur, patient et mesuré : personne n'a jamais représenté mieux le romantisme que le fondateur de l'électrodynamique. En 1856, dans une introduction à la Philosophie d'Ampère, son fils Jean-Jacques écrivait : "Je lui ai plusieurs fois entendu dire que les trois événements qui avaient eu sur lui le plus d'influence, c'était sa première communion, qui, faite avec la plus grande ferveur, l'avait attaché pour jamais à la foi de ses pères ; l'éloge de Descartes par Thomas, qui l'avait transporté d'amour pour les sciences ; et la prise de la Bastille, qui, de loin, n'arrivant dans ses montagnes que comme l'explosion de la liberté, avait décidé des sentiments politiques de toute sa vie." Triple ferveur où se résume bien l'extraordinaire enthousiaste que fut Ampère.

« cerveau..." Enthousiasme, impétuosité, passion fusant en tous sens comme jets de vapeur, voilà l'homme.

Il estcapable de parler treize heures de suite, expliquant le système du monde à ses amis Camille Jordan et Degérando.

Ilse jette à cerveau et cOeur perdus dans tout ce qui est neuf, libre, il aime tout ce qui exalte.

On peut énumérerdans un pêle-mêle assez symbolique les sciences, toutes les sciences, la poésie, Lavater, Gall, le spiritisme, lasociété d'Auteuil, la psychologie, la métaphysique, la classification des sciences, Byron, Maine de Biran ; commentn'en point oublier ! Il s'enflamme à huit ans pour l'insurrection de l'Amérique du Nord, et, sur le tard, pour celle del'Amérique du Sud ou pour l'indépendance de la Grèce.

L'expérience d'Oersted le met en branle, mais aussil'hypothèse de Geoffroy Saint-Hilaire, et encore Bolívar, Canaris, et il sait par cOeur, nous dit son fils, "les morceauxles plus énergiques de Lucain".

Car il faut y ajouter le latin (ne serait-ce que pour lire Euler et Bernoulli), les languesétrangères et même une langue universelle, manière d'espéranto, dans laquelle il compose un poème. Mais enfin, Ampère demeure un savant de génie et, dès 1814, l'Académie des Sciences l'avait élu, dans la sectionde mathématiques.

Car il était d'abord mathématicien et, sans nous étendre ici sur cet aspect de son génie, disonsau moins qu'un juge aussi qualifié qu'Appell l'égalait "aux plus illustres, aux Laplace, aux Lagrange, aux Monge, auxHermite, aux Poincaré". Les grands problèmes de la Chimie l'avaient également attiré.

Pionnier, il s'était naturellement placé à l'avant-garde,avec les partisans de la théorie atomique.

Il est même un précurseur de la Chimie-physique, ayant raccordé parl'atomisme les principes, tout récents alors, de la combinaison chimique à la loi strictement physique de Mariotte.Surtout, chacun connaît la célèbre hypothèse exprimée en 1814 dans une lettre à Berthollet (Avogadro l'avaitformulée l'année précédente, en termes un peu différents, et sans qu'il le sût), hypothèse selon laquelle tous les gazrenferment, à volume égal, le même nombre de molécules. Venons-en à la période essentielle.

Mathématicien incomparable, il possède l'outil grâce auquel il va conférer à desrésultats empiriques une merveilleuse généralité. Nous sommes en 1800.

Le 11 septembre, à l'Académie des Sciences, Arago a répété l'expérience du Danois Oersted: l'aiguille aimantée dévie si l'on fait passer un courant électrique dans son voisinage.

Personne n'a rien vu au-delàde ce fait curieux.

Ampère s'échauffe et va tout bouleverser.

Le 18 et le 25 septembre, coup sur coup, il donne sesdeux premières notes, complétées en octobre.

Il montre dans l'électricité en mouvement la source des actionsmagnétiques ; il prouve aussi que deux courants fermés agissent l'un sur l'autre ; il fonde en un motl'électrodynamique, la science qui colorera pour ainsi dire la civilisation moderne tout entière.

De plus, dès janvier1821 et dans sa lettre à Van Beck surtout, il fait l'hypothèse que les molécules des corps sont l'objet de courants(courants "particulaires", dit-il), que l'aimantation dirige mais ne crée aucunement.

C'est un peu déjà la théorie desélectrons décrivant leurs orbites.

Grande et curieuse correspondance entre une vue classique et les idées d'unsiècle plus tard ou presque.

Écoutons Louis de Broglie, dans son admirable portrait d'Ampère : "Non seulement il semontre par là le génial annonciateur des futures théories électroniques qui admettent que la matière est formée d'unnombre immense de particules électrisées et cherchent à expliquer toutes ses propriétés par le mouvement de tellesparticules, mais encore il montre toute sa perspicacité en rejetant définitivement la fausse analogie qui portait àtraiter symétriquement les phénomènes du magnétisme et ceux de l'électricité et en faisant découler lesphénomènes électromagnétiques de l'existence et du mouvement des seules charges électriques." Certes, l'étude moderne du magnétisme avec Langevin et ensuite a révélé plus de complexité dans les phénomènes :l'électron se comporte comme un petit aimant et non pas seulement comme un petit courant.

Mais si leferromagnétisme, lui, exige la notion toute nouvelle du spin, le diamagnétisme s'explique toujours dans la perspectiveouverte par Ampère. Et voici le troisième mémoire, l'immortel ouvrage disait Poincaré, celui où il réunit en 1826 dans une puissanteconstruction analytique ses travaux de 1820-1825 : Sur la théorie mathématique des phénomènesélectrodynamiques uniquement déduite de l'expérience.

Et certes, Poincaré s'est plu à montrer "quelles hypothèsesinconscientes" fit quand même Ampère ; mais le monument impérissable reste où tout est nouveau, où cetimprovisateur de génie se révèle ce qu'il est pleinement : l'un des premiers, par la date comme par le rang, auroyaume de la physique mathématique.

Et, dans son remarquable livre sur l'Électromagnétisme, Edmond Bauer n'eutqu'à mettre les équations d'Ampère sous la forme tensorielle pour leur conférer une allure toute moderne. Ainsi, un savant qui ne s'était jusqu'alors jamais occupé de physique, qui ignorait totalement l'électricité et lemagnétisme, physicien improvisé à quarante-cinq ans, expérimentateur d'occasion, brusquement, fiévreusement,découvre un monde.

On lui doit jusqu'au vocabulaire même et pour toujours : le mot de courant électrique (on disaitle "conflit"), celui de tension ; pour le galvanomètre, il crée à la fois le nom et la chose ; enfin il invente le principedu télégraphe électrique et le principe de l'électroaimant.

Il a frôlé la découverte de l'induction, l'a manquée dejustesse, en laissant la gloire qu'il a tout de suite reconnue au grand Faraday, neuf ans plus tard (1831). Cet exemple d'un tel coup de barre accompli dans un domaine de la science par un homme qui n'en soupçonnait rienjusque-là, n'a sans doute d'égal que l'exemple de Pasteur, n'ayant jamais vu un cocon de ver à soie, et pasdavantage n'en ayant entendu parler, et qui va s'improviser sériciculteur, biologiste, et enfin le prodigieux,l'inattendu révolutionnaire des sciences de la vie, on le sait. Mais la caractéristique d'Ampère, lui, c'est son romantisme, l'étrangeté de sa démarche.

En électromagnétisme,l'acte créateur essentiel fut accompli en quelques jours, d'une manière foudroyante.

Il écrit le 21 février 1821 : "Je. »

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